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Maison Alcée suspend le temps

Artisanat. Alcée Monfort a fondé Maison Alcée en 2019, une entreprise horlogère qui propose une pendulette haut-de-gamme à monter soi-même, première étape d’une volonté de créer d’autres produits issus du savoir-faire des métiers d’Art.

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Alcée Monfort
Alcée Monfort présente la pendulette Persée Nuit, développée avec un artisan rémois qui a travaillé sur la tenue de la couleur noir sur le métal. (Crédit : N. Desanti)

C’est dans le show-room qu’elle a récemment aménagé au cœur du centre-ville de Reims qu’Alcée Monfort nous reçoit. Là, confortablement installée au creux d’un canapé et dans une pièce aménagée avec goût, c’est au son du tic-tac des pendulettes à faire soi-même que la jeune femme nous narre le parcours qui l’a amenée à créer, en 2019, Maison Alcée. « Cette passion du faire soi-même remonte à l’enfance, où je m’accomplissais en réalisant des objets. Adulte, je ne trouvais pas de jolies choses, de beaux objets que j’aurai pu aussi réaliser. Par ailleurs, j’ai une formation en physique fondamentale et je me suis rapidement spécialisée dans l’accompagnement des artisans dans de grandes maisons. »

Durant sa formation à l’école Télécom physique de Strasbourg, elle a en effet l’opportunité de travailler pour la maison réputée pour ses « carrés » de soie, Hermès. « L’impression se fait sur un cadre de plat, et moi, en tant que scientifique, je devais aider les artisans à trouver des solutions techniques à des problématiques concernant l’impression notamment. » Le contact avec le monde de l’artisanat de luxe lui plait tant et si bien qu’elle continue au sein de la maison Hermès dans le savoir-faire du marquage à chaud, et devient « une sorte de chef d’orchestre qui devait apporter des solutions duplicables dans les 30 sites de production ».

Une expérience chez Cartier, Richemont et Tag Heuer

Être au service des artisans et de leur savoir-faire, en leur apportant des solutions techniques guide désormais la carrière d’Alcée Monfort. Elle aiguise alors ses compétences chez Cartier puis Richemont dans la gestion de projet. Le déclic qui guidera ensuite son chemin intervient lorsqu’elle intègre le groupe TAG Heuer comme responsable d’atelier d’assemblage de mouvements dans un service d’après-vente qui compte 60 horlogers et une dizaine de joaillers. « J’ai toujours été fascinée par le regard qu’apportait l’artisan sur l’objet qu’il a en main. D’abord, il y a un temps d’observation, puis on se plonge dans son histoire pour ensuite pouvoir le réparer. »


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Celle qui avoue « aimer la culture du beau » et estime que « le beau élève l’âme », trouve dans cet atelier, un sens « à la transmission ». Ce qui l’interpelle, ce sont les paroles d’un horloger, qui dès son premier jour lui confie craindre l’arrêt de son métier par manque de succession. « Pendant ces deux années, j’ai énormément appris sur la fabrication d’un mouvement horloger. Le mouvement, la symbolique du temps, le savoir-faire français, tout cela m’a poussée à la réflexion », livre-t-elle. « On achète un produit, on l’admire, on le possède, mais il manque l’expérience. C’est pourquoi j’ai eu l’envie de créer une pendulette haut-de-gamme à assembler soi-même. »

Une pendulette à 90% made in france

Alcée Monfort
Le coffret contient 233 éléments à assembler plus des outils horlogers professionnels à l’usage des non-initiés. (Crédit : N. Desanti)

Pour cela, Alcée Monfort s’entoure des meilleurs. Pour donner la possibilité aux passionnés de se glisser dans la peau d’un horloger, elle fait appel à un horloger Meilleur Ouvrier de France, Thierry Ducret, ainsi qu’à des professeurs et un designer en horlogerie. « Nous avons travaillé non seulement sur le mouvement – les ressorts, le barillet – , mais aussi sur les finitions de surface. Le choix de créer une pendulette a été fait car c’est à la base un objet qui peut paraître désuet mais que nous avons souhaité moderniser. » 26 partenaires de fabrication ont ainsi été sollicités dont 96% dans l’arc jurassien et 90% en France.

Et le pari est réussi, puisque les trois modèles proposés – Persée Azur, Percée Nuit, Percée Douce – allient un design contemporain avec une technique séculaire. Et c’est avec une attention sensible et un regard émerveillé, que, munie de gants, Alcée Monfort nous montre avec délicatesse tous les détails apportés à la pendulette mais aussi à son écrin. Rien n’a été oublié, de la petite mousse de surface pour amoindrir le son du tic-tac à l’essence d’arbres du coffret. D’autres objets sont appelés à être développés par Maison Alcée, mais toujours dans cette optique de savoir-faire artisanal haut-de-gamme. « Nous sommes en réflexion sur la diversification des produits que nous pourrons apporter. Concernant la pendulette, nous présentons aussi, pour accompagner le montage, un établi d’horloger avec des outils professionnels à l’usage des non-initiés pour vivre cette expérience dans les meilleures conditions. »

Cet objet s’adresse avant tout aux passionnés. Aidé d’un livret, sur l’histoire horlogère et accompagnant pas à pas l’assemblage de la pendulette, c’est sur une dizaine d’heures qu’il faut compter pour assembler l’objet. « La pendulette a été pensée pour être montée aussi bien à la verticale qu’à l’horizontale, juste quelques changements sont à opérer si on veut, à un moment, la changer de position. » Outre « le plaisir et la fierté de faire soi-même », c’est aussi un instant de silence et de concentration durant une journée ou un week-end, que propose Maison Alcée avec Percée. Car l’assemblage des 233 éléments de la pendulette nécessite une déconnection au quotidien qu’il est de plus en plus difficile de s’accorder, les sens en permanence sollicités par les actualités et les impératifs. Quant à la pendulette, c’est grâce à une réalisation manuelle qu’elle verra le jour, dans un moment... au temps suspendu.