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Recrutement des cadres : vers une année record ?

Emploi. Le Grand Est n’a jamais autant embauché de cadres. Ils étaient 13 130 à avoir été recrutés en 2022 soit 820 de plus qu’en 2019, année de référence, et 14% de plus qu’en 2021. Des chiffres démontrant un marché de l’emploi dynamique certes, mais qui ne doivent pas masquer de forts enjeux pour les années à venir.

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Photo de Bruno Lestingi
Bruno Lestingi dans les nouveaux locaux de l’APEC, repensés pour accueillir au mieux les entreprises et demandeurs d’emplois. (Crédit : ND)

Il se pourrait bien que 2022 devienne la nouvelle année de référence en termes de recrutements de cadres. En effet, avec une hausse de 14% par rapport à 2021– une année déjà de forte reprise – et une création nette de 2 900 emplois avec 13 310 embauches, celle-ci se place devant les 12 310 cadres embauchés en 2019.

Une très bonne reprise dynamique, comme il en existe souvent après les crises (chute des embauches de 28% entre 2008 et 2009 lors de la crise des subprimes, de 10% entre 2012 et 2013 lors de la crise de la dette et de 19% entre 2019 et 2021 avec la crise du covid).

Ainsi, depuis 2020, on constate une hausse des recrutements de 15 %. Toutes les régions de France atteignent un niveau record, avec une moyenne nationale, entre 2021 et 2022 de +15% et 308 300 recrutements, +14% pour le Grand Est.

« Ce record concerne presque tous les secteurs d’activité », souligne Bruno Lestingi, Consultant Relations entreprise à l’APEC de Champagne Ardenne.

« Quatorze secteurs sont en très forte progression comme les domaines des activités informatiques, de l’ingénierie et de la R&D, le commerce et les secteurs de la banque et assurance. On note une forte prédominance des secteurs des services, l’industrie et la construction étant plus en retrait. »

Au sein du Grand Est, 1/3 des cadres sont recrutés dans le Bas-Rhin, 12% dans la Marne

Le nombre de cadres dans le Grand Est est donc en hausse de 1,2% entre fin 2021 et fin 2022, au nombre de 249 880. « Ceux-ci représentent 6% des cadres de France métropolitaine. » Dans le détail, le Bas-Rhin capte toujours autant d’emplois avec 33% des offres contre 12% dans la Marne et 2% dans les Ardennes.

« Le site Apec.fr regroupe plus de 50% des offres du marché des cadres », précise Bruno Lestingi qui anime également des formations et ateliers pour les demandeurs d’emplois mais aussi à destination des entreprises pour les guider dans le ciblage de leurs recherches.

Le « top 5 » des familles de métiers diffusant le plus d’offres avec un marché soutenu sont en premier lieu le développement informatique avec 1 637 offres dans le Grand Est sur Apec.fr, puis l’audit et l’expertise comptable (1 070 offres), la représentation commerciale (1 066), l’ingénierie d’affaires (976) et enfin la comptabilité (956 offres).

« Aujourd’hui, dans un marché de l’emploi tendu, la différence va beaucoup se faire sur le salaire là où avant, c’était plutôt les conditions de travail, même si cela reste très important. En cause, la forte inflation de cette dernière année. »

Concernant les prévisions 2023, « 6 recrutements sur 10 concerneraient des cadres ayant 1 à 10 années d’expérience, première variable d’ajustement des entreprises, avec 33% de recrutement de cadres ayant entre une à cinq années d’expérience. »

Ainsi, les entreprises recrutent davantage que prévu des juniors, les prévisions pour l’année 2022 étant de 2% sur des embauches de débutants, alors que dans les faits, 13% des recrutements l’ont été sur des cadres ayant moins d’une année d’expérience.

Ceci alors que l’image des cadres seniors est plutôt positive, malgré un frein ressenti concernant l’âge. Ainsi 55% des 55 ans et plus considèrent l’âge comme un frein, ce chiffre grimpe à 19% pour les 60 ans et plus, alors que dans le même temps, l’âge de la retraite augmente.


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« Il va falloir que les entreprises prennent en compte ce paramètre », relève Bruno Lestingi, appuyant son propos de l’image des managers sur l’emploi senior : « Il y a une espèce de jeunisme qui finalement ne prend pas toujours en compte l’expérience comme on le devrait. »

Si 51% des managers jugent les seniors plus aptes à transmettre le savoir et les connaissances, ce chiffre tombe à 42% lorsqu’il s’agit de piloter un projet ou d’entretenir des relations avec un partenaire extérieur.

Dynamique en légère baisse pour 2013 avec 12 000 recrutements prévus

En 2023 encore, ce sont les fonctions des domaines de l’informatique, du commercial et du marketing, de la R&D, des RH qui seront recherchées.

« La plupart des entreprises augmentent leur pôle commercial. Mais les personnes visées par ce poste ne voient plus cette activité comme il y a 20 ans. Il y a une volonté d’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, apportée par le télétravail. Cette possibilité est un des arguments pour décider de travailler dans telle entreprise plutôt que dans telle autre. »

Au niveau de la dynamique de recrutement, 2023 s’annonce un peu en baisse, de l’ordre de 9% par rapport à 2022, avec une perspective d’embauche de 12 000 cadres (19% en Champagne-Ardenne, 32% en Lorraine et 49% en Alsace).

Avec une forte volonté de réindustrialisation, 26% des recrutements de cadres le seraient dans ce secteur dans le Grand Est. Quant aux grands enjeux du recrutement en 2023, un des premiers est celui de devoir surmonter les difficultés qui atteignent un niveau record.

En 2022, 84% des entreprises livraient rencontrer des difficultés dans le processus de recrutement, entrainant des vacances de postes, surcharge de travail et conséquences économiques.

« Le nombre faible de candidature, inadéquation entre les attentes des entreprises et les candidatures reçues ainsi que la concurrence entre les entreprises rendent le processus complexe »

Ainsi, avant 2019, le temps de recrutement d’un cadre était d’environ 9 semaines, il est de 11 semaines aujourd’hui.

« Il faut que les entreprises prennent bien le temps d’identifier les besoins en amont. Il ne faut pas chercher à recruter le copier-coller de la personne qui était là avant, mais bien définir ce que l’on attend de la nouvelle personne mais aussi ce que l’on va pouvoir lui apporter. »

Deux-tiers des cadres étant aujourd’hui inquiets de leur pouvoir d’achat, la rémunération ainsi que les perspectives d’évolution sont aussi des leviers très importants.

« Les cadres interrogés estiment aussi que les managers devraient se former pour garder la cohésion au sein de leur équipe, surtout dans un contexte de télétravail où les rapports ont tendance à se distendre. Car si 44% des collaborateurs estiment être en détresse psychologique en télétravail, 48% des managers le sont aussi. »

Parcours carrière en répondant aux aspirations nouvelles, formation, progression au sein de l’entreprise en insufflant une dynamique collective et adaptation de la politique de rémunération au contexte inflationniste sont ainsi les clés pour attirer les talents mais surtout, les conserver.