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Les possibles délestages de la fourniture de gaz, un scénario expliqué par GRDF

Énergie. Au terme d’un exercice pédagogique remarquable, les deux Directeurs Territoriaux, Grand Est et Marne et Ardennes, de la filiale d’Engie, ex-GDF, n’ont pas éludé une des conséquences de l’actuelle situation critique énergétique : « Les délestages sont possibles. »

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Alexandre Ducruet et Emmanuel Connesson
Alexandre Ducruet, Directeur Territorial Marne et Ardennes et Emmanuel Connesson, Directeur Territorial GRDF Grand Est : « La sobriété des consommateurs peut éviter les délestages de gaz. » (Crédit : G. Delenclos)

Des éléments de décodage de la situation énergétique en France, le gaz, l’électricité et les énergies renouvelables par GRDF, Gaz Réseau Distribution France, gestionnaire de 95% du réseau de gaz naturel en France, une mission de service public qui consiste à assurer l’exploitation, le développement et la sécurité de la totalité du réseau (un million de clients pour le Grand Est, 18 500 km pour plus d’un millier de collectivités). À la manœuvre, Emmanuel Connesson, Directeur Territorial GRDF Grand Est et Alexandre Ducruet, Directeur Territorial Marne et Ardennes exposent le contexte : « Nous sommes dans un alignement des planètes propices à cette crise énergétique. Ce qu’il se passe dans l’électricité n’est pas sans conséquence pour le gaz ». L’électricité ne se stocke pas, c’est une question d’équilibre à un moment donné. La production d’électricité est réalisée en fonction des besoins de consommation. C’est le nucléaire qui fournit aujourd’hui une grande partie de l’électricité consommée en France et il faut bien constater l’arrêt de 16 réacteurs nucléaires sur les 56 installés en métropole.

Viennent ensuite des énergies renouvelables, au caractère intermittent (éolien, solaire, hydraulique). L’intérêt du gaz est son stockage (en France, jusqu’à 140 TWh, un tiers de la consommation nationale annuelle). Sa consommation se situe, pour l’essentiel, en hiver, et nous avons besoin en hiver de quatre fois plus de puissance qu’en été. On consomme en France annuellement, année 2020, 1 778 TWh dont : 42,8% de produits pétroliers raffinés, 24,8% d’électricité,19% de gaz naturel et biométhane, 10,1% d’énergies renouvelables thermiques et déchets, 2,4% de chaleur commercialisée et 0,9% de charbon. La France a vécu une période de corrélation des prix du gaz (Norvège, Russie, Afrique …) et du pétrole. Au début des années 2000, l’Europe a souhaité ouvrir le marché des énergies au profit des consommateurs, notamment en demandant aux grands groupes, opérateurs historiques, de séparer leurs activités : exploration, production, distribution, commercialisation.

Le prix du gaz multiplié par cinq

Les besoins complémentaires en électricité sont aujourd’hui pourvus par des centrales au gaz avec des prix devenus peu compétitifs. Il faut trois plus d’énergie gaz pour produire de l’électricité. Désormais, et depuis 2020, la corrélation du prix du gaz s’effectue avec celui de l’électricité. Plus l’électricité manque, plus les prix du gaz sont en tension. Les prix de l’électricité produite à partir du gaz ont été multipliés par 3,6 en un an (+160%). L’électricité produite à partir du nucléaire a baissé de 42% sur la même période. En 2021, la France exportait de l’électricité, aujourd’hui, elle en importe presque autant qu’elle en vendait. On est passé, forte reprise de la demande après la crise Covid et guerre en Ukraine, d’un prix du gaz à 30 euros le MWh en 2021 à 150 euros à l’été 2022.


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Dans le prix du gaz pour un client moyen (source Engie 2021), la décomposition est la suivante : 41% pour l’approvisionnement, 26% pour les infrastructures (distribution, transport, stockage), 23% pour les taxes et 10% pour la commercialisation. L’approvisionnement, et donc le gaz lui-même, est la principale composante à l’origine des variations des prix. Quant à l’évolution du tarif domestique des énergies pour une puissance de 100 KWh, entre 2007 et 2022 : 19,23€ (+75%) pour l’électricité, 17,02€ (+70%) pour le fioul domestique, 16,52€ (+183%) pour le propane, 8,50€ (+70%) pour le gaz naturel, 8,29€ (+66%) pour les bois granulés en vrac (source : Ministère de la Transition Ecologique).

