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La filière de la pomme de terre s’interroge sur sa pérennité

Agriculture. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, était en déplacement dans la Marne, afin de rencontrer les acteurs de la filière de la pomme de terre, agriculteurs et industriels.

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Le ministre de l'Agriculture à la rencontre des acteurs de la filière de la pomme de terre
(En partant de la droite) Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, Vincent Bournaison, agriculteur et Bertrand Achte, vice-président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre. (Crédit : N. Desanti)

Le jeu de mot est facile, mais il est peu de dire que les acteurs de la filière de la pomme de terre, agriculteurs et industriels, « n’ont pas la patate ». Et pour cause, après une récolte marquée par la sécheresse, c’est l’augmentation des prix de l’énergie qui vient fragiliser encore plus un secteur qui s’interroge sur son avenir. C’est dans ce contexte tendu que le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, successeur de Julien Denormandie depuis mai 2022, est venue à la rencontre d’une filière qui pèse dans la région, puisque le Grand Est est la deuxième région productrice du tubercule après les Hauts de France (9 880 hectares dans la Marne) et que la plus grosse ligne de production de frites au Monde se trouve à Matougues, dans la Marne, avec McCain.

Vincent Bournaison est agriculteur à Livry-Louvercy (51), à la tête d’une exploitation de 700 hectares en polyculture dont 10% de pommes de terre. Sur ses 70 hectares, 10 sont consacrés au marché de la fécule, 10 autres sont pour les pommes de terre de consommation et le reste, 50 hectares sont contractualisés avec l’usine McCain voisine. Or aujourd’hui, il craint pour son activité. « La question que l’on se pose est le ratio entre le temps passé à produire la pomme de terre et la valorisation que l’on aura au final », s’interroge-t-il. « Hors irrigation, en 2019, on était en moyenne, à des coûts de production qui étaient de l’ordre de 4 000 euros à l’hectare. En 2022 on est passé à 5 000 euros et en 2023, on craint encore une explosion à plus de 6 000 euros », indique Bertrand Achte, vice-président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre. Attention, cette évaluation est calculée, hors stockage du produit, un poste très énergivore puisque les tubercules doivent être stockés dans un « frigo » à une température constante de 7 degrés.

De 10 000 € à 40 000 € de dépenses énergétiques

« Avec la hausse des charges, comprenant aussi la hausse substantielle de l’azote, c’est un équilibre économique de filière qui est en jeu », insiste-t-il. En effet, revenons à notre agriculteur marnais. Vincent Bournaison annonce être passé de 10 000 à 40 000 euros dans ses coûts énergétiques, malgré une l’installation de 6 000 m2 de panneaux solaires sur les toits de ses hangars. « Les autres cultures comme les céréales sont plus simples à cultiver, en demandant moins d’énergie et en ayant un meilleur bilan carbone », soutient-il, se demandant s’il va continuer « encore longtemps la pomme de terre ». « Nous avons augmenté nos coûts de production de plus de 20% et nous prévoyons une hausse de plus de 30% pour 2023… »

Perte de 10% des terres en 2023

Et comme si cela ne suffisait pas, aux hausses de coûts de l’énergie, s’est ajouté un fort épisode de sécheresse qui a conduit à une baisse de rendement de l’ordre de 10% en Champagne Ardenne et de 15 à 20% au niveau national, venant placer dans le débat, la question des irrigations et celle de la hausse des prix, ne pouvant à elle seule, pas compenser toutes les augmentations de charges. « Nous avons irrigué avec une énergie très chère », rappelle Vincent Bournaison. « Il faudrait pouvoir recharger les nappes », pointe aussi l’agriculteur. « L’objectif est bien de stabiliser cette filière et faire en sorte qu’il n’y ait pas ou peu d’agriculteurs qui en sortent, car derrière il y aussi l’outil de production industriel », souligne Marc Fesneau, restant attentif à un « système résilient et à la recherche de nouvelles variétés ». Une urgence tout de même, car les acteurs de la filière tablent sur une perte de 10% des surfaces liées à la production du tubercule d’ici un an.


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Seul rayon de soleil au tableau, depuis le 1er juillet 2022, les entreprises grandes consommatrices
de gaz et d’électricité peuvent bénéficier de l’aide « gaz et électricité » du Plan de résilience, à laquelle les entreprises agricoles et agroalimentaires sont aussi éligibles. « Temporaire, ciblée et plafonnée », elle vise à soutenir la compétitivité des sites les plus consommateurs de gaz et d’électricité. Les entreprises éligibles sont celles « dont les achats de gaz et/ou d’électricité atteignent au moins 3% de leur chiffre d’affaires 2021 et qui ont subi un doublement du prix du gaz et/ou de l’électricité sur la période éligible (mars à août 2022), par rapport à leur moyenne de prix sur l’année 2021 ».