Entretien avec Patrick Maillard
« Le bois est incontournable dans une logique de décarbonation du bâtiment »

Petites Affiches Matot Braine : Vous vous réunissez en Assemblée générale à Reims, quels sont les principaux enjeux de la filière de la Construction bois ?
Patrick Maillard, Président de l’UMB-FFB : Aujourd’hui, les principaux enjeux de la filière construction sont d’ordre réglementaire, normatif et écologique. Nous faisons face à de nombreuses difficultés liées aux normes, notamment celles concernant la sécurité incendie dans les ERP (Établissements Recevant du Public) ou dans les bâtiments professionnels. À cela s’ajoutent les nouvelles réglementations européennes sur les menuiseries extérieures, qui visent à modifier les protocoles de test : étanchéité à l’air, acoustique, performance thermique, etc.
Un autre sujet d’inquiétude majeur concerne le traitement des déchets, avec notamment la mise en place de la filière REP (Responsabilité Élargie du Producteur) pour les Produits et Matériaux de Construction du secteur du Bâtiment (PMCB). On se retrouve dans une situation paradoxale : on demande aux entreprises responsables, qui trient et gèrent déjà correctement leurs déchets, de financer le nettoyage des déchets sauvages générés par d’autres, qui ne paient rien. Cela pose un problème de justice et d’efficacité. Pour une entreprise comme la mienne (BRARD Menuiserie Agencement à Alfortville), qui réalise 17 M€ de chiffre d’affaires, le coût annuel du traitement des déchets est aujourd’hui d’environ 80 000 €. Avec les nouvelles contributions demandées, ce montant pourrait grimper à 200 000 €, soit trois fois plus.
PAMB : Le matériau bois est-il le matériau de demain dans le secteur de la construction ?
Patrick Maillard : Le recours au bois devient incontournable dans une logique de décarbonation du bâtiment. Les matériaux biosourcés et géosourcés sont une nécessité pour répondre aux objectifs climatiques. Même si le béton fait de gros progrès, il est limité par les enjeux environnementaux liés à l’eau, au sable et à l’effondrement des côtes. Cela dit, il faut arrêter d’opposer les matériaux : le bon matériau doit être choisi en fonction du bon usage. Le bois n’est pas fait pour les parkings souterrains, mais il est tout à fait adapté à des structures de grande hauteur. Ailleurs, on le fait depuis des décennies : au Canada, en Norvège, en Suède, on construit des immeubles en bois de plus de 70 mètres. Et non, cela ne pose pas de problème de sécurité. Chez eux, même les intérieurs, les escaliers, sont en bois. Ils utilisent des technologies de protection incendie comme le brouillard d’eau, bien plus économiques et efficaces que le sprinklage que l’on tente d’imposer ici.
PAMB : Ce mode de construction, s’il se multiplie, est-il compatible avec la gestion durable des forêts ?
Patrick Maillard : Aujourd’hui, l’immense majorité du bois utilisé est certifié PEFC (Programme Européen des Forêts Certifiées) ou FSC. Il faut aussi revoir notre approche des coupes forestières. On parle souvent de coupe rase ou blanche pour faire peur, mais certaines de ces coupes sont nécessaires. À maturité, les arbres ne réalisent plus de photosynthèse optimale. Il faut alors ouvrir l’espace, permettre à la forêt de respirer, replanter des essences adaptées au climat futur. Mieux vaut couper certains arbres à temps, les utiliser comme puits de carbone en construisant avec, et replanter intelligemment, plutôt que de risquer de voir des forêts entières partir en fumée ou contaminées par des champignons ou insectes comme les scolytes. Cela aussi, c’est de l’écologie.