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2022, année plutôt sereine pour le Tribunal de Commerce de Reims

Justice. Les derniers Etats Généraux de la Justice ont fortement inspiré le discours du Président Jean-Marie Soyer lors de l’audience solennelle de rentrée du Tribunal de Commerce de Reims, mais sans pour autant occulter sa profession de foi : prévention et conciliation.

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Président Jean-Marie Soyer
Prévention et conciliation, la profession de foi du Président Jean-Marie Soyer, au cœur de l’audience solennelle de rentrée du TC de Reims. (Crédit : GD)

Dans son rapport annuel 2022, le Tribunal de Commerce de Reims (un Président, un Vice-président, six Présidents de chambre et 24 juges) indique une activité juridictionnelle en augmentation et proche de son niveau d’avant Covid, avec notamment une hausse du nombre d’immatriculations de sociétés commerciales et de personnes physiques, de celui des privilèges (garantie des dettes) enregistrés auprès du greffe, de celui, significatif, du nombre d’injonctions de payer et de celui des procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire). A contrario, il constate une baisse du nombre de sanctions commerciales (professionnelles, patrimoniales ou pénales).

Le ressort du Tribunal de Commerce de Reims comptabilise, à fin 2022, 41 989 entités commerciales (personnes physiques, sociétés commerciales, sociétés civiles ou groupements d’intérêt économique). Dans les cinq dernières années, le registre du commerce et des sociétés du TC de Reims a enregistré une moyenne annuelle de 3 312 nouvelles inscriptions (baisse de 13% en 2020, hausse de 26% en 2021 et baisse de 12% en 2022). Les formalités (immatriculations, modifications et radiations) accomplies auprès du TC (18 550 en 2022) ont augmenté de 50% entre 2019 et 2022.

DES FORMALITÉS NUMÉRIQUES EN FORTE HAUSSE

Le rapport du TC de Reims fait état de l’avancée spectaculaire du numérique dans l’accomplissement des formalités des entreprises du ressort. Les formalités dématérialisées reçues sur la plateforme infogreffe.fr sont passées de 5 093 en 2020 à 10 121 en 2022, soit un quasi-doublement. Après deux baisses (-24,6% en 2020 et -8,2% en 2021), l’activité juridictionnelle connaît une forte hausse en 2022. Les 9 327 décisions rendues représentent une hausse sur un an de 56%. Le contentieux général affiche une forte baisse des affaires restant au rôle (141 en 2022 contre 300 en moyenne entre 2017 et 2021).

Avec 8 oppositions sur 762 injonctions de payer, le TC de Reims enregistre un taux d’opposition de 1% en 2022. Autant dire du bon travail. La durée moyenne des délibérés (78 jours en 2022) est en baisse sur les quatre années précédentes. En baisse en 2021, les difficultés des entreprises sont en hausse. Les ouvertures de procédures collectives passent au total de 134 à 249 en 2022, avec 58 redressements judiciaires contre 32 et 187 liquidations contre 100. Le discours du Président Soyer, en cette audience solennelle de rentrée, dresse un bilan de l’exercice écoulé, exercice qu’il juge comme un retour à la normale, sans oublier le contexte : après la crise Covid et les confinements, la guerre en Ukraine, la flambée des prix de l’énergie, le retour à l’inflation…


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« Donc, oser dire que l’année 2022 au sein de notre tribunal s’est avérée plutôt calme peut ne pas paraître politiquement correct ». Certaines statistiques cependant vont en ce sens, ne serait-ce que le solde des affaires enrôlées : 141 à fin 2022, contre une moyenne de 300 ces dernières années. Pas si sereine que cela pour la charge de travail des juges cette année passée : « Si le nombre de contentieux baisse, il a fallu écluser le stock des affaires en cours… Aussi, au final, les juges ont rendu plus de jugements en 2022 qu’en 2019 ou 2020 ».

Iconoclaste Jean-Marie Soyer à propos de l’explosion des créations d’entreprises, engouement nouveau pour l’entrepreneuriat ? Le Président du TC de Reims analyse cette situation : « Nous sommes hélas plus réservés sur cette embellie car peu de ces nouvelles TPE, créées pour faire son emploi ou pour quitter un mode salarié trop contraignant, n’ont vraiment la compétence administrative de gestion pour survivre à la dure loi du libre commerce ». Donc : « Ne faudrait-il pas créer un permis d’entreprendre ? »

2023, « UNE AVANCÉE COURAGEUSE VERS L’INCONNU »

Les récentes propositions des Etats Généraux de la Justice en direction de la justice économique inspire les commentaires personnels et assumés du Président Soyer. Ainsi la remarque de ce dernier quant à l’ouverture des acteurs du monde judiciaire aux dimensions économiques, en favorisant par exemple des détachements de magistrats de l’ordre judiciaire dans les tribunaux de commerce : « Je dois dire que pour ma part, je suis plutôt favorable à ces échanges s’ils restent respectueux et professionnels… C’est dans l’ouverture que l’on progresse… À nous de développer nos certitudes et la qualité de nos travaux ».

Attention cependant aux tentatives d’échevinage (mélange institué de magistrats consulaires et professionnels), prévient Jean-Marie Soyer. Enfin, sur le projet de création de TAE, Tribunal des Affaires Economiques, non écheviné et réglant les affaires d’un ensemble d’acteurs économiques (commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales…), Jean-Marie Soyer déclare : « Il n’est pas illogique que ce soit la même juridiction professionnelle qui gère leurs difficultés ». Le Président Soyer, entre autres sujets abordés, insiste au final sur ce qui fut sa feuille de route du début de mandat et qui perdurera jusqu’à son terme : prévention et conciliation.