La poignée de main est franche, le sourire avenant. Robert Ostermann a le contact facile. D’ailleurs, il le dit lui-même : « J’aime les gens. » Il les aime d’autant plus qu’il « déteste les situations de conflit ». Ce qui ne manque pas de sel, lorsque l’on sait qu’il fut souvent amené, dans sa carrière professionnelle, à gérer des situations pour le moins délicates. Mais être sympathique n’empêche pas d’avoir du caractère.
Ecole hôtelière et MBA
Fils unique de parents restaurateurs à Mulhouse, il est pris au dépourvu lorsque son père lui demande ce qu’il veut faire plus tard. Il se verrait bien avocat pour plaider toutes les causes. Mais a 14 ans, comment énoncer clairement ce que l’on conçoit mal ? Par mimétisme filial, il lâche le mot de restauration, et son père l’inscrit à l’école hôtelière de Strasbourg, pour cinq années de formation. Puis il traverse l’Atlantique et les States pour devenir quelque temps manager de nuit (22h/4h du matin) dans un hôtel à San Francisco.
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A son retour en France, il trouve son premier job, chez Sodexo, en feuilletant les Pages jaunes. Passe chez Accor « pour ouvrir des hôtels dans des zones compliquées… », et devient chez Elior, le plus jeune directeur régional du groupe. Il a 25 ans. « Je participais aux comités de direction avec des gens qui avaient fait des écoles de commerce. J’ai vite compris qu’il manquait des cordes à mon arc, et que je devais me mettre à niveau pour me sentir en symbiose avec les autres. » ça tombe bien, du genre hyperactif, Robert Ostermann a besoin d’apprendre et de comprendre. Ce sera, pour commencer, un master Vente et Marketing à l’Essec, complété quelques années plus tard par un MBA en gestion d’entreprise à l’ESG.
L’homme du redressement
Robert Ostermann s’appuie sur des ‘‘principes de vie’’ qui ont guidé son parcours. Genre : « il faut transformer tout problème en opportunité » ; « la vie parallèle n’existe pas. La vie, c’est celle que l’on mène, que l’on choisit, qu’il faut assumer pour ne pas avoir de regret » ; « à force de croire à des gens extraordinaires, on finit par les rencontrer » ; « la jalousie ne fait pas partie de ma carte mentale »… Il accède aux fonctions de direction (Pierre & Vacances) puis de direction générale (Compass Group PLC, Adecco-Adia, ISS France propreté, Boulangeries Paul, Mezzo di Pasta, MDP développement, Europcar France…). Si la liste est longue, c’est que Robert Ostermann est souvent intervenu dans des entreprises en transformation ou en difficulté. « Sur la base du triptyque : une problématique, une mission, un homme, vous êtes vite repéré et catalogué par les chasseurs de tête. »
« Un dirigeant doit être clair. Il doit inspirer ses collaborateurs pour qu’ils le suivent. Il doit les faire grandir. »
En 2008, par exemple, le voilà chez Adecco, qui a perdu 40 % de son chiffre d’affaires en un mois et demi en raison de la crise des subprimes. « Il fallait restructurer. C’est le genre de mission où l’on va au bout de soi-même. Mais à qui se confier ? Une direction générale, c’est un parcours de solitude. » Pourtant, Robert Ostermann n’a rien d’un solitaire. Occasion d’énoncer un autre principe : « Un dirigeant doit être clair. Il doit inspirer ses collaborateurs pour qu’ils le suivent. Il doit les faire grandir. » à ce titre, ce n’est pas sans une certaine satisfaction qu’il observe le parcours de ses ex-collaborateurs.
Robert Ostermann est souvent passé pour ‘‘l’homme du redressement’’ dans les entreprises où il a exercé. « Quand on porte une mission au regard d’un projet qui, par définition, n’est pas fédérateur (on parle là de transformation parfois ‘‘violente’’), il faut savoir trancher dans le vif pour sauver l’entreprise. Parce que la vraie responsabilité du dirigeant, c’est de tout faire pour que l’entreprise continue à exister. » Il sait qu’un mandat social peut être éphémère - il l’a éprouvé. « On peut être en désaccord avec le président de l’entreprise, mais ne jamais perdre de vue qu’il détient le capital. Il faut être clair. »
« L’important c’est la grandeur du projet »
Voici deux ans, à l’heure de la cinquantaine, Robert Ostermann a perdu son mandat social puis est devenu grand-père en l’espace de 10 jours. Aucun lien ? Voire… Des chasseurs de tête le contactent rapidement. Il réfléchit. On lui suggère de créer sa propre entreprise. Le retour du confinement lui fait soudain prendre conscience qu’il dort depuis 6 nuits dans le même lit et qu’il ne se souvient pas de la dernière fois où cela lui était arrivé. Sa compagne vit et travaille à Reims. Il examine les annonces d’entreprises à racheter dans la région. A Reims, Hubert Cycles est à vendre. Robert est cycliste et motard. Il connaît le monde de la mobilité. L’avenir est aux mobilités douces, en prise directe avec la conscience collective et l’air du temps. Alors se poser, s’ancrer quelque part. Prendre le temps de faire des photos de ‘‘street art’’, sa passion…
« J’ai découvert que Hubert Cycles était aussi une histoire de passion et de fidélité depuis 60 ans : des clients viennent acheter un vélo à leur petit-fils parce que leur propre grand-père leur en avait acheté un ici même lorsqu’ils étaient enfants ! » Il rachète l’entreprise en octobre dernier et, comme d’habitude, se lance à fond dans cette nouvelle aventure. « J’apprends tous les jours avec mes 11 collaborateurs. Ici, les choses se font en douceur. Et je n’ai pas de cours de bourse à gérer ! ». Il en revient aux clients : « Il y a une vraie proximité, des discussions, des histoires à raconter. J’aime les gens » (c’est parfaitement cohérent avec le début de cet article, n’est-ce pas ?).
Parce qu’il a toujours été impliqué dans les syndicats professionnels des entreprises qu’il a dirigées, Robert Ostermann vient d’accepter la présidence de la branche cycles de Mobilians, le principal mouvement des entrepreneurs des métiers de la mobilité, avec la ferme intention de défendre les intérêts du vélo… et de la région.
Dirigeant mobile de grands groupes, le voilà patron d’une PME en prise directe avec la mobilité sur son territoire. Il semble y trouver pleinement son compte. « Peu importe la taille de l’entreprise, l’important c’est la grandeur du projet. Un jour, j’espère transmettre celle-ci à quelqu’un qui aura les mêmes envies que moi. »
Derrière la poignée de main franche et le sourire avenant de Robert Ostermann, il y a un homme de caractère.