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Charbonneaux-Brabant défie les crises

Agroalimentaire. Avec trois nouvelles acquisitions officialisées en 2022, l’entreprise rémoise comprend aujourd’hui 450 collaborateurs répartis sur 10 unités industrielles, huit en France et deux en Italie.

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Charbonneaux-Brabant défie les crises
Valéry Brabant, Pdg de l’entreprise familiale qu’il a intégrée en 2003.

Pour le grand public, un des faits marquants de l’année 2022 aura été la pénurie de moutarde dans les rayons des hypermarchés. Spécialiste de la fabrication de moutarde avec Clovis, qui est l’une de ses marques phares, l’entreprise Charbonneaux-Brabant a forcément été impactée par cet événement. « L’année 2022 a été à la fois exceptionnelle, marquée par une hausse des prix des matières premières et des emballages, mais aussi par les pénuries de graines de moutarde », résume Valéry Brabant, son Pdg.

« Au niveau de la moutarde, nous avons tourné à 30% de nos capacités l’année dernière. Le gel en Bourgogne et la sécheresse au Canada ont impacté les récoltes 2021 de graines, créant une pénurie sur le marché mondial de la moutarde. De notre côté, nous avons décidé de ne pas être opportunistes mais au contraire de servir tous nos clients, le moins mal possible ». Un véritable casse-tête pour les équipes commerciales qui devraient retrouver une activité à peu près normale en 2023, année pour laquelle l’entreprise est parvenue à sécuriser ses volumes.

LA CROISSANCE EXTERNE MALGRÉ LES PÉNURIES

« Nous ne voulons surtout pas transiger sur la qualité », précise le dirigeant qui s’approvisionne en graines de moutarde à 50% en Bourgogne et à 50% outre-Atlantique. « Peu à peu, on étend notre approvisionnement dans l’Hexagone, à nous de nous structurer et de nous organiser pour pouvoir stocker et faire face lors des mauvaises récoltes ». Pour Valéry Brabant, la pérennité d’une société telle que la sienne rime avec anticipation et développement. Adepte d’un investissement régulier en interne et d’une croissance externe réfléchie, le Pdg ne s’est pas réfugié derrière une année 2022 difficile dans certains secteurs pour rester immobile, bien au contraire.

« Nous continuons à avancer avec une volonté forte de procéder à une croissance raisonnée. Nous sommes une boîte familiale, avec une structure financière saine et des fonds propres qui nous permettent de regarder l’avenir avec confiance ». C’est ainsi que l’entreprise a finalisé pas moins de trois projets l’année dernière. Un développement qui lui a permis de rester fidèle à ses fondamentaux, à savoir : un savant équilibre entre croissance organique dynamique et veille permanente sur les projets externes. Trois opérations majeures en 2022, rien que ça !

LA COMPLÉMENTARITÉ COMME FIL CONDUCTEUR

Charbonneaux-Brabant a ainsi repris l’entreprise Dumortier en avril 2022. Située dans les Hauts de France, cette société créée en 1880 est spécialisée dans la fabrication de mayonnaises, sauces et vinaigrettes. Rachetée en 2006 par le groupe Intermarché, c’est à ce dernier que Valéry Brabant l’a reprise, ainsi que ses 60 salariés.

« Cette acquisition nous permet d’être dans le cœur de marché de la mayonnaise et des sauces (la grande distribution, NDLR) où nous étions davantage présents jusqu’alors sur le segment premium et le Bio. Nous réalisons ainsi une complémentarité autour de nos métiers puisque Dumortier est à la fois présente sur un métier proche du nôtre et sur un segment que nous n’avions pas ». Deuxième acquisition réalisée l’année dernière, celle de l’huilerie Vigean. Là aussi, Valéry Brabant s’est intéressé de près à une entreprise familiale, située à Clion-sur Indre, entre Tours et Châteauroux.


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Créée en 1930, elle compte 32 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 13 M€. « Nous sommes entrés en contact pour créer des partenariats et l’idée est venue d’aller plus loin… C’est une entreprise positionnée sur le segment qualitatif des huiles bio, avec une marque assez influente dans tous les réseaux spécialisés dans le bio, où elle est présente depuis les années 70. C’est également une société complémentaire de nos activités liées aux vinaigres, sauces de salades, notamment sur l’export ».

