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L’agriculture, future solution aux pénuries d’énergie

Agriculture. Face à la crise énergétique, l’agriculture s’impose de plus en plus comme un recours. De nombreuses initiatives sont lancées régionalement que ce soit dans le bio-éthanol, le bio-méthane ou encore les fermes agri-photovoltaïques. Cependant, le sujet ne peut pas être dissocié de celui de l’indépendance alimentaire, l’un ne pouvant se faire au détriment de l’autre.

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L'agriculture, future solution aux pénuries d'énergie
Arnaud Rousseau, président du groupe Avril, et Maximin Charpentier, Président de la Chambre d’Agriculture Grand Est et président de Terrasolis.

L’avenir de l’agriculture française est inévitablement lié à celui de l’énergie. C’est ce qui ressort d’un certain nombre de débats et conférences menés lors de la Foire de Châlons-en-Champagne. Lié en termes de consommation, on en parle beaucoup, avec la ressource en eau qui s’épuise et les émissions de CO2 qu’il faut diminuer au maximum. Mais lié aussi, en termes de production avec le bio-méthane ou le bio-éthanol ou encore avec l’émergence des fermes agri-photovoltaïques et le partage de crédits CO2. « Si on veut créer de la valeur grâce à l’agriculture, il faut que cela se traduise non seulement par le changement des pratiques mais aussi politiquement », indique Arnaud Rousseau, président du groupe Avril, directeur d’exploitation agricole et vice-président de la FNSEA.

S’il est responsable d’un grand groupe agroalimentaire (Avril c’est Lesieur et Puget notamment) pesant 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires et employant plus de 4 500 collaborateurs en France, le PDG insiste néanmoins sur l’importance de la souveraineté alimentaire et les moyens d’y parvenir. Car les exploitations sont régulièrement soumises aux aléas climatiques, avec de plus en plus de difficultés à y faire face, entre les sécheresses, les invasions d’insectes et les tempêtes destructrices. Être moins gourmand en eau implique par exemple de se concentrer sur des cultures ne nécessitant pas une irrigation intense (tel que le maïs) mais aussi de se tourner vers des « semences plus résistantes », note-il.

Se positionner sur le marché de la protéine végétale

Et si l’agriculture doit se réinventer, « il faut rester attentif aux marchés émergents, comme celui de la protéine végétale ». Un presque gros mot pour les éleveurs présents dans la salle de conférence. Pour en parler, le vice-président de la FNSEA met sa casquette d’homme d’affaires : « S’il y a un marché qui se développe, à nous de prendre les devants, plutôt que d’attendre que d’autres y aillent. L’agriculture française est innovante et de qualité, c’est un atout à mettre en avant. »


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Or, la région Grand Est et plus particulièrement la Marne, bénéficient non seulement de surfaces agricoles importantes mais également d’industries de pointe dans le secteur, comme le pôle de compétitivité Bazancourt Pomacle. « D’autres pays sont de gros producteurs d’huile de tournesol par exemple. La Bulgarie et la Pologne ont pris le relais de la Russie et de l’Ukraine. C’est aussi à nous d’être présents sur des marchés compétitifs. » Les agriculteurs se placent désormais comme des recours face à des problématiques de pénurie mondiale de matières premières. « L’innovation doit être là pour résoudre les freins », plaide pour sa part Olivier de Bohan, président de Cristal Union.

Accord entre CCI et Chambre d’Agriculture

Dans la Marne, Terrasolis s’est positionné comme l’interlocuteur clé en matière de recherche et développement. « Notre mission est d’accompagner les agriculteurs et les territoires à atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 en portant des projets innovants », indique son président, Maximin Charpentier, également président de la Chambre d’agriculture régionale Grand Est, à l’initiative d’un rapprochement avec la CCI Marne en Champagne pour un échange de crédit carbone entre agriculteurs et commerçants. « Travailler sur l’urgence énergétique, et cette idée que l’ère du pétrole est révolue en se disant que les solutions passent par le territoire sont tout le sens de cet accord entre la CCI et la Chambre d’Agriculture. »

« Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à horizon 2050, nous avons besoin de 200 000 hectares de panneaux photovoltaïques »

Les élus des deux chambres le savent bien, « le territoire du Grand Est est un gisement important en termes de biomasse. Et l’idée est de voir comment on peut faire fonctionner une économie et une gestion intelligente entre ceux qui produisent et ceux qui consomment ». Concrètement, les chambres souhaitent apporter une prestation de services, en allant voir, pour la CCI, « entreprise par entreprise quels sont les besoins et proposer des prestations concertées et communes des exploitations agricoles que se charge d’aller consulter la Chambre d’Agriculture ».

Le but est d’être ultra-compétitif sur les prix de l’énergie sans passer par des intermédiaires et aussi d’optimiser la ressource. « Exemple, un agriculteur qui produit 4 Mégawatt mais qui n’en consomme que 3, va pouvoir revendre le dernier Mégawatt à un commerçant à proximité. Et cela ne pourra être possible qu’avec un véritable projet de territoire. » Pour étayer son propos, le président de la Chambre d’agriculture Grand Est, prend l’exemple des prix du gaz : « En spot, on a atteint des sommets à 800 euros du Mwh. Sur des contrats de méthanisation, on est entre 100 et 150 euros de gré à gré. On est très compétitif ! »

Développer les fermes agri-photovoltaïques

Cette volonté ne date pas d’hier car les chambres avaient déjà signé une convention il y a un an, pour aboutir à une décarbonation des industries. « Demain, la vertu carbone sera une condition d’accès aux financements publics », indique Jean-Paul Hasseler, président régional des CCI du Grand Est.

« Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à horizon 2050, nous avons besoin de 200 000 hectares de panneaux photovoltaïques. Sur les toits, on estime à 50 000 hectares la surface disponible. Il en faut donc 150 000 en terres. Mais comme nous sommes défendons le zéro artificialisation nette, il faut combiner terres agricoles en dessous et panneaux photovoltaïques au-dessus », explique Maximin Charpentier. La Chambre d’agriculture est pour cela, en train de monter un réseau national, « Symbiose », qui mettrait en relation entreprises et agriculteurs pour racheter des crédits carbone.