Plus de gaz russe en France depuis l’automne

Plus de gaz russe en France depuis le mois de septembre 2022. Les opérateurs négocient des nouveaux contrats avec d’autres pays producteurs, notamment avec le Quatar, et font venir des États-Unis du gaz naturel liquéfié pour répondre aux besoins au cours terme. Le virage se précise : du gaz de moins en moins fossile, produit dans les territoires et donc renouvelable. Le principal moyen, mis actuellement en œuvre est la méthanisation. 502 sites de méthanisation en France sont aujourd’hui en activité. Ils représentent une capacité de production de 1,8 TWh et 2% de la consommation nationale globale. 92 sites dans le Grand Est assurent 4% de la consommation régionale de gaz, l’équivalent de l’alimentation en chauffage 300 000 logements.

Les prévisions à court terme devraient assurer 12% de la consommation régionale à fin 2023. Des perspectives faisables et raisonnables : 20% de biométhane dans la consommation de gaz en France à l’horizon 2030. Les installations dans le Grand Est ne captent que 18% des déchets de l’élevage, un constat qui laisse de la marge (source : ADEME, Chambres d’Agriculture). Quant à la solution hydrogène : 96% des réseaux de distribution de GRDF sont compatibles pour le transport d’hydrogène qui devrait rentrer dans le mix énergétique aux alentours de 2030.

Un hiver 2022 vraisemblablement assuré ?

Réponse d’Emmanuel Connesson : « Un tiers de la consommation nationale de gaz est stocké. De quoi passer l’hiver. À quelle vitesse les stocks vont-ils se vider ? Si le parc nucléaire ne redevient pas opérationnel à temps, ce sont les centrales à gaz à combiné électricité qui devront augmenter leur production. Inconvénient du gaz : une énergie fossile et donc fortement carbonée. Une solution : la production de gaz renouvelable, du type méthanisation (déchets agricoles ou alimentaires) et qui émet dix fois moins de CO2 que le gaz naturel importé ».

Rassurant, le Directeur Territorial Grand Est ajoute : « Le plan de délestage envisagé, si besoin, ne concerne pas les particuliers. Il ne concerne que les plus gros consommateurs industriels de gaz du pays (+ de 5 GWh/an). On ne coupe pas le gaz, on leur demande impérativement de diminuer leur consommation ». 352 entreprises sont ainsi visées dans le Grand Est (arrêt ou diminution de leur consommation). Y-aura-t-il des délestages ? « On ne peut pas l’exclure. Si le risque se présente, ce sera vers la fin de l’hiver et les conditions météorologiques entreront largement en compte ». Les Français ont déjà moins consommé en gaz et électricité (-8%). Avec un effort plus soutenu dans les entreprises. GRDF Grand Est a repéré 85 000 clients à trop forte consommation et envisage avec eux des solutions.

Le territoire champardennais terre d’avenir

Alexandre Ducruet note la dynamique des gaz renouvelables, en région Marne et Ardennes, les deux départements les plus « méthanisés » du Grand Est. « Dans les Ardennes on peut arriver à 50% de gaz biométhanisé à l’horizon 2030 et 20 à 25% dans la Marne, 25% dans l’ensemble du Grand Est. On atteint 14% dans les Ardennes et 6,5% dans la Marne, aujourd’hui ». Le Grand Est est la première région française pour le nombre de projets d’installation d’unités de production de gaz renouvelable et la capacité envisagée de production, devant les Hauts-de-France et l’Ile-de-France. Les projets de gaz renouvelables se situent majoritairement sur le territoire de la Champagne-Ardenne. Trois départements, l’Aube, les Ardennes et la Marne annoncent 48% des projets régionaux et 54% de la capacité régionale de production. Conclusion des deux Directeurs Territoriaux : « En ajoutant les efforts de sobriété de l’ensemble des consommateurs, nous pouvons estimer que tout ira pour le mieux ».