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Commissaire aux comptes : une philosophie professionnelle

Finances. Pour Jean-Luc Balleux, président de la CRCC de l’Est, la mission du commissaire aux comptes ne doit pas être réduite à la certification des données financières d’une entreprise mais aussi à la protection de l’économie et du tissu économique.

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Photo de Jean-Luc Balleux
Pour Jean-Luc Balleux, la mission d’alerte et d’accompagnement en cas de difficultés de l’entreprise constitue une valeur ajoutée du rôle du commissaire aux comptes. (Crédit : JR)

Le commissaire aux comptes (CAC) est un auditeur légal et externe à l’entreprise. Il intervient pour vérifier la sincérité et la conformité des données financières de l’entreprise avec les normes en vigueur, dans le cadre d’un audit légal dont la procédure est strictement définie par la loi.

Sa mission est d’intérêt général puisqu’il est à même de certifier les comptes annuels d’une entreprise pour l’administration fiscale et pour l’État.

Une mission légale et d’intérêt général… Une procédure strictement définie par la loi… Dans le cadre de sa mission, au sens strict, la marge de manœuvre du commissaire aux comptes – professionnel agréé de la comptabilité – semble bien étroite.

Et, en gros, une fois qu’il a certifié que les comptes d’une entreprise reflétaient une image sincère et fidèle de sa situation financière, il peut rejoindre son cabinet la paix dans l’âme, avec la satisfaction du devoir accompli. Certes.

Toutefois, Jean-Luc Balleux, président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de l’Est, estime que le commissaire aux comptes qui s’en tiendrait à cette simple exécution de sa mission passerait certainement à côté d’un volet essentiel de son rôle : avertir le dirigeant sur les points d’amélioration à apporter dans sa gestion, voire sur ce qui ne semble pas fonctionner correctement (sans que cela mette en cause la certification des comptes).

« Il peut s’agir - ce n’est qu’un exemple - de la mauvaise gestion des stocks, susceptible de constituer une zone à risque qu’il est important de faire remonter au chef d’entreprise. L’expert-comptable produit des comptes à partir de factures, mais n’a pas forcément accès aux procédures de flux. C’est le rôle du commissaire aux comptes d’analyser ce process, dont l’amélioration peut être dans l’intérêt de l’entreprise. Ce n’est pas du conseil (ce n’est pas sa mission), mais c’est du factuel, et c’est une partie de sa valeur ajoutée. »

Alerte et accompagnement

Par ailleurs, Jean-Luc Balleux regrette que le périmètre d’intervention des commissaires aux comptes, au regard des seuils obligatoires de désignation, ait été réduit par la loi Pacte du 22 mai 2019, « car cela réduit le champ de la mission d’alerte au profit du tissu économique. »

Or, c’est bien cette mission d’alerte et d’accompagnement qui présente le plus de valeur ajoutée aux yeux du président régional, notamment lorsqu’une entreprise connaît des difficultés.


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« Dans une telle situation, le commissaire aux comptes ne doit pas se présenter comme un ‘‘sachant’’ mais en appréhender toute la dimension psychologique, principalement vis-à-vis du chef d’entreprise. »

Il convient alors de prendre de la hauteur par rapport au déclenchement d’une procédure d’alerte (qui a une dimension légale), pour prévenir tout risque de dérapage (économique, humain…). « Dans ce sens, envisager d’intervenir avec l’expert-comptable, pour éviter au chef d’entreprise de s’engager sur une voie dangereuse, est une démarche souhaitable. »

Intervention préventive

Selon Jean-Luc Balleux la difficulté de la mission du commissaire aux comptes réside dans son intervention préventive lorsqu’il constate des problèmes. « Il faut faire attention à ne pas se heurter à un déni de réalité de la part du chef d’entreprise, qui ne ferait qu’aggraver les choses. Mais alors jusqu’où aller ? »

Voilà pourquoi Jean-Luc Balleux plaide pour de la formation en lien avec tous les aspects de l’alerte économique en cas de difficultés - avec un volet psychologique pour mieux en saisir toutes les conséquences humaines -, avec pour finalité de protéger l’entreprise et le chef d’entreprise.

A ce titre, la mission du commissaire aux comptes ne doit pas être interprétée sous son caractère répressif et nécessairement réducteur, mais dans toute sa philosophie, qui relève de la protection de l’économie et du tissu économique.