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Latitude progresse à la vitesse de la lumière

Spatial. La start-up Latitude (ex-Venture Orbital System) n’en finit pas de progresser. Après une seconde levée de fonds de 10 millions d’euros en juin 2022 et une sélection pour intégrer un programme du CNES, elle prévoit de doubler ses effectifs (65 salariés) en 2023.

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Kevin Monvoisin et Stanislas Maximin, co-fondateurs de Latitude
Deux des co-fondateurs de Latitude, Kevin Monvoisin et Stanislas Maximin devant la maquette du nano lanceur Zephyr. (Crédit : N. Desanti)

Si les fondateurs de Latitude, Stanislas Maximin, Kevin Monvoisin et Ilan Saidi ont la tête dans les étoiles, bercés par des récits de conquête spatiale, ils ont en revanche les pieds bien sur terre, puisque depuis 2019 et la création de leur start-up, à l’époque Venture Orbital System (VOS), les étapes et parfois même les obstacles, ont été nombreux. En effet, leur projet de créer un nano lanceur pouvant transporter de touts petits satellites est inédit à ce moment-là sur le territoire français, et peu croient dans la capacité de ces passionnés sortis d’école de commerce ou de l’ESTACA (école d’ingénieurs habilitée CTI, spécialisée dans la formation d’ingénieurs automobile, aéronautique, spatial) à se lancer sur un tel marché. Pourtant, non seulement leur idée mûrit, mais ils arrivent aussi à fédérer autour d’eux ingénieurs passionnés et investisseurs qui voient en VOS un véritable produit d’avenir.

« Nous avons fait une étude de marché dans laquelle apparaissait sur ce secteur de niche des nano-lanceurs, une place pour un produit qui transporterait des satellites de moins de 100 kilos, là où aujourd’hui, ceux d’Ariane groupe pour ne citer qu’eux, envoient des satellites de plusieurs centaines de kilos ou tonnes », indique Kevin Monvoisin, directeur des opérations. Et s’il y a quelques années, le besoin ne se faisait pas sentir de développer une telle technologie, jugée contraignante et peu rentable, aujourd’hui, le développement des nouvelles technologies dans tous les secteurs, aussi bien industriels, agricoles que les services, appelle à revoir cette stratégie. « Cet intérêt est en train de se créer. En 2019, 189 satellites de moins de 50 kg ont été envoyés. À horizon 2025, on estime que ce sera plutôt 800 par an avec une progression au fil du temps… » Côté américain, on se souvient des grappes de 120 satellites de Space X, la firme d’Elon Musk, dans le ciel cet été pour alimenter Starlink, un fournisseur d’accès à Internet qui repose sur une constellation comportant des milliers de satellites de télécommunications placés sur une orbite terrestre basse…

Une filiale, Astreos, créée en 2021

Alors, à quoi servent ces mini satellites embarqués ? « Pour beaucoup, ils servent à obtenir des données d’observation ou de GPS, qui sont utiles par exemple dans l’agriculture. Contrairement à un drone qui va voler une demi heure, le satellite est positionné et fournit 24 heures sur 24 des données réactualisées en temps réel… Ces données peuvent aussi être développées pour surveiller les espaces maritimes contre les dégazages intempestifs ou la piraterie, comme le propose une société basée à Rennes, Unseen Labs. » Bien sûr, se pose la question des coûts. « Aujourd’hui, les programmes spatiaux classiques coûtent des dizaines de millions d’euros alors qu’avec un nano-lanceur, envoyer un microsatellite dans l’espace, coûte moins d’un million d’euros, cela devient beaucoup plus accessible », assure Kevin Monvoisin.

Et comme pour tout produit, il faut des clients, Latitude, en plus de son projet de nano-lanceur, a aussi créé une filiale en mars 2021, Astreos, chargée justement de démarcher les entreprises qui pourraient avoir ce besoin d’utiliser des données spatiales. « Comme les assurances, pour chiffrer des dommages liés aux événements climatiques et catastrophes naturelles qui avec ces données, pourront cartographier non seulement une zone mais aussi la France entière. » Pour les clients, il est ainsi possible d’avoir un satellite « tout fait », et d’y ajouter ensuite « une charge utile » en fonction des besoins.


>LIRE AUSSI : Latitude sélectionnée dans le cadre de l’appel à projets France 2030


Néanmoins, Latitude, ne s’occupe que du lancement et du positionnement grâce à son nano-lanceur, toujours en cours de développement. Après une première levée de fonds en 2020 de 750 000 euros, pour trouver des locaux notamment et faire les premières embauches, une seconde levée de fonds de 10 millions d’euros cette fois-ci a été effectuée en juin 2022. Une véritable accélération rendue possible grâce notamment au Fonds d’investissement de Charles Beigbeder spécialisé dans l’aérospatial, Geodesic ainsi que le Crédit Mutuel Innovation (CMI). Aujourd’hui 65 personnes travaillent à temps plein pour développer le nano lanceur Zephyr, dont les premiers tests moteurs se dérouleront à la fin de l’année. « Notre équipe est de plus en plus cosmopolite avec des spécialistes venant aussi bien de la France que de l’Inde, du Liban, de la Nouvelle-Zélande… » Latitude est ainsi en pleine phase d’accélération et de tests avec comme objectif final une cinquantaine de lancements par an.

De Kourou aux îles Shetland

Le nano-lanceur Zephyr
« Le nano-lanceur Zephyr fera environs 17 mètres de long et 1,2 mètres de diamètre. Il est scindé en deux parties : le premier étage propulsé par neuf moteurs (amenant le nano lanceur à plus de 100 kilomètres au-dessus de la terre) et le deuxième étage, c’est dans ce dernier, muni aussi d’un moteur que le satellite sera positionné. » (Crédit : Latitude)

Afin de rendre utilisables certains services, il faut faire travailler les satellites en « constellations ». C’est à dire en positionner sur plusieurs orbites pour les faire travailler ensemble Pour obtenir cette flexibilité, deux sites de lancement sont nécessaires. C’est pour cette raison que Latitude répond à des appels à projets du CNES, pour pouvoir utiliser le centre spatial guyanais de Kourou (et viser les orbites proches de l’équateur), mais a aussi noué un partenariat avec le port spatial écossais SaxaVord Space Port, base de lancement située dans la péninsule de Lamba Ness sur Unst, la plus au nord des îles Shetland (pour les orbites polaires). Latitude a ainsi été sélectionnée lors d’un premier appel à projets pour travailler sur le moteur de Zephyr, et ainsi « faire des essais, analyser les résultats et l’améliorer au meilleur de ses capacités ».

Le CNES accompagne la start-up non seulement dans le développement scientifique et technique mais apporte aussi des financements. « C’est le résultat d’une véritable volonté politique qui, aujourd’hui, souhaite soutenir ce secteur », indique Kévin Monvoisin. L’autre appel à projet auquel a répondu Latitude est toujours en cours de sélection finale, il intègre d’autres entreprises européennes spécialisées dans les nano lanceurs. « Six entreprises ont été présélectionnées selon leur impact économique et environnemental. »

Car la course aux étoiles est souvent pointée comme étant fortement polluante et consommatrice d’énergie fossile à des niveaux stratosphériques… C’est pourquoi, Latitude ne dérogeant pas à son statut de start-up, entreprise innovante et avec un temps d’avance, travaille sur un moteur utilisant la fabrication additive avec pas moins de 7 brevets déposés uniquement sur la motorisation… Après les essais moteurs et les essais étages, le futur lanceur est en bonne voie pour effectuer son premier vol, prévu en 2024.