La déprise démographique et le fonctionnement énergivore à la base du projet régional « Réseau des Lycées »
Région. On ne l’a pas peut-être pas assez dit, entre replâtrer des vieux lycées à moitié vides et, par regroupements, restructurations et transferts, concevoir des établissements plus performants pédagogiquement et moins énergivores, la facture du Plan « Réseau des Lycées » annonce une économie financière de 32%, soit l’équivalent de 60 millions d’euros. Un exercice courageux face au mythe de la fermeture des lycées.
« Des projets d’adaptation de l’implantation géographique des lycées, face aux défis démographiques, énergétiques et éducatifs qui se posent dans un monde en mutation », voilà pour le prélude du plus gros rapport de cette nouvelle session du Conseil régional : « Réseau des lycées de la région ».
Séquence inédite, ce rapport a fait l’objet d’une conférence de presse en amont de la séance plénière du 23 mars. Un plan imaginé en juin dernier et intégrant la transition écologique et énergétique des lycées, avec cet impératif : les défis actuels obligent à agir sur le réseau et la structuration géographique des établissements scolaires, pour investir dans les lycées de demain.
Le Président du Grand Est, Franck Leroy, précise la philosophie de ce Plan Réseau des Lycées : « Nous sommes dans une région en déprise démographique et notre volonté est de nous adapter à cette situation qui diffère d’un territoire à l’autre ».
À l’appui de cet argument, le projet rappelle cette statistique de l’INSEE sur la décroissance du solde naturel du Grand Est : 65 000 naissances en 2010 et 53 000 en 2020.
On trouve donc dans ce rapport, répondant à cette réalité, corrigée des spécificités locales, des projets de fermetures d’établissements, de regroupements et de constructions de plateaux de formation. Sur ce sujet, le mot d’ordre est limpide : aucune formation existante ne sera supprimée.
Plus et mieux de formations
Une idée, parmi d’autres dans ce Plan Réseau des Lycées : la proximité conduit à une forme de déterminisme avec des offres de formation de proximité réduites.
« Il nous faut sortir des déterminismes sociaux ou géographiques, poursuit Franck Leroy. Notre rôle est de tendre vers une certaine égalité sociale. Sortir d’un milieu défavorisé, ne serait-ce que par l’éloignement des lieux délivrant la formation choisie, doit être largement possible et nous devons le permettre, aux côtés de l’Education Nationale. Les lycéens doivent avoir accès aux formations qui leur conviennent ».
Une autre plus évidente, la démographie lycéenne est déjà par endroits en baisse et le sera globalement à l’avenir. Les effectifs des lycées sont appelés à baisser. En témoignent les projections de l’INSEE : 65 000 naissances en 2010 contre 53 000 en 2020 (-18% en dix ans). La population des 15-19 ans devrait diminuer de plus de 8% d’ici à 2050. Une autre idée, déjà en situation sur le terrain est l’urgence climatique et la crise énergétique.
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La nécessité de faire des économies est en marche avec cette précision de Franck Leroy : « Le coût énergie, par lycéen et par an, est parfois de 1 600 euros, contre une moyenne constatée de 575 euros dans l’ensemble des lycées du Grand Est. Nous sommes gestionnaire des lycées et nous ne devons pas laisser perdurer ces dépenses inutiles ».
Le parc des bâtiments des lycées publics est majoritairement ancien et énergivore et la facture énergétique en augmentation : 40,5 M€ en 2021 et 61 M€ en 2022, avec une projection au-dessus de 100 M€ en 2023. Dans ce contexte, le Conseil régional, en juin dernier a voté un plan de 450 M€ pour réduire de 40%, d’ici à 2030, les consommations énergétiques du parc immobilier régional. De plus, la Région a voté le Plan Néolux de 150 M€.
Cette ambition forte suppose une indispensable évolution du réseau des lycées régionaux. Avec cette question pivot : que doivent devenir les lycées du Grand Est à l’horizon 2040-2050 ? La Région lance donc une concertation en 2023 pour préciser et partager une vision d’avenir de « Lycée du futur », avec l’Education Nationale et les différentes collectivités impactées.
Des fermetures, mais pas que
Le rapport du Conseil régional observe deux types de situation : des lycées en tension sur des territoires en forte progression démographique et des lycées sous-équipés. Prudent, le rapport annonce : le maillage régional des lycées s’appuie sur une mise en réseau qui tient compte de la nécessaire préservation des lycées isolés en milieu très rural.
Dans les projets présentés figurent des groupements de lycées sur un même site, des concentrations de formations multisites d’un même établissement sur un même site, des redéploiements de toutes les formations d’un lycée vers d’autres lycées d’accueil, avec fermeture de l’établissement. Le rapport précise que la méthode de travail est partagée avec l’Education Nationale via un Comité de pilotage Lycée-Région-Rectorat.
Trois projets sur neuf en Champagne-Ardenne
Dans les 9 projets annoncés par le rapport, trois concernent le territoire de la Champagne-Ardenne : Langres, Vivier-au-Court/Sedan et Charleville-Mézières. Pour Langres, il s’agit du regroupement de deux sites appartenant au même établissement, Les Franchises rejoignant le lycée Diderot (800 élèves) avec un investissement de 25 M€ et un transfert à l’horizon 2025. Autre regroupement, le transfert des formations de Vivier-au-Court vers le site principal Jean-Baptiste Clément de Sedan, avec un investissement de 10 M€.
À Charleville-Mézières, constatant un taux d’occupation faible des lycées, le rapport préconise un transfert de l’ensemble des formations du Lycée Simone Veil vers un ou deux lycées de la ville à l’horizon 2025. Un scénario chiffré à 24 M€.
Ces 9 projets nécessitent un investissement de 227 M€ qui complète les 450 M€ en quatre ans du Plan Lycées verts en cours. Les lycées d’accueil seront des établissements écologiques et innovants. Hors Toul et Lunéville, chantiers en cours, une simulation entre « replâtrage » de l’existant et investissement « responsable » donne une économie de 32% sur la facture (123 M€ contre 182 M€ sur sept sites). Plus qu’une question d’économie, non négligeable, le Président Leroy insiste :
« Plus on regroupe et plus on offre de choix de formations diverses et de qualité ».
Côté agenda, les premiers effets attendus le seront vers 2025-2026, pour des projets qui ont été élaborés pour certains d’entre eux dès 2022, avec au programme des démolitions, des constructions et des reconversions de sites.
Au-delà, le Président du Grand Est n’évite pas d’autres opérations similaires : « Il est possible qu’à l’horizon cinq, dix ou quinze ans, il y ait d’autres besoins d’adaptation de la carte scolaire, notamment en fonction des aléas démographiques en perspective et des formations émergentes. C’est un devoir de s’adapter aux situations ».
L’Education Nationale en phase avec la Région
Cette conférence de presse, en amont de la session plénière du Conseil régional, a permis d’affirmer la collaboration de l’Education Nationale dans l’élaboration de ce plan « Réseaux des Lycées », via la participation des trois académies du Grand Est, portée par les trois Recteurs :
Richard Laganier pour Nancy-Metz, Olivier Brandouy pour Reims et Olivier Faron pour Strasbourg.
En résumé, leur point de vue :
« Nous sommes engagés aux côtés de la Région dans des défis que nous partageons, qu’il s’agisse de la transition énergétique ou du bien-être au travail des personnels, de la Région et de l’Education Nationale, et des élèves. Dans tous les cas, il faut maintenir l’offre de formation et aller vers des solutions pour les métiers en tension et pour les métiers d’avenir au nom de la réussite des élèves et de l’égalité des chances ».