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Les métiers du bois en première ligne sur le chantier Neoma

Bâtiment. Le chantier de l’école de commerce Neoma avance… avec ses aléas et dans un calendrier très contraint. La raison ? Sa charpente et ses façades bois nécessitant des méthodes de construction très ambitieuses et jusque-là, peu utilisées en France.

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Photo du Chantier Neoma
Pour ce chantier, le Bâtiment Associé utilise 950 m3 d’épicéa apparent et 120 m3 de douglas pour la pergola extérieure. (Crédits : ND)

L’Assemblée générale de l’Union des Métiers du Bois (UMB-FFB) se déroulait en fin de semaine, à Reims. Et pour parler des enjeux de la filière, rien de mieux que de visiter une des entreprises phare du territoire dans le secteur de la construction, Le Bâtiment Associé (situé à Muizon dans la Marne), et de mesurer son implication dans le plus grand chantier de ces dernières décennies, à Reims, celui de Neoma Business School. Rappelons quelques-uns de ses chiffres pour se mettre dans le contexte : 35 000 m2 de surface totale sur un terrain de 18 000 m2, une capacité d’accueil de 4 700 étudiants, 85 salles de classe, un auditorium de 750 places, le tout pour un investissement total de 109 millions d’euros (dont 90 % sont restés locaux, dans des groupements de PME ou d’associations d’entreprises locales). Un chantier titanesque donc. Remporté par le cabinet d’architecture danois Henning Larsen, ce projet présente de nombreux défis pour les différents corps de métiers et notamment, ceux des métiers du bois, car un bâtiment d’une telle envergure avec ce materiau est plutôt rare dans l’Hexagone.

Un chantier, des aléas...

« Construire un ouvrage aussi complexe en bois, aussi bien pour la structure que pour la façade est un vrai challenge, notamment sur la stabilité et les normes incendie. Il y a beaucoup d’enjeux sur ce sujet, notamment pour l’encapsulation des poteaux bois », explique Sébastien Baillet, Directeur général de la SASU Neoma, (maître d’ouvrage). « On est dans un projet qui innove, qui demande des engagements réglementaires très forts, parfois difficiles à atteindre. Le côté scandinave du projet apporte une touche architecturale et conceptuelle intéressante, mais la réglementation française est parfois moins claire sur ces approches », fait-il savoir. D’autres événements imprévus sont venus challenger les équipes. Au départ, le Bâtiment Associé ne devait par exemple intervenir que sur la pose des charpentes, poutres et poteaux visibles. Mais en co-traitance avec une autre entreprise, qui avait en charge la fabrication, cette dernière a entre-temps mis la clé sous porte.

« Nous n’étions pas mandataire au départ, mais nous avons repris le mandat de nos charpentes. Aujourd’hui, nous avons la globalité du dossier, ce qui représente une charge de travail et une responsabilité importantes sur ce projet d’envergure », annonce Christophe Possémé, président du Bâtiment Associé. « Quand vous êtes mandataire solidaire, vous pouvez vous retrouver à risquer votre entreprise sur ce type de chantier, alors même que vous avez fait votre travail correctement. » Solide, l’entreprise marnaise, aux 200 salariés et 36 millions d’euros de chiffre d’affaires, fait face.

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Résolus en quelques semaines seulement

Pour respecter les délais, le Bâtiment Associé a dépêché une équipe de 20 personnes. « Les façades pleines et verticales sont réalisées chez nous dans notre atelier, mais la partie centrale de la charpente bois, notamment les poteaux, est fournie par un prestataire extérieur. Ensuite, nous habillons tout avec des fixations invisibles, des knapps. Nous en avons environ 6 000 à poser sur les poutres. »

À l’heure actuelle, même si le chantier est encore en cours, au milieu de la partie centrale en bois, on imagine ce à quoi ressemblera la structure extérieure, la pergola « en escalier », partant du niveau zéro et courant jusqu’au 4e étage, sorte de véritable jeu de construction en bois. « Nous avons 14 000 m² de murs en technique ‘‘poteau contre béton’’. Nous fixons des ferrures pour implanter les lisses en lamellé-collé, puis les façades sont posées dessus. Avant cela, des bandes de pare-vapeur assurent l’étanchéité à l’air », précise Michaël Simier, Directeur du Secteur Construction Bois chez le Bâtiment Associé.

« Concernant les ossatures bois, de l’extérieur vers l’intérieur, on trouve un parquet visible et des tasseaux pour fixer le bardage. Les façades ossature bois ont été lancées il y a cinq semaines et c’est une progression très rapide. Les éléments sont produits à Muizon, dans notre atelier. Nos équipes travaillent en 2 X 8 pour alimenter le chantier en continu, avec des pauses décalées sur les robots. Les panneaux quant à eux, mesurent environ 8,10 mètres de long et 2,70 mètres de haut. »

L’entreprise possède en effet une forte expertise. « Le secteur construction bois intervient aussi bien en construction neuve, charpente, qu’en restauration du patrimoine. Nous faisons également du renforcement de charpente, car de nombreux bâtiments construits au XIXe siècle ou dans les années 60-70 nécessitent aujourd’hui des adaptations pour répondre aux nouvelles exigences, notamment lorsqu’on ajoute des isolants », indique Christophe Possémé, mettant en avant la formation continue des équipes pour intervenir sur une variété importante de chantiers. L’entreprise vient d’ailleurs de lancer des masterclass. « Nous avons organisé des ateliers où des jeunes menuisiers et charpentiers peuvent se perfectionner sur des techniques précises, comme la digitalisation des machines. Certains jeunes en CAP ou en alternance ont participé à des concours régionaux, et ont terminé troisièmes, après seulement 14 mois de métier. »

Devant tenir des délais très serrés, le Président du Bâtiment Associé donne rendez-vous au mois de septembre pour ce projet à la volumétrie importante : le bâtiment culmine à 21 mètres sous plafond, tandis que l’atrium plafonne à 17 mètres avec 80 % de ses façades fabriquées en bois. Ce projet hors-norme l’est aussi par son calendrier serré : des travaux commencés en 2022, les premiers pieux posés en mai 2024, une commission de sécurité qui doit se tenir au plus tard en juin 2026 pour une livraison achevée permettant une rentrée des étudiants en septembre 2026.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur l’article de l’entretien de Patrick Maillard, Président de l’UMB-FFB