La finance verte pour accompagner la transition climatique
Prospective. Pour sa deuxième conférence, le cercle économique RECOM avait choisi le thème de la transition climatique et de ses enjeux, notamment financiers.
Devant une assistance fournie dans une salle du campus droit et lettres de l’URCA, à Reims, Eve Chiapello, directrice d’études à l’EHESS et spécialiste de la financiarisation des politiques publiques, exposait que la gestion écologique est l’anticipation de la plus grande crise jamais connue par le système économique.
« Si la sphère sur laquelle agir en priorité n’est pas la sphère financière mais la sphère productive, la puissance de la sphère financière détermine ce qui se passe dans la sphère productive. D’où la nécessité de redéfinir le rôle de la finance - et son mode de pensée - par rapport aux autres activités. » à ce titre, la ‘finance verte’ est un élément de réponse et un progrès important. Mais, pour Eve Chiapello [1], il n’est pas certain que le seul aspect financier puisse régler la question des enjeux climatiques.
Il n’est pas trop tard
Pour sa part, Jean Boissinot, Banque de France, secrétaire général du Network for Greening the Financial System (réseau mondial des banques centrales et des superviseurs œuvrant au développement de la finance verte), estime que la finance verte est une évidence difficile à appréhender, même si elle représente aujourd’hui environ 10 % des investissements.
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Il faut néanmoins en attendre une remise en perspective de l’activité financière, en ce sens que l’économie de demain ne sera pas le prolongement de celle d’hier. à ses yeux, « il existe une vraie offre d’investissements en finance verte, mais la transition ne se fera pas sans politique climatique, sans l’évolution des acteurs économiques (entreprises, ménages…), sans une finance plus… intelligente en la matière. » Optimiste, Jean Boissinot [2] est convaincu qu’il n’est pas trop tard pour s’engager dans cette voie, que les choses bougent et vont s’accélérer, notamment sous l’impulsion des banques centrales qui ont pris conscience des enjeux.
Le pragmatisme du terrain
Co-directeur de la chaire Comptabilité écologique à AgroParisTech, Alexandre Rambaud [3] plaidait pour la mise en œuvre d’une logique structurelle qui manque aujourd’hui à la finance verte, à travers une comptabilité durable et un langage commun des institutions et des acteurs, afin de passer d’un environnement de données à un environnement d’informations incitant à l’investissement.
Au-delà des considérations académiques autour de la finance verte, Alain Croisier (président d’ADM, à Bazancourt) et Alexandre Martel (président du groupe Martel, à Connantre), étaient les grands témoins de la conférence RECOM [4], apportant une vision pragmatique, une vision ‘de terrain’, des enjeux relatifs à la transition climatique dans le quotidien de l’entreprise. Alain Croisier rappelait notamment « qu’on ne parle pas de performances dans l’entreprise sans intégrer des données environnementales. Si on veut toujours être là demain, ce sont des questions à se poser aujourd’hui. »
Alexandre Martel insistait sur le fait que « le chef d’entreprise est aussi un citoyen et qu’il intègre une vision de l’environnement écologique dans l’activité de son entreprise. Cela entre dans le business plan et le modèle économique. » Ce qui permettait à Jean Boissinot de conclure qu’il entendait souvent ce genre de propos et que « la finance verte a effectivement besoin d’avoir des partenaires de terrain qui comprennent les enjeux de la transition climatique. C’est un mode de tâtonnement décentralisé qui permet de faire émerger des modèles de finance verte. »
[1] Eve Chiapello : « La financiarisation de la politique climatique dans l’impasse » in « Faire l’économie de l’environnement » - Presses des Mines - 2020.
[2] Jean Boissinot : « La finance verte - Climat, secteur financier et transition net zéro » , Dunod - 2022.
[3] Alexandre Rambaud : « Philosophie d’une écologie anticapitaliste : pour un nouveau modèle de gestion écologique » - Presses universitaires de Laval - 2022
[4] Les fondateurs et membres du cercle économique RECOM sont la Banque de France Reims-Marne, la CCI Marne en Champagne, la direction régionale de l’Insee, Neoma Reims et l’Université Reims Champagne-Ardenne.