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Les artisans confrontés à de multiples hausses

Energie. Voilà près d’une année que les entreprises sont soumises à une augmentation exponentielle des prix de l’énergie. Ceux-ci ont atteint un niveau record en août 2022, à 1 000 euros le mégawattheure (MWh) pour redescendre fin 2022 aux alentours de 320 euros. Face à cette flambée de l’énergie, les TPE aussi bien que les PME et ETI ont dû prendre des mesures drastiques.

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Frédérique Watremet
Frédérique Watremet fondatrice du Macaron Bleu à Bezannes a vu ses coûts augmenter en une année de 150 000 euros, entre les salaires, le coût des matières premières et les hausses des tarifs de l’électricité. (Crédit : ND)

Il n’y a pas un corps de métiers qui ne souffre pas des augmentations des prix de l’énergie. Après les industriels, c’est au tour des artisans de tirer la sonnette d’alarme, avec en tête, les très symboliques boulangers. La baguette de pain est la représentation ultime de la France à l’International, tant et si bien qu’elle a été classée au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en novembre 2022.

« La baguette est un produit emblématique du patrimoine alimentaire français. Tous les jours, 12 millions de consommateurs poussent la porte d’une boulangerie et plus de 6 milliards de baguettes sortent des fournils chaque année. Se rendre à la boulangerie est une véritable pratique sociale qui rythme la vie des Français de tout le territoire », insiste Dominique Anract, Président de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française.

Mais avec les augmentations des coûts de l’électricité, au moment de renouveler leur contrat, les boulangers sont montés au créneau devant la mise en péril de leur activité.

« Nous avons commencé à ressentir les premières hausses à partir du mois de novembre de l’année dernière », confie Philippe Chaumeille, président de la Fédération marnaise de la Boulangerie. « C’est pourquoi tous ces derniers jours, nous avons été en discussion avec la Préfecture ainsi qu’avec la direction des Finances publiques de la Marne pour parler de l’étalement des cotisations et des impôts, car nous ne pouvons pas tout payer en même temps. »

Des aides inégales

Concrètement, de nombreux artisans ont vu leur facture augmenter de plusieurs centaines de pourcent. « À Châlons par exemple, une boulangère est venue nous voir car, installée en fin d’année dernière, elle s’était basée sur la facture de son prédécesseur de l’ordre de 1 000 euros à l’année. Là, elle a reçu une facture de 6 000 euros », relate celui qui est aussi à la tête d’une boulangerie à Châlons-en-Champagne avec cinq salariés. Pour comprendre cette augmentation, la Fédération de la Boulangerie s’est rapprochée d’un conseiller départemental spécialisé en énergie qui s’est saisi du dossier.

« Il y a beaucoup de questions qui nous remontent concernant les aides mises en place par le Gouvernement. » En effet, depuis le 1er janvier 2023, le bouclier tarifaire limite la hausse du prix du gaz à 15 %. Concernant les factures d’électricité, leur hausse est également limitée à 15 % à partir de février 2023. « Ce plafond permet d’éviter une augmentation de 120 % des factures d’énergie pour les TPE concernées », indique le Ministère de l’Économie.

Cette aide est destinée uniquement aux TPE, c’est-à-dire aux entreprises de moins de 10 salariés avec un chiffre d’affaires annuel inférieur à deux millions d’euros. Pour l’obtenir, les boulangers éligibles doivent par ailleurs avoir un compteur électrique d’une puissance inférieure à 36 KW. « Mais toutes les boulangeries ne bénéficient pas du bouclier tarifaire », explique pourtant Philippe Chaumeille. En effet, « la grande majorité des compteurs dépassent les 36 KW. »

En revanche, elles peuvent bénéficier de l’amortisseur d’électricité, aide également mise en place par le Gouvernement. L’amortisseur électricité est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Il permet de protéger les consommateurs ayant signé les contrats les plus élevés, avec un plafond d’aide unitaire renforcé. L’amortisseur doit ramener le prix annuel moyen de la « part énergie » à 180 euros/MWh (ou 0,18 euros/kWh) sur la moitié des volumes d’électricité consommée, dans la limite d’un plafond d’aide unitaire de la « part énergie » du contrat à 500 euros/MWh.

« Les fournisseurs d’énergie ont indiqué que le prix lissé sur l’année ne devrait pas dépasser les 28 euros du MWh. Dans mon cas personnel, j’étais à 13,72 € et là, sur ma nouvelle facture, je suis passé à 58 € le MWh. Pour que les gens comprennent, je passe de 14 000 euros à 56 000 euros à l’année. »

Aux hausses d’électricité s’ajoute celle des matières premières

Ces hausses ne sont de surcroît, pas les seules que doivent affronter les artisans boulangers, puisque les matières premières ont aussi énormément augmenté en un an, subissant le double effet covid / guerre en Ukraine.

