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La Champagne à la recherche du juste équilibre

Champagne. Lors de l’Assemblée générale de l’Association Viticole Champenoise (AVC), la filière aborde les questions d’actualités et les perspectives d’avenir sur fond de bilan des vendanges et de nécessaire évolution de la filière.

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Photo de Christophe Rapeneau
Christophe Rapeneau, président de l’AVC : « Notre feuille de route est gigantesque ». (Crédit : BB)

« Ils sont les gardiens de notre patrimoine viticole et vinicole, de notre appellation Champagne que tout le monde nous envie ». Pour sa première en tant que Président de l’Association Viticole Champenoise, Christophe Rapeneau n’a pas manqué de souligner l’importance du travail effectué par les équipes du Comité Champagne, restitué à l’occasion de cette assemblée générale de l’association.

Créée en 1898 par 23 Maisons de champagne afin de lutter contre le phylloxera qui commençait à envahir le territoire de l’appellation, l’AVC n’a depuis cessé de prouver son utilité.

Son assemblée générale est chaque année l’occasion pour les équipes techniques de faire le point sur les vendanges qui viennent de se dérouler mais aussi sur l’actualité champenoise, les contraintes et les perspectives d’avenir. Un moment idéal pour mettre sur la table de manière scientifique les pratiques viti-vinicoles de la filière et de mettre en perspective les études en cours et les résultats obtenus par les services de l’interprofession.

« Notre feuille de route est gigantesque. Cette année a été marquée par la plantation des premières vignes semi-larges et l’autorisation du Voltis en Champagne », rappelle Christophe Rapeneau, qui se projette face aux enjeux climatiques, et notamment l’ambition Net Zéro Carbone pour 2050.

« La pérennité du vignoble est un enjeu majeur ». En ce sens, le projet de serre bioclimatique « insect-proof » QANOPEE en cours de construction à Oger devrait permettre de sécuriser la filière en garantissant la protection et la disponibilité du matériel végétal.

L’assemblée de l’AVC est aussi le moment pour passer les messages, notamment aux ultracrépidariens, ces personnes qui donnent leur avis sur tout sans pour autant avoir de connaissances ou de compétences sur le sujet dont elles parlent. « Le débat est nécessaire », souligne Sébastien Debuisson, le directeur de l’AVC.

« Au contraire, on aime bien être bousculés. Le problème, c’est la remise en cause parfois systématique des arguments techniques sans arguments solides ou pire sur des arguments fondés sur des croyances. Et cela va continuer car les sujets de controverses sont nombreux : la biodynamie, la qualité du millésime, les vins natures, les créations variétales, le glyphosate, les levures indigènes, la machine à vendanger, les CMR, les OGM... »

Le phylloxera du XXIe siècle

Concernant le bilan de la campagne 2023, on a donc assisté, de l’avis des techniciens, à une « vendange de compromis ». Entre des grappes qui ont atteint un nouveau record historique (220 grammes de moyenne), un rendement lui aussi record, des raisins affectés par la chaleur lors de la période de récolte, la difficulté à atteindre les degrés nécessaires, le développement des pourritures acide et grise lors des temps d’attente des marcs entre la cueillette et le pressurage… les champenois ont dû faire preuve d’agilité pour mener à bien cette vendange, déjà qualifiée de « douce-amère » en octobre dernier par Sébastien Debuisson (voir PAMB 8042).

Si la Champagne dispose d’une capacité de pressurage suffisante pour absorber une vendange volumineuse, le message passé par les techniciens aux vignerons pour éviter une détérioration des raisins lors de l’attente sur les quais est simple : le tri.

Autrement dit, si l’un des facteurs de détérioration est la pourriture, évitons d’avoir des raisins touchés dans les caisses et ceux-ci pourront supporter une éventuelle attente sans être contaminés. Et ce car comme l’ont précisé les techniciens, on ne fait pas de grand vin sans raisin de basse qualité. « On ne fait pas de magie en cuverie ».

Parmi les inquiétudes du moment, le développement de la flavescence dorée présente une menace réelle pour le vignoble champenois. Ce qui pourrait représenter « le phylloxera du XXIe siècle » doit donc faire l’objet d’une surveillance accrue par tous, du nettoyage systématique du matériel et d’un arrachage des parcelles touchées comme des ceps voisins.

Du côté des motifs de satisfaction de la filière, la forte mobilisation des Champenois en direction des certifications figure en bonne position, avec en parallèle, une diminution de 50% de la consommation de produits phytosanitaires.

Et face aux incohérences techniques et environnementales apparues dans le nouveau cahier des charges HVE, les Champenois doivent plus que jamais avoir la maîtrise sur leur référentiel de certification Viticulture Durable en Champagne, estime l’AVC : « Si l’ensemble des structures de plus de 2 hectares se certifient, 90% des surfaces de l’appellation seront conduites selon les principes d’une certification environnementales. Poursuivons nos efforts ».

Côté environnement toujours, de nombreuses réflexions sont engagées. Sont évoquées la sobriété en eau, l’allègement de la bouteille, l’éco-conception voire la réduction des emballages. Celles qui concernent l’énergie sont parlantes. Il existe environ 5000 bâtiments viti-vinicoles sur le territoire de l’appellation. En imaginant que 10% de ces bâtiments s’équipent d’une surface moyenne de 500 m2 de panneaux photovoltaïques, la filière effacerait 17% de sa consommation électrique totale.

« Comment produirons-nous le champagne en 2050 ? », questionne Sébastien Debuisson. « Une seule certitude si on reste sur nos acquis on se fait rattraper par la contrainte et la réglementation. À l’échelle de la filière c’est une position de juste équilibre, avec des choix pragmatiques répondant à la demande sociétale avec des process techniquement réalisables sans augmenter notre empreinte environnementale ». Un juste équilibre, voilà donc sans doute le mot d’ordre à suivre pour la filière Champagne pour les prochaines années.