Collectivités

Après une bonne année budgétaire 2021, la Région reste méfiante pour l’avenir

Région. Petit coup de patte à la Communauté Européenne d’Alsace, hommage appuyé aux forces de l’ordre, puis les deux gros dossiers du Compte Administratif et du Budget Supplémentaire. Tout va bien jusqu’ici souligne le Président Jean Rottner qui pointe la possibilité d’une nouvelle crise économique et les échéances régionales des remboursements des investissements aussi nécessaires que lourds.

Lecture 9 min
Grand Est - Budget - Jean Rottner - Réunion - Vote - Bilan
Jean Rottner : « Je veux être celui qui est en mesure de faire entendre toutes les voix à Châlons, Metz et Strasbourg ». (Crédit : Gérard Delenclos).

Passage obligé du Budget de la collectivité, le Compte Administratif qui vérifie l’exécution des finances à N-1 et le Budget Supplémentaire qui modifie, en nouvelles recettes, nouvelles dépenses et report à nouveau, le budget en cours, ont fait l’objet de deux bonnes heures de délibérations de la dernière session plénière du Grand Est. Dans les deux cas, c’est la gestion de la Région au travers des chiffres exposés, que les uns approuvent et que les autres contestent. Ce fut l’occasion pour le Conseil régional de tester le vote électronique, bien plus transparent que celui à main levée, en cours jusqu’à cette date du 23 juin 2022.

DES POLITIQUES D’INTERVENTION ORIENTÉES VERS LA RELANCE

C’est ce que révèle le budget 2021, le plus élevé de la mandature (3,5 Md€). Le Compte Administratif (CA) souligne la concentration de 72,4% des dépenses d’intervention, contre 70,7% l’année précédente, en faveur des trois grandes compétences régionales obligatoires que sont la formation professionnelle et l’apprentissage, l’enseignement et les lycées et les transports. Par ailleurs, le CA mentionne, pour les autres compétences, des hausses de dépenses de 17 M€ pour le sport, la culture et les loisirs, de 15 M€ pour l’aménagement des territoires et de 11 M€ pour l’environnement.

Les dépenses soutenues par les fonds européens dans différents chapitres (215 M€) sont stables, celles concernant le développement économique (250 M€) sont en baisse de 46 M€ et retrouve le niveau de 2019. Ce dernier point a fait l’objet de critiques de la part de l’opposition globalement et du RN plus particulièrement.


> LIRE AUSSI : Jean Rottner : « Le Grand Est milite pour un partage équitable des responsabilités »


Les transports sont devenus en 2021 le premier poste des dépenses régionales d’investissement (29% du total régional des dépenses). Sur ce chapitre, l’investissement a progressé de 107 M€. La Région a investi 236,6 M€ dans le ferroviaire, contre 104,9 M€ en 2020, un investissement qui concerne l’acquisition de matériel, dont 30 rames transfrontalières France-Allemagne pour les dessertes des voyageurs transfrontaliers.

DES RESSOURCES FISCALES AMÉLIORÉES ET UNE GESTION FINANCIÈRE SOLIDE

C’est ce qu’annonce le CA 2021, avec des ressources à hauteur de 3,45 Md€, hors dette et reprise du résultat antérieur, en hausse de 11% par rapport à 2020. Une hausse qui fiscalement n’est que de 2,7%, hors régularisation de la TVA opérée en 2021. On voit ainsi combien les ressources de la Région dépendent aussi de la performance économique du territoire. La TVA a pesé 32% des recettes du BP 2021.

Les dépenses de l’ordre de 3,5 Md€ du budget 2021 du Grand Est avancé par le CA se répartissent ainsi : 1 278,5 M€, hors charges de personnel, pour les transports (37%), 722,3 M€ pour les dépenses hors interventions (21%), 419,4 M€ pour la formation professionnelle et l’apprentissage (12%), 361,7 M€ pour l’enseignement et les lycées, hors charges de personnel (10%), 214,9 M€ de fonds européens (6%), 204,7 M€ pour les actions économiques (6%), 126 M€ pour l’aménagement du territoire (4%), 99 M€ pour la culture, le sport et les loisirs, hors charges de personnel (3%), 46,4 M€ pour l’environnement (1%) et 2,8 M€ pour les actions interrégionales et européennes.