« En une année, la farine a augmenté de 30%, les œufs ont pour ainsi dire doublé et le sucre après avoir pris + 50% baisse de nouveau. Idem sur le beurre, qui dépend aussi du type de beurre avec lequel on travaille, AOP ou non », détaille le président de la Fédération marnaise de la Boulangerie.


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« Mon fournisseur de chocolat m’a d’ailleurs envoyé un courrier où il détaillait avoir eu une augmentation de son électricité de 207%, des emballages de + 30% et pareil pour le transport. Tout a augmenté : on pourrait parler également des pralinés (+13%) et du lait (+ 30%) » Devant ce constat, les artisans, pour rentrer dans leurs frais, n’ont pas d’autre choix que de répercuter une partie des augmentations sur leurs prix de vente, « mais de manière étalée et sur toute la gamme ». Pas question d’augmenter d’un coup la baguette de pain d’un euro symbolique à 1,50€, bien que ce prix soit jugé « celui à atteindre en matière de rentabilité ».

D’autres solutions sont aussi sollicitées comme le décalage des fournées dans des créneaux entre 22 heures et 8 heures du matin. « On essaie de concentrer des cuissons. On cuit moins en journée, il n’y a donc plus de pain chaud à toute heure de la journée. On remet quand même un petit coup de chaud vers 11 heures et 17 heures. Avant on ne faisait pas trop attention, c’était le service client avant tout. Là on est devenu des pros de l’organisation en économie d’énergie. » Frédérique Watremet fondatrice du Macaron Bleu à Bezannes a choisi pour sa part de brider ses fours. « Notre four, acheté en 2021, a une puissance de 76 KW mais avec les augmentations de coûts, nous l’avons bridé à 49 KW. Et on ne chauffe pas toutes les lignes de cuisson en même temps. »

Tarif garanti minimum

Les augmentations des coûts des matières premières sont « la goutte d’eau qui fait déborder le vase », insiste pour sa part Dominique Hautem, président de la Capeb Marne et de la CMA Marne. En déplacement au Macaron Bleu, il est venu soutenir Frédérique Watremet. Celle-ci a ouvert sa boutique en 2012 et doit faire face à une augmentation globale de ses coûts, sur l’année 2022, de 150 000 euros : « Les salaires ont augmenté de 10% ce qui correspond à une hausse de 50 000 euros. Ajouté à 90 000 euros en plus de matières premières et 14 000 euros de frais d’électricité, l’addition est salée. Jamais je ne pourrai compenser cette augmentation avec un chiffre d’affaires équivalent », explique-t-elle. Car la répercussion sur les prix n’est pas garante d’un renflouement de trésorerie.

« En septembre, j’ai augmenté mes prix de 10% car je ne pouvais pas faire autrement. Et j’ai perdu 10% de ma clientèle. » C’est donc plutôt vers une redynamisation de son offre commerciale qu’elle compte se tourner pour augmenter son chiffre d’affaires : « Aujourd’hui, je ne faisais plus que de l’administratif, alors que moi, ce que j’aime faire c’est des gâteaux. Je vais donc embaucher quelqu’un uniquement pour cette partie afin de pouvoir me remettre en labo, à créer de nouvelles recettes mais aussi pour animer la boutique avec des offres et des actions commerciales. »

Depuis la libéralisation du marché de l’énergie en 2007, EDF n’est plus le seul fournisseur d’électricité en France. Au total, près de 40 fournisseurs sont actifs en 2023 (parmi lesquels, EDF, Engie, ou encore TotalEnergies). Les fournisseurs se sont exprimés sur le fait de s’engager à respecter un prix maximum. Ainsi EDF indique « se mobiliser et accompagner ses clients pendant la crise énergétique. Suite aux échanges avec le gouvernement, EDF proposera un tarif garanti maximum de l’électricité à 280 € /MWh en moyenne en 2023 à tous ses clients TPE qui ont renouvelé leur contrat de fourniture d’électricité à partir du second semestre 2022 et ne bénéficient pas du bouclier tarifaire. »

Par ailleurs, un numéro de téléphone est mis à la disposition de toutes les entreprises afin de répondre aux questions d’ordre général sur le dispositif d’aide Gaz et Électricité ou relatives aux modalités pratiques de dépôt d’une demande d’aide : 08 06 00 02 45.