Un rendement à 9 000 kg/ha dans un contexte incertain
Champagne. Vignerons et Maisons de Champagne, se sont réunis le 23 juillet à Épernay, au Comité Champagne, afin de se mettre d’accord sur le rendement commercialisable 2025. Il a été fixé à 9 000 kg/ha. Un chiffre en baisse continue depuis trois ans.

Il est un peu comme les chiffres du loto. Très attendu et parfois même, avec un peu d’anxiété. Le chiffre du rendement commercialisable est tombé le 23 juillet, et cette année, ne ménageons pas le suspense, il est de 9 000 kg à l’hectare, « ce qui correspond à un léger déstockage », précise David Chatillon, président de l’Union des Maisons de champagne (UMC). Un chiffre en baisse constante depuis trois ans, puisque l’année dernière le rendement était fixé à 10 000 kg / ha, en 2023, à 11 400 kg / ha et en 2022, une année « record » à 12 000 kg/ha. Car si la vendange s’annonce belle avec un rendement estimé à 11 000 kg/ha, – « grâce à des conditions climatiques globalement clémentes, les vignes ont bénéficié d’un environnement propice à leur développement, limitant ainsi les risques sanitaires », indique Maxime Toubart, président du SGV – le contexte économique et géopolitique est pour sa part plus tendu. « Cette situation incite la filière à faire preuve de prudence, à adapter ses décisions à une réalité complexe, tout en gardant une vision ambitieuse pour l’avenir », annonce le Comité Champagne qui représente plus de 16 000 Vignerons et 350 Maisons.
Rappelons que la spécificité champenoise en fixant chaque année les chiffres du rendement, a pour but de protéger la filière. « Le stock est aujourd’hui très élevé. Pour le dire simplement, sans être trop technique : quand vous vendez une bouteille de moins, vous en avez trois en stock. Aujourd’hui, on a plus de trois ans de stock. La régulation consiste à piloter ce niveau pour éviter de déséquilibrer la filière et d’entrer dans une spirale que d’autres régions viticoles connaissent et qu’on veut absolument éviter », explique David Chatillon. « Ce qui est remarquable dans ce modèle, que nous ne faisons que perfectionner, c’est qu’il permet l’équilibre de la filière, en évitant que la distillation ou l’arrachage soient les seuls outils de régulation, comme c’est le cas ailleurs. Le modèle est complexe mais utile. Le retour à un ratio souhaité peut être trop brutal, donc il faut l’étaler : soit en baissant les rendements, comme on vient de le faire, soit en vendant des bouteilles. »
Des expéditions à reconquérir
Et la vente de bouteilles, c’est bien ce qui préoccupe les deux co-présidents du Comité Champagne. Si la baisse des expéditions de bouteilles est contenue (voir cet article), le contexte géopolitique, avec les États-Unis notamment et les menaces de rehaussement des taxes sur les vins et spiritueux par Donald Trump, appelle à la prudence en termes de stratégie. « Les expéditions depuis plusieurs mois se sont stabilisées, ce qui nous fait croire à une forme de résistance de l’appellation. L’ambition est d’ajuster au mieux par rapport aux prévisions de vente », insiste Maxime Toubart. « Les chiffres d’expéditions de juillet incluent des expéditions de précaution, c’est-à-dire réalisées juste avant l’entrée en vigueur des droits de douane. Le chiffre des expéditions 2025 ne sera pas tellement impacté par la décision des États-Unis, si tant est qu’il y ait une mesure défavorable. Pas seulement pour nous, mais pour l’ensemble des produits européens. En revanche, si une taxe de 50 % devait affecter durablement les expéditions en 2026, on se reposera la question l’année prochaine. Ce serait évidemment une très mauvaise nouvelle, mais pas uniquement pour nous », déclare David Chatillon.
Retrouver le stock cible
Un contexte qui de toutes façons pousse les acteurs du Comité Champagne à continuer une trajectoire de réduction du stock pour retrouver le « stock cible », considéré comme le point d’équilibre pour la filière, tout en préservant la viabilité des exploitations.
« La Champagne n’a pas vocation à vendre moins, mais à vendre mieux. Le chiffre de 300 millions de bouteilles est un objectif. L’outil Champagne est calibré pour cela. Il faut donc mettre en place des moyens collectifs. On souhaite retrouver rapidement ce niveau de 300 millions de bouteilles, notre cible, pour réguler le stock par l’aval », rebondit David Chatillon (en 2024, les expéditions de Champagne s’élevaient à 271,7 millions de bouteilles, en baisse de 9,2% par rapport à 2023).
L’enjeu est ainsi de donner de « la visibilité et de la désirabilité » au champagne, qui n’est, selon les deux co-présidents, pas encore assez présent dans certains secteurs de la restauration hors région. « Le champagne reste le produit phare de la célébration, la boisson préférée de tous les amateurs de bons moments, de partage, de convivialité et on doit être attentif à ce que cela le reste. Il faut donc pour cela, une réflexion collective sur le sujet », insiste Maxime Toubart, en réfléchissant à la conquête de nouveaux marchés, comme l’Inde, l’Amérique du Sud ou encore l’Asie du Sud-Est et en annonçant la préparation d’un « grand événement fédérateur pour 2027 ».
Pour plus d’informations : Des vendanges sous contrôle