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TedxReims : les influences en réflexion

Événement. Voilà deux années que le TEDx n’avait pu se dérouler à Reims pour cause de Covid. Et c’est avec le thème de / des Influence(s) que la célèbre conférence TED (Technology, Entertainment and Design) a fait son retour dans la cité des Sacres, au Centre des Congrès.

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C’est devant une salle comble, avec une billetterie à guichet fermé où 700 places avaient été vendues, que s’est déroulée la 7e édition des conférences TEDxReims. L’association, fondée en 2013, s’appuie sur une quinzaine de bénévoles pour organiser chaque année une soirée de conférences. La précédente édition, qui avait eu lieu en 2019, convoquait pour sa part le thème du Temps T. Temps qui passe, qui s’installe, qui nous engloutit, mais aussi l’occasion d’être au bon endroit au bon moment. Et c’est le 1er décembre, au Centre des Congrès, qu’il fallait être pour écouter les sept intervenants conviés sur la scène pour livrer leur rapport à l’influence. Un thème plus que jamais d’actualité à l’ère des réseaux sociaux, où chacun peut s’inventer influenceur.

Mais gare aux fake news, sous peine de perdre en audience et en crédibilité. Évènement soutenu par la collectivité et des partenaires comme le CIC, le Champagne Tarlant ou encore Kadimage, TEDx Reims s’adresse aussi aux jeunes par le biais de la radio RJR. « Nous soutenons TEDxReims depuis sa première édition en 2013. Nous sommes très heureux que les Rémois puissent ainsi avoir accès à un événement ouvert, bienveillant qui permet de garder l’esprit en éveil », souligne Catherine Vautrin, Présidente du Grand Reims. « TEDxReims permet aussi à ceux qui ne connaissent pas notre région d’en découvrir certains des meilleurs ambassadeurs », souligne-t-elle. L’esprit « TED » se renouvelle chaque année et étend d’ailleurs son influence car les trois quarts des personnes présentes dans la salle assistaient à une conférence TED pour la première fois. Il faut dire que le sujet était vaste, et appelait à le traiter par plusieurs entrées.

Les femmes, « oubliées de l’histoire »

Ainsi, la grande reporter de guerre et romancière Patricia Chaira, évoquait l’influence de l’oubli du parcours professionnel de grandes femmes dans l’histoire. « Derrière chaque grand homme se cache une femme », dit le proverbe. « C’est une arnaque », n’hésite-t-elle pas à trancher. Or l’intelligence n’a pas de sexe, ni l’ambition. « Mais les hommes restent les modèles et les femmes sont reléguées aux oubliettes », juge-t-elle. Pour illustrer son propos, elle citait notamment l’exemple de Gerda Taro, femme photojournaliste aux 800 photos de la guerre d’Espagne, signées sous le nom de l’agence de son mari… Robert Capa. Symbole de cet oubli historique, sur 70 personnes inhumées au Panthéon seulement six sont des femmes... Idem dans le domaine de l’art où ces dernières ont bataillé pour se faire une place. « Alma Mahler rêvait d’écrire un opéra, mais son époux Gustave a exigé qu’elle abandonne », raconte-t-elle. En guise de conclusion, la journaliste qui a un peu livré de son propre parcours personnel dans le milieu du reportage de guerre, louant ses figures inspirantes telles que Lee Miller, a exhorté les femmes à « oser revendiquer leur talent ! »


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Deuxième intervenante, la Membre du réseau Espérance Banlieue, Alix Pelletreau révélait l’influence positive de l’école dans le développement de l’enfant, prenant en exemple l’établissement dont elle est à la tête, l’école hors contrat Colibri, à Reims. De la grande section au CM2, elle répond aux problématiques de l’échec scolaire grâce à « des méthodes innovantes, de petits effectifs, un uniforme, des jeux collectifs, une ouverture au monde et à la nature, des encouragements ». Avec cette question centrale : « Qu’est ce qui influence plus les enfants que l’école ? » Son credo : « s’adapter aux besoins de l’enfant. »

« L’influence d’un environnement positif est déterminant. Nous prenons le temps d’entrer en contact avec l’enfant, de le regarder régulièrement dans les yeux, de prendre le temps de déjeuner avec lui. Ne pas stimuler le regard d’un enfant gène le développement de son cerveau. Les écrans agissent comme une pollution et ne remplaceront jamais le contact humain », souligne Alix Pelletreau. Autre élément important, et non des moindres, la discipline. Mais celle qui cadre et pas celle qui soumet « Sans discipline, point de liberté, sans liberté point de discipline mais de la soumission. » L’enjeu de l’école Colibri est aussi celui du décrochage scolaire « avec une véritable urgence éducative dans les quartiers. En France, le taux de décrochage scolaire est de 8%. Il est de 13% à Reims et de 32% pour un de ces quartiers », observait Alix Pelletreau.

