Aube : le consommateur nouveau bouscule l’alimentaire
Alimentation. Des entreprises auboises de la filière témoignent des effets du changement de comportement des clients avec la pandémie.
La table ronde proposée, pour la première fois, dans le cadre de la présentation de la conjoncture économie auboise, traitait d’une évolution dont on ne mesure pas encore l’impact. « La pandémie a eu pour effet d’accélérer la tendance au e-commerce », reconnaît Éric Peters mais aussi de modifier sensiblement les priorités du consommateur. « L’achat plaisir n’existe plus et le consommateur arbitre désormais en fonction des prix d’autant que le digital facilite cette pratique », constate ce dirigeant de plusieurs Intermarché de l’agglomération troyenne. Effectivement, depuis quelque temps, et encore plus sous l’effet de l’inflation, le consommateur déserte les rayons bio et cosmétiques et reporte fortement ses achats sur les produits de PME françaises, les marques de distributeurs et les premiers prix. Son panier moyen est aussi moins rempli, avec surtout de l’essentiel et très peu de superflu.
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Un revirement qui déstabilise déjà la filière de production bio. « Il ne faut pas se cacher, la filière bio est en difficulté avec pour beaucoup d’agriculteurs des niveaux de rentabilité bien en dessous du conventionnel », craint Alain Boulard, président de la chambre d’Agriculture de l’Aube. Une réflexion sur cette filière s’impose pour poursuivre le mouvement de conversion, d’autant que des difficultés supplémentaires liées à la ressource en eau et au dérèglement climatique s’ajoutent. Même le circuit court est bousculé. « On a un ralentissement après le boom d’il y a deux ans, le marché est en phase de maturation, et si les agriculteurs engagés dans cette voie sont inquiets avec la problématique du pouvoir d’achat, ils restent cependant confiants », poursuit Alain Boulard.
Du végétal et moins d’animal
La pandémie a aussi eu pour effet de sensibiliser le consommateur à la qualité de son alimentation. « Le végétarisme et le flexitarisme deviennent de plus en plus des tendances de fond », constate Thomas Potier, directeur de l’usine Bonduelle de Saint-Benoist-sur-Vanne. La consommation végétale, sans additifs ni colorants, prend une place plus importante dans l’alimentation, ce dont les industriels tiennent compte. Si l’on consomme moins de viande, le poisson reste encore prisé. Poissonnier bien connu aux Halles de Troyes, Pascal Vinot a vu l’activité de livraison à domicile se développer fortement au plus fort de la pandémie et des confinements successifs.
« Je fais partie des points de vente qui depuis toujours forment des bouchers et des poissonniers »
Le soufflé est retombé, et les nouveaux clients conquis par la livraison ne sont pas tous revenus. Des clients confrontés aux problèmes de pouvoir d’achat, à l’inflation mais aussi à des hausses parfois surprenantes. « Je ne savais pas que les saumons écossais venaient aussi d’Ukraine », ironise Pascal Vinot, surpris par certaines envolées des prix. Pour Éric Peters, certaines multinationales profitent de la situation pour restaurer marges et profits en augmentant leurs prix. « Dans le groupe, nous sommes aussi de gros industriels et nous connaissons bien les coûts de production », rappelle-t-il.
La filière alimentaire, de la production à la distribution, doit aussi composer avec les difficultés de recrutements. Recruter devient de plus en plus complexe pour les activités agricoles saisonnières comme pour les industriels de la transformation, souvent situés en zone rurale, ce qui est le cas de Bonduelle, dans l’Aube. « C’est encore plus compliqué d’attirer avec la hausse des prix du carburant mais nous avons encore signé 4 CDI ce mois-ci à Saint-Benoist », se félicite Thomas Potier. Chez Intermarché on joue la carte de la formation, comme le rappelle Éric Peters. « Je fais partie des points de vente qui depuis toujours forment des bouchers et des poissonniers », conclut-il.