De nouvelles mesures pour la justice de proximité
Justice. Le Garde de Sceaux, Éric Dupond-Moretti, était en déplacement à Reims pour annoncer de nouvelles mesures concernant la justice de proximité dont le passage en CDI de 2 000 contractuels et le recrutement de 300 juristes assistants supplémentaires. Une nouvelle fonction d’attaché de justice sera aussi créée.
« L’institution judiciaire a subi depuis 30 ans, un abandon humain, politique et budgétaire. Les conséquences pour les justiciables sont désastreuses », n’hésite pas à déclarer Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux depuis 2020. Celui dont la nomination avait suscité un vif émoi auprès des magistrats et de leur syndicat, a finalement centré son action depuis deux ans sur nombre de leurs revendications.
« L’idée qui ressort des États généraux de la Justice, lancés en octobre 2021, est de constituer une équipe autour du magistrat, dont il deviendrait le capitaine. Cette équipe a pour but que le juge ne soit plus dans l’isolement. Ce sont des choses qui ont été dites et qu’il faut entendre », concède-t-il.
« Cette équipe doit non seulement soulager le magistrat et le greffier dans leur travail, mais elle a aussi pour but de constituer le vivier des magistrats de demain. » En effet, le Gouvernement s’est fixé pour objectif de recruter 1 500 magistrats et 1 500 greffiers à la fin du second quinquennat, dont une partie des candidats au concours de l’ENM pourront provenir des contractuels actuellement employés dans les tribunaux.
2 000 contractuels pérennisés
En effet, pour seconder les magistrats et les greffiers dans leur tâche, 2 000 contractuels avaient été embauchés dès 2021. Dans une ode dont il a le secret, celui qui a passé le barreau en 1984 a dit tout le bien qu’il pensait de ces derniers et de leur travail.
« Je me souviens de cet envoi massif de contractuels et des circonspections pour ne pas dire des critiques que cela avait suscité. Mais à la mesure de votre travail, de votre ingéniosité, vous êtes devenus tellement indispensables que nous avons décidé de vous pérenniser, de vous institutionnaliser », s’est-il directement adressé aux 30 contractuels employés à la juridiction rémoise, au titre de juristes assistants, assistants de justice et chargés de mission.
« Les contractuels apportent une aide indispensable à la croissance du flux, elle permet aux juges de se recentrer sur le cœur de métier, d’impulser de nouvelles dynamiques partenariales au sein des juridictions et de se concentrer sur des contentieux plus sensibles et plus techniques », appuie Hugues Berbain, procureur général près la cour d’Appel de Reims.
De catégorie A, B, ou C les contractuels sont venu soulager les magistrats dans leur tâche, principalement dans trois contentieux différents : les affaires familiales, le contentieux de la protection et les pôles sociaux.
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Restaurer la collégialité, renforcer la cohésion au sein du groupe ainsi qu’apporter une aide concrète au travail des greffiers. C’est tout le sens des témoignages recueillis par le Garde des Sceaux lors de son déplacement, où plusieurs chargés de missions et juristes assistants ont expliqué très concrètement quelles étaient leurs missions.
Recréer un lien avec le justiciable et le citoyen en faisant preuve de pédagogie et de découverte auprès des plus jeunes notamment. « Nous travaillons sur la co-construction de projets pédagogiques et interactifs, effectuons des podcasts de procès et sensibilisons les scolaires au harcèlement », a par exemple exposé une des deux chargées de missions engagées au Tribunal judicaire de Reims.
« Chaque juridiction a ses spécificités et ses besoins, c’est pourquoi le plan d’embauche a laissé beaucoup de souplesse aux juridictions », avance Éric Dupond-Moretti. « Il y a beaucoup d’enthousiasme dans les propos que vous tenez. On sent que vous êtes portés par quelque chose qui vous dépasse, qui nous dépasse. La justice de proximité, vous l’incarnez. Une justice qui va plus vite, qui est plus proche des justiciables. Ce que vous faites a vocation à être transmis, d’où le site des bonnes pratiques mis en place via l’intranet du Ministère de la Justice », rappelle-t-il.
300 juristes assistants supplémentaires
Des avancées, appelées des vœux des tribunaux, il y en a eu, chiffres à l’appui. Entre janvier 2021 et janvier 2023, le stock d’affaires en attente de jugement en affaires familiales a diminué au niveau national de 28%.
97% des juridictions de première instance ont aussi vu leur stock baisser sur cette même période, et plus précisément à Reims où le stock d’affaires en cours a baissé de 27% sur cette période aux affaires familiales, de 35% au pôle social et de 17% au pôle contentieux.
« L’objectif est de diviser par deux les délais de traitement des affaires au civil et au pénal d’ici la fin du quinquennat », insiste le Garde des Sceaux. Cet objectif, outre la pérennisation des postes de 2 000 contractuels et le recrutement de 300 juristes assistants supplémentaires (soit +32% en une année), ne peut être rendu possible sans la transformation numérique du monde de la justice.
« Les greffiers verront leur travail considérablement simplifié, sans transporter des tonnes de dossiers. »
Quant aux créations de postes, Éric Dupond-Moretti assure « avoir recruté en 5 ans autant que ces 20 dernières années en multipliant par cinq le nombre de juristes assistants et d’assistants spécialisés ». À Reims, cela correspond au recrutement de deux juristes assistants supplémentaires ajoutés aux neuf déjà existants. D’ailleurs le statut du juge assistant va évoluer avec la création d’une fonction d’attaché de justice.
« Cette nouvelle fonction regroupera les juristes assistants, les autres contractuels de catégorie A. Cette flexibilité dans l’ouverture de poste permettra de recruter des fonctionnaires comme des attachés d’administration, des enseignants, des policiers, des personnes venant du secteur privé ou des étudiants sortant de leurs études de droit. C’est faire confiance au terrain et donner la main aux chefs de juridictions qui savent mieux que quiconque quels sont leurs besoins en matière de ressources humaines. »
En 2023, le budget de la justice croît pour la troisième année consécutive de 8 % pour s’établir à 9,57 milliards d’euros soit une augmentation de 711 millions d’euros par rapport à 2022, représentant une croissance de 40 % depuis 2017. Le budget de la justice de proximité correspond lui, pour l’année 2023, à 222 millions d’euros.