Collectivités

Un vent nouveau soufflerait-il sur le Conseil Régional du Grand Est ?

Région. Au menu des huit heures de délibérations de la dernière session plénière du Conseil Régional, six dossiers dont les aménagements apportés au Plan Egalité femmes/hommes et le Réseau des Lycées, sujets abordés dans nos deux éditions précédentes. Un baptême du feu pour le Président Franck Leroy et surtout une gouvernance des débats quasi apaisante.

Lecture 8 min
Photo de Franck Leroy au Conseil Régional
Franck Leroy, Président de la Région Grand Est : « Le Conseil Régional traite de sujets concrets, décisifs et humains ». (Crédit : GD)

Ce n’est pas ici, dans la Maison de la Région de Metz, que se jouent l’état des cicatrisations de l’après Covid, les retombées désastreuses de la guerre en Ukraine, l’inflation, les grèves et les manifestations à répétitions, et encore moins l’usage pas très homéopathique du 49-3 par le Gouvernement.

Et cependant, certains des 169 élus du Grand Est, réunis en session plénière, s’enflamment, dopés peut-être par certaines séquences du Palais Bourbon.

Le prélude des temps de parole liminaire des groupes politiques et certains dossiers chauds sont des bonnes occasions pour chauffer la salle à coups de dérapage.

Les Présidents de groupe s’en donnent à cœur joie. La palme revenant souvent à Laurent Jacobelli (RN) : « Bordel d’un jour, bordel toujours... Quand je vous écoute, Monsieur le Président, j’ai l’impression d’écouter Emmanuel Macron… Vos fermetures de lycées ? Un 49-3 régional… Un saccage… Le prétexte énergivore des vieux lycées ? Tu ne seras pas soudeur parce qu’il n’y a pas de double vitrage dans ton lycée… Ayons un peu d’intelligence sociale ! »

Sur les mots qui fâchent, les autres groupes ne sont pas en reste. Ainsi, les Ecologistes, avec Eliane Romani au Président Leroy : « Vous méprisez la ruralité. Vous ignorez les syndicats. Votre Majorité, c’est huit ans d’inaction climatique… »

Puis Caroline Reys, à propos des lycées : « Un rapport lunaire qui consiste à ajouter des friches lycéennes aux friches industrielles… L’arbitraire est partout ! Vous méprisez l’intelligence. » Puis également Cécile Germain-Ecuer : « On ferme d’abord, on discute après. Des lycées qui ferment, ce sont des commerces qui meurent. »

Les interventions des Présidents Christian Choserot pour les Centristes et Territoires et Michaël Weber pour la Gauche solidaire et écologiste furent des plus modérés pour cette session du 23 mars dernier, dont le plat de résistance, « Le Réseau des Lycées » a occupé plus d’un quart des échanges.

76 millions d’euros pour le déploiement du Plan Vélo

En juin 2022, la Région lançait son premier Plan Vélo (125 M€). Le rapport soumis aux élus lors de cette session consiste à aider le déploiement de cette mobilité dans les territoires en épaulant financièrement les Autorités Organisatrices de Mobilités (communes, agglomérations, métropoles, syndicats mixtes …).

Seront ainsi soutenus les infrastructures, les services et les études de faisabilité de différents projets autour du vélo. Le rapport annonce des bonifications lorsque ces projets concernent des zones rurales. La Région s’engage financièrement jusqu’à la couverture, selon les cas, de 80% des coûts.

Le Plan Vélo devrait démarrer au mois d’avril. Les 76,3 M€ votés en séance en faveur des infrastructures (une majorité de 78% des 169 élus) se décomposent en 55,6 M€ (10 € par habitant) à destination des collectivités organisatrices, 10,8 M€ pour la réalisation d’itinéraires touristiques (2 500 km visés), et 9,8 M€ pour des aménagements particuliers (infrastructures de franchissement, mises en place de tronçons de maillage de territoires).

Dans l’opposition, on aura surtout entendu sur ce rapport le RN par les voix de Sébastien Humbert « La santé est plus importante que le vélo… Des financements disproportionnés par rapport à d’autres priorités… Les ruraux ne prennent pas le vélo pour aller travailler », ou de Laurent Jacobelli « Le Plan Vélo ? Un cache sexe ! »

Quant à la Gauche, elle estime qu’on peut aller encore plus loin pour favoriser ce mode de transport doux, ainsi la proposition de Bora Yilmaz : « Un vélo par élève ».

Un Plan régional Cybersécurité 2023-2025

Ce plan prend en charge le constat, évoqué par Irène Weiss, au nom de la Majorité régionale : à l’heure de l’accélération de la digitalisation des entreprises, le nombre de cyberattaques ne cesse d’augmenter, avec une multiplication par huit entre 2021 et 2022.

De plus, 50% des entreprises victimes cessent leur activité dans les six mois suivant l’attaque. Pour faire face à ces menaces, la Région lance Grand Est Cybersécurité, un centre d’assistance aux victimes avec pour objectif coordonner les actions et identifier les offreurs de solutions.


>LIRE AUSSI : Petites Villes de Demain : Blancs Coteaux se lance


Concomitamment, un plan régional 2023-2025 se met en place avec cinq objectifs : prévenir les menaces en sensibilisant tous les acteurs régionaux, élever le niveau de résilience en cybersécurité, accompagner la gestion de la crise cyber avec l’appui de Grand Est Cybersécurité, animer et développer une filière régionale, mettre en place des formations aux métiers de la cybersécurité.

Sur ce rapport, voté à 80% par l’Assemblée, le conseiller RN Philippe Morenvillier avait suggéré un amendement à propos de l’édition d’un bilan cybersécurité annuel.

Réponse de Franck Leroy : « Nous ne donnerons pas de chiffres sur les sites sensibles… Un rapport entre nous oui, mais pas public ». Séquence rare, le RN, faisant confiance à la Majorité, a retiré son amendement.

La séance plénière du 23 Mars, vers une autre forme de gouvernance ?

La démocratie est ainsi faite, la majorité du Conseil Régional dispose de 94 voix sur 169 sièges. Donc, intouchable ! Rapport après rapport le deal est d’engranger le plus de votes au-delà de cette majorité confortable.

Ces votes sont issus de délibérations et de la manière dont sont amenées ces délibérations. Le rôle du Président est prépondérant. La séance plénière du 23 mars dernier aurait-elle ouvert une nouvelle ère dans la manière de délibérer ?

Dans son discours d’ouverture, le Président Leroy a pris tout son temps (27 minutes) pour exposer les enjeux de la plénière, un temps de parole plus long que les délibérations sur le dossier Culture, ruralité et vitalité (26 minutes) et presque aussi long que celui du Plan Vélo (33 minutes).

Par la suite, Franck Leroy, intervenant a minima, s’est conduit en passeur d’idées et non en chef de meute. Jamais séance plénière n’aura connu autant d’intervenants, de la majorité comme des quatre groupes de l’opposition.

Une gouvernance des débats à 180 degrés des us et coutumes depuis 2016 ? Le sourire succède à l’ironie, Franck Leroy à Jean Rottner, l’écoute à l’attaque ?

Un chef d’orchestre soucieux d’écouter les partitions des siens et des autres et qui fait s’abstenir ses opposants ou les faire voter pour. C’est frais et nouveau. À suivre.