La violence influence nos gènes

TedxReims : les influences en réflexion
L’ensemble des intervenants du TedxReims 2022. (Crédit : N. Desanti)

Troisième intervenant, le professeur et président national de Gynécologie sans frontières, Richard Matis expliquait l’influence de la violence sur nos gènes. Que se passe-t-il dans notre cerveau pendant un acte de violence extrême ? La perception de l’extrême danger, le stress, libère de l’adrénaline. La personne se met « en anesthésie émotionnelle, elle est dans un état de dissociation traumatique ». « Le cerveau n’est pas programmé pour vivre la violence », insiste Richard Matis. « Elle entraine une baisse de l’immunité et de la capacité à se défendre. Une victime de violence, plus elle est victime, plus elle s’affaiblit. » Mais le médecin va plus loin : « Les psycho-traumas peuvent créer des maladies (cancer, diabète etc), mais la bonne nouvelle, c’est que c’est réversible. Il faut poser la question des violences aux personnes qui souffrent de maladies chroniques en traitant la mémoire traumatique. »

La coach Martha Berthonneau décortiquait, pour sa part, l’influence de nos émotions et les biais cognitifs sur nos croyances, prenant en exemple la transphobie. « 40% des personnes transgenres feront une tentative de suicide après une agression. Au nom de quoi ? », s’interroge-t-elle. Rentrer dans le rang au nom de la conformité est la réponse qu’elle esquisse, prenant en exemple, on le devine en filigrane, sa propre histoire. Concernant l’agresseur transphobe cette fois-ci, pourquoi ce dernier a-t-il recours à un tel acte ? « Son cerveau fonctionne par des raccourcis de jugement, pour mieux vivre en sécurité dans le présent », explique-t-elle. « Le concept fort/faible va créer des relations de domination. Si on considère que la force est masculine, cela va développer le masculinisme et des comportements sexistes. Or le stéréotypage, mène au racisme et au sexisme », développe-t-elle.

« Argumenter sans relance donne l’impression d’enfreindre sa liberté. »

Les émotions influencent indéniablement les individus. « Une émotion émerge quand nous percevons une transformation de notre environnement, de la société. » Concluant : « Combien de drames seraient évités si les personnes avaient conscience de leur état émotionnel ? » Autre influence, celle, positive, qui pousse à se dépasser. Le président de l’association Marcher pour respirer Jérémy Stempflin évoquait l’influence positive des autres et du sport sur la santé, lui qui n’hésite pas à parcourir des centaines de kilomètres à pieds. Ce dernier a vécu l’influence comme quelque chose de très positif dans sa vie. Malade, il s’est transcendé pour effectuer un défi sportif. Réaliser un « Paris-Colmar » en marchant 9 heures par jour pendant 12 jours. « J’ai décidé de ne pas laisser la maladie guider ma vie. Chez moi, l’influence a été une source d’inspiration », confie-t-il.

« J’ai commencé à poster des vidéos sur Facebook et, à ma grande surprise, j’ai eu beaucoup de messages positifs. Je publie encore mon quotidien de malade, de traitements, les opérations. Et quand je vois les retours, c’est là que je me dit que je suis sur la bonne voie. » La communauté créée grâce aux réseaux sociaux lui a ainsi donné la force de se battre. Des grands noms l’ont accompagné dans ses différents défis : des acteurs, sportifs, et même un Président de la République, François Hollande. « Tout cela m’a motivé à faire un 2e défi : marcher 24 heures non-stop, ce qui revenait à effectuer 200 tours de terrain de foot. L’influence négative telle qu’on peut la percevoir n’est pas une fatalité », conclut-il. « Agissons pour tous avoir une influence positive sur les autres. »

Voir la vie en rose

La journaliste, productrice et instagrameuse Mamouz, de son vrai nom Julie Mamou Mani, avant dernière à se présenter sur la scène du Centre des Congrès, distillait les outils pour « influencer sa vie en rose ». Après des années passées comme journaliste dans des rédactions traditionnelles, elle a eu envie de « créer un média positif ». Le déclic fut la période du covid, où les gens confinés, ont eu envie de bonnes nouvelles, de sourire, d’être heureux, de rire. Exercice cathartique par excellence, Mamouz a d’ailleurs proposé à l’assistance, en guise d’introduction de son propos, de se lancer dans un grand fou rire généralisé... et libérateur. « Rire c’est ma passion. Rire c’est du sérieux, c’est surtout un outil merveilleux qui peut aider à dédramatiser toutes les situations ou presque. En 1939, on riait en moyenne 20 minutes par jour. Aujourd’hui, c’est 2 minutes », assène-t-elle. Et quand on sait que rire 15 minutes par jour libère la dopamine, l’ocytocine, la sérotonine et les endorphines, pourquoi s’en priver ?

Pour terminer, le publicitaire de l’agence Romance, Jérôme Lavillat, qui a travaillé sur la campagne Intermarché, analysait comment la publicité nous influence. « C’est en travaillant dans la pub que j’ai compris qu’argumenter n’était pas la meilleure manière de convaincre. » Il s’adresse ainsi plus à la partie émotionnelle du cerveau qu’à celle qui analyse. « Les campagnes qui reposent sur des arguments rationnels sont moins efficaces que celles qui reposent sur de jolies histoires à raconter. » Un des autres points développés était le principe de « réactance », qui pousse l’individu à faire un choix plutôt qu’un autre lorsqu’il a l’impression qu’on lui force la main.

« Argumenter sans relance donne l’impression d’enfreindre sa liberté. » La réactance peut ainsi être à l’origine de mouvements de masse. « C’est un formidable outil pour maintenir notre liberté mais aussi un outil de manipulation redoutable s’il est entre de mauvaises mains. » « Alertez-vous si une personne vous dit : ‘‘Je ne cherche pas à te convaincre’’, c’est probablement qu’elle est en train de franchir la barrière de la réactance ! »