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Virginie T. : l’amour du champagne en héritage

Champagne. En 2008, après plus de 20 ans passés dans le groupe familial dirigé par son père Claude, Virginie Taittinger s’est lancée le défi de créer sa propre Maison de champagne.

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Photo de Virginie Taittinger et son fils Ferdinand
Virginie Taittinger et son fils Ferdinand. (Crédit : DR)

C’est désormais entre les murs du magnifique Château de Challerange, à Taissy, que Virginie Taittinger reçoit ses clients et amis. Après avoir créé sa propre Maison de champagne en 2008, elle cherchait un lieu digne de