Déjà présent à l’international dans 90 pays, le groupe Charbonneaux-Brabant pourra en effet désormais ajouter la marque Vigean à son catalogue pour proposer ses 70 références à ses clients. « C’est une pépite qui nous permet, en plus, de toucher à un nouveau métier. Dans un univers où il existe beaucoup de conditionneurs et d’assembleurs, Vigean fabrique, assemble et conditionne tous ses produits ».

Pour le dirigeant rémois, les acquisitions de sociétés sont réalisées selon des critères économiques, certes, mais pas uniquement : « Pour eux il s’agit de pouvoir bénéficier de notre réseau à l’export. Pour nous, l’intérêt est aussi de disposer de produits complémentaires à notre gamme. Mais quand on envisage de se rapprocher d’une entreprise, on se tourne naturellement vers des dirigeants et des collaborateurs qui ont les mêmes valeurs que les nôtres ». Pour le cas de Vigean en particulier, Valéry Brabant s’est rapproché d’Eric Vigean, le représentant de la troisième génération qui est d’ailleurs resté au sein de l’entreprise à l’issue du rachat.

UN ACTEUR MAJEUR DE LA PRODUCTION DE VINAIGRES ET DE SAUCES

Enfin, dans les derniers jours de l’année 2022, Charbonneaux-Brabant a aussi officialisé le rachat d’un vignoble de 25 hectares bio dans le sud de la France. « C’est une exploitation que nous connais sons déjà bien puisque nous achetons son vin depuis des années pour en faire nos vinaigres. Notre enjeu avec cette acquisition c’est de travailler nos filières, un peu comme nous le faisons avec les graines de moutarde ou les moûts de raisin ». Pour Valéry Brabant, c’est aussi le démarrage d’une nouvelle aventure, lui qui dispose déjà d’une vinaigrerie à Vauvert (Gard).
« On intègre la production, on sécurise les approvisionnements et on apprend un métier », résume-t-il. « L’idée ensuite c’est d’aller encore plus loin dans l’organisation de cette filière ».

Fondée en 1797 à Reims, l’entreprise est aujourd’hui un acteur majeur de la production de vinaigres et de sauces en France et en Europe. Dans l’univers de la moutarde, elle représente près de 15% de parts de marché en volume, avec ses marques Clovis et Beaufor en figures de proue. Si la GMS est une clientèle historique dont les volumes importants représentent environ un tiers des ventes, l’export n’est pas en reste avec un tiers également du volume d’affaires dans 90 pays.

« À l’export nous sommes beaucoup dans l’univers du « food service », à savoir l’hôtellerie et la restauration. »

Explique Valéry Brabant. « Nous avons des enjeux à développer au niveau du« retail » (grande distribution) ». Le dernier tiers est quant à lui composé par les industriels qui utilisent par exemple les vinaigres et la moutarde comme matière première en tant qu’exhausteur de goût pour leurs salades et leurs légumes. L’entreprise rémoise réalise aujourd’hui 200 millions d’euros de chiffre d’affaires dont les trois quarts sont effectués sur la partie alimentaire, le quart restant étant sur la partie non-alimentaire (produits d’entretien, bricolage, eau déminéralisée…).

La « croissance raisonnée » revendiquée n’empêche pas l’innovation ni l’audace. Les schémas logistiques, le transport, l’emballage ou les filières font ainsi régulièrement l’objet de véritables réflexions et modifications en interne pour améliorer le bilan énergétique et environnemental de l’entreprise. « Nous avons un plan de 43 M€ de projets d’investissement dans les trois ans à venir au niveau du matériel et des bâtiments. Nous continuons à investir nos résultats dans nos entreprises et dans nos métiers pour rester compétitifs et concurrentiels. Cela crée un cercle vertueux qui nous sert de modèle ». Une recette inchangée depuis 1797 et dont les ingrédients font le succès de Charbonneaux-Brabant au fil des générations.