Le CA 2021 annonce un taux d’épargne brut, et donc une capacité d’investissement, de 20,3%, en hausse de 2 points sur 2020. Dans sa présentation du CA, le Président Rottner note la conséquence de la maîtrise des dépenses de fonctionnement : « Un niveau d’investissement record de la collectivité qui s’est accru de 11% en un an pour s’établir à 1 276, 6M€ ». Ce bilan 2021 mentionne également la capacité de désendettement du Grand Est : 4,7 ans, contre 5,9 ans en 2020, tout en notant le plafond de 9 ans fixé aux Région par l’Etat. Le résultat positif de 69 M€ de l’exercice 2021 vient abonder le budget supplémentaire de 2022.

UN BUDGET SUPPLÉMENTAIRE 2022 ENTRE POURSUITE DE L’INVESTISSEMENT ET MAITRISE DE LA DETTE

Question sémantique, ce budget supplémentaire (BS) et une Décision Modification (DM) qui prend en compte, à la suite du Budget Primitif voté en début d’année, des nouvelles dépenses et des nouvelles recettes. Dans ce BS, la Région poursuit sa maîtrise des dépenses de fonctionnement au profit de son niveau d’autofinancement. Plus de 141 M€ supplémentaires (+4% par rapport au BP 2022) abondent les crédits de paiement, en fonctionnement et investissement, en direction notamment des services de proximité en milieu rural, des véhicules à faibles émissions de CO² et de la performance industrielle.


> LIRE AUSSI : 61 millions d’euros d’investissements dans les EnR


Pour rappel ces exemples d’actions inscrites au budget primitif 2022 : le soutien à la conversion au bioéthanol avec des aides pour les professionnels et les particuliers, ou pour l’achat d’un vélo électrique, le soutien à la rénovation énergétique des maisons individuelles et des copropriétés, le développement de la performance industrielle, l’offre de service en matière de transports scolaires ou encore le soutien à la jeunesse, à la culture et au sport.

LE CESER INQUIET POUR L’AVENIR ET EN QUÊTE D’ÉVALUATION

Lors de sa conférence de presse, prélude de la session plénière du 16 juin, la Présidente du CESER, le Conseil Économique Social et Environnemental Régional, avait fait part des doutes de son assemblée quant aux aléas économiques, posant la question « Sommes-nous dans une situation d’inflation conjoncturelle ou structurelle ? ». Dans l’hypothèse d’une nouvelle crise économique, Marie-Claude Briet-Clémont avait même ajouté : « La Région devra-t-elle participer une fois encore au redressement des comptes de la Nation ? ». Jugeant le Compte Administratif 2021 et le Budget Supplémentaire 2022, elle avait noté un manque de visibilité des politiques régionales à moyen et à long terme et rappelé la nécessité d’évaluer les différents dispositifs mis en place, citant à nouveau le Plan lycée 4.0 et la répartition des fonds européens : « L’évaluation est un signe de la démocratie, un outil au service de la transparence ».

La Présidente du CESER s’est montrée cependant satisfaite de l’anticipation de la Région quant aux fluctuations des coûts de l’énergie, voire enthousiaste à propos du Plan vélo et de son financement de 125 M€. A propos du Compte Administratif, le CESER constate la bonne gestion de la dette et approuve le principe de la feuille de route sur le déploiement de la télémédecine, mais renouvelle sa demande d’affichage d’un Plan Pluriannuel d’Investissement, se pose la question de l’impact des fonds européens et de leur lisibilité dans les différentes politiques économiques et, entre autres remarques, s’inquiète du décalage entre l’affichage des 44 M€ attribués à l’agriculture et des 37 M€ réalisés. Autre questionnement du Ceser : le niveau de contribution de l’Etat, du Grand Est et de l’Ile-de-France et l’avancement des travaux de l’électrification de la ligne ferroviaire Paris-Troyes.

Sur le Budget Supplémentaire, les remarques du Ceser portent sur les budgets pour l’équipement général et pédagogique des lycées, compte tenu de la hausse des matières premières, mais aussi sur la baisse des investissements constatée sur la ligne budgétaire « Assurer le rayonnement international et transfrontalier à travers de la coopération ».