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Un Budget Primitif 2023 pour inventer l’avenir du Grand Est

Budget. Pas d’avenir meilleur sans décor digne pour l’abriter. En bâtisseur, le Conseil Régional fortifie ses chantiers et en ouvre bien d’autres. L’investissement pesait 30% du budget global en 2017. Aujourd’hui, c’est 42%, avec une progression des crédits d’investissement triple de ceux du fonctionnement.

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Un Budget Primitif 2023 pour inventer l'avenir du Grand Est
Jean Rottner : « Le quoi qu’il en coûte des dépenses, c’est fini ! » (Crédit : G. Delenclos)

Le titre peut paraître pompeux, mais il vient de la conclusion du propos liminaire du Président Jean Rottner, en ouverture des deux journées de débats de la dernière séance plénière du Conseil régional dédiées au Budget Primitif 2023, laquelle conclusion est sans ambigüité : « J’en suis convaincu, la meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de l’inventer ! » On peut y croire puisque le terrain est fertile : « Je ne connais pas de région de France qui réunisse autant d’atouts que la nôtre ». Chauvin, le Président Rottner ? Non ! Mais autant partir avec des atouts lorsqu’il s’agit de l’avenir : « Pendant ces deux jours nous dessinerons la société de demain ». Mais attention, bien des visionnaires de la pensée universelle ont commencé par dessiner l’avenir, de Platon à Barjavel, en passant par More, Huxley, Owen, Wells ou Bradbury, pour faire court, avant de tutoyer la dystopie. Et pour Jean Rottner l’avenir de la Région passe par les mobilités : « Une véritable stratégie en matière de fret ferroviaire… De ferroviaire transfrontalier… De réseaux express… En misant aussi sur un soutien à la recherche et au développement des nouvelles pistes de carburants comme par exemple l’hydrogène ».

Cet avenir passe également par l’écologie et la souveraineté énergétique : « Je vous le dis, notre gestion est non seulement vertueuse au plan des finances, amis également de l’environnement puisque 76,8% de nos dépenses sont favorables ou neutres en la matière. L’urgence est aussi de se doter d’outils et de moyens pour produire demain une énergie propre et de proximité ». Enfin, dans son discours préliminaire, le Président Rottner évoque les difficultés du monde de la santé et certaines des réponses apportées par la Région : « Le développement du numérique, du programme Hôpital du futur avec l’ARS et l’Etat déconcentré ».

Et puis cette conclusion, comme un appel aux pouvoirs publics, à la veille d’une énième réforme de la décentralisation : « Décentraliser, c’est recentrer l’action publique sur la vie des gens, des entreprises, des associations ». Et, précédant certaines remarques qui se sont exprimées par la suite : « Il nous faut anticiper par un investissement public ambitieux et à la hauteur de cette nouvelle croissance vertueuse, décarbonée, respectueuse de l’environnement et de l’humain ».

Les fonds européens amplifient la hausse des recettes

Les recettes estimées de la Région pour 2023 totalisent 3 879 M€, en fonctionnement et investissements. Elles progressent de plus de 345 M€. Elles proviennent de la fiscalité directe, d’impôts et taxes, de dotations, de participations diverses et de l’emprunt. On y comptabilise les impôts et taxes pour 2 051 M€ (53%), les participations pour 1 015 M€ (26%), l’emprunt pour 507 M€ (13%) et les dotations pour 226 M€ (6%). Comparativement au Budget Primitif 2022, les recettes émanant des impôts et taxes sont en hausse de près de 8%. La fraction de TVA dévolue par l’Etat à la Région (66% de ce chapitre) gagne 12%, la TICPE, Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (24%), progresse de 3,6%. A contrario, le produit de la taxe sur les certificats d’immatriculation (9%) est attendu à la baisse (-7,2%).


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Les dotations d’Etat progressent de 1,5%, un résultat qui combine un strict report de la Dotation Générale de Fonctionnement et de la Dotation Régionale d’Equipement Scolaire, une baisse de la Dotation de Compensation de la Réforme de la Taxe Professionnelle et l’arrivée d’une Dotation de Compensation des frais de gestion CVAE (8,3 M€). Les recettes issues des participations augmentent de près de 24%. On trouve dans ce chapitre l’apport des fonds européens qui passent de 353 à 433 M€, en augmentation de 23%. En forte hausse, figurent notamment dans ce chapitre les transports et à la baisse les recettes aménagement des territoires ou encore celles de la formation professionnelle. Les recettes d’investissement d’Etat ont doublé, de 10,3 M€ à 21 M€. L’emprunt, à hauteur de 506 M€ est quasi stable entre 2022 et 2023.

Les dépenses mobilités progressent de plus de 20%

Avec un peu plus de 66% du BP, les dépenses des deux grandes compétences de la Région s’appuient sur des budgets de 1 356 M€ pour la jeunesse, l’emploi et la formation, et de 1 223 M€ pour les Mobilités. La première compétence, en augmentation de 18%, englobe, entre autres composantes, les 360 M€ dévolus aux lycées (+19% sur le BP 2022), les 287 M€ de la formation professionnelle (-18%), ou encore les 133 M€ attribués à la formation aux métiers du sanitaire et du social (+9%). Le chapitre des mobilités concerne majoritairement le transport ferroviaire de passagers, autrement dit le fonctionnement des TER. Ce budget comprend le développement des réseaux de transport, l’intermodalité et les services en faveur des voyageurs et passe de 1 008 à 1 223 M€, soit une progression de 21%.

« Il nous faut anticiper par un investissement public ambitieux et à la hauteur de cette nouvelle croissance vertueuse, décarbonée, respectueuse de l’environnement et de l’humain »

Le chapitre attractivité est une somme mosaïque qui va de la performance industrielle à la culture, en passant par l’enseignement supérieur, le tourisme, l’internationalisation des entreprise, l’attractivité des territoires ou encore l’agriculture. Le BP consacre à cette transversalité 321 M€, soit une légère progression de 2,9%. Le développement durable, le numérique et les énergies renouvelables composent, en majorité le chapitre territoires et proximité qui, avec 267 M€, gagne 4,3%. Les ressources et moyens (ingénierie financière, accompagnement de la transformation, fonctionnement de l’administration régionale …) passe de 452 à 477 M€ (+5,5%). Enfin, le BP 2023 révèle la progression record (+22,7%) des fonds européens, de 353 à 433 M€.

L’investissement priorité budgétaire

Si l’on considère 2016 comme une année de transition et le budget 2017 comme point de départ effectif des finances du Grand Est, on passe quasiment d’un monde à un autre. En six ans le BP est passé de 2 858 à 3 879 M€ (+36%). L’ambition pour l’investissement est encore plus spectaculaire : 847 M€ en 2017 et 1 653 M€ au BP 2023, soit une progression de plus de 95%. L’investissement est quasiment devenu une religion dans les interventions régionales en soutien des projets. Un point qui fait aujourd’hui dire à l’opposition au Conseil régional : « Mettez un peu plus d’humanisme dans vos projets » et donc un peu plus de moyens en fonctionnement. Elément de preuve à l’appui, la part de l’investissement dans le BP est passée de 29,7 en 2017 à 42,6% en 2023.