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La Champagne table sur 270 millions de bouteilles expédiées en 2025

Champagne. La filière mène une réflexion pour reconquérir ses consommateurs, en France comme à l’étranger.

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Grand messe technique de la filière viticole champenoise (voir article PAMB 8154), l’Association Viticole Champenoise est aussi l’occasion pour les co-présidents du Comité Champagne de passer des messages aux acteurs, Vignerons, Maisons et Coopératives. L’occasion donc pour David Chatillon, président de l’Union des Maisons de Champagne, de confirmer que l’année 2025 devrait se conclure sur des expéditions à hauteur de 270 millions de bouteilles, soit sensiblement le même chiffre que l’année précédente, qui s’était terminée avec 271 millions de cols expédiés. « Les pessimistes y verront un niveau qui est celui du début des années 2000. Les optimistes, une tendance qui ne baisse plus », avance David Chatillon. Si, de l’avis partagé par la majorité des Maisons, la Champagne semble avoir atteint une fourchette basse, « sauf événement imprévisible », la filière ne perçoit néanmoins pas de signe de rebond significatif pour 2026. En cette fin d’année, les ventes des cuvées Brut Sans Année (BSA) sont estimées « correctes », notamment aux États-Unis.

Au niveau du chiffre d’affaires aussi, la baisse s’annonce sensible à l’heure du bilan 2025.« Le chiffre d’affaires départ champagne devrait être en légère baisse par rapport aux 5,085 milliards d’euros de l’an dernier en raison d’un prix moyen qui diminue », note David Chatillon. Pour ce dernier, cette réduction est la résultante de plusieurs explications : outre la baisse du mix produit, cela s’explique aussi par les efforts commerciaux consentis par les metteurs en marché et par l’appréciation de l’euro par rapport au dollar en 2025 (plus de 10% depuis le 1er janvier).

Mais davantage que la stagnation des volumes et la baisse du chiffre d’affaires, c’est du côté des résultats que la chute est plus inquiétante.

Réduction des marges

« Les marges vont diminuer en 2025 malgré la hausse du prix des bouteilles constatées ces dernières années », annonce David Chatillon. « D’abord parce que les bouteilles que nous commercialisons ont coûté plus cher à produire et ensuite parce que le commerce engendre des coûts plus élevés dans un contexte où nos ventes se mondialisent et où la demande est plus faible », précise-t-il.

Pour le président de l’UMC, la tendance à la réduction des marges risque de s’aggraver davantage en 2026 en raison des coûts de production de plus en plus élevés, mais aussi, concède-t-il, parce que « l’acceptabilité du prix par le consommateur atteint un palier pour le moment ». Pour Maxime Toubart, le président du Syndicat des Vignerons de Champagne, la tendance baissière qui éloigne la Champagne du cap des 300 millions de bouteilles doit alerter, tout comme la chute de la consommation sur le marché domestique : « Il y a pour moi un sujet crucial, le sujet structurant du moment, qui est celui de notre modèle, qui fonctionne durablement à 300 millions de bouteilles, à pas moins de 300 millions de bouteilles. Si nous devons concentrer tous nos efforts sur un enjeu aujourd’hui, c’est indéniablement celui-là. Préserver, c’est mettre à l’abri. En France, nous sommes passés de 185 millions de bouteilles vendues en 2010 à 118 millions de bouteilles l’année dernière. Depuis 2018, la France consomme moins de champagne que le reste du monde. Les Français délaissent notre produit d’exception et peut-être que nous leur avons fait faux bond aussi ? Peut-être les avons-nous déçus ? C’est la réponse du berger à la bergère ».

Maxime Toubart l’affirme : au-delà des chiffres, la filière doit aussi faire son autocritique : « Peut-être que nous nous sommes un peu sentis trop prétentieux. Ce n’est pas un problème de l’être tant que nous en avons les moyens. Alors engageons-nous pour avoir les moyens de notre prétention et éviter que les effervescents du monde se frottent les mains de notre manque de lucidité ».

Un engagement qui a débuté avec une réflexion menée par le conseil interprofessionnel sur l’ambition de la filière, destinée à réexpertiser la stratégie collective champenoise sous l’angle du produit champagne vu par le consommateur.

Des stocks à la hausse

Car du côté des résultats, si la baisse des taux d’intérêt en 2025 va permettre de réduire les frais financiers, les baisses des expéditions ont pour conséquence la montée des stocks. Une situation qui préoccupe les dirigeants de la filière. « Au 31 juillet 2025, notre stock atteint le niveau inédit de 1,279 milliard d’équivalent bouteilles ». En se mettant d’accord assez facilement, en juillet dernier, pour établir un rendement de 9 000 kg par hectare pour la vendange 2025, l’interprofession a permis une réduction du sur-stock d’un peu plus de 10 millions de bouteilles. « Nous sommes également convenus entre Vignerons et Maisons de poursuivre cette trajectoire de déstockage de façon à ramener progressivement le ratio instantané du stock à 4,2 années », annonce David Chatillon, pour insister sur « la nécessité impérative de réguler notre production en fonction des perspectives de vente ».

Une manière sans aucun doute de préparer les acteurs de la filière Champagne à la perspective d’une nouvelle baisse des rendements lors de la prochaine vendange, sauf à imaginer un début d’année en trombe pour la commercialisation du champagne dans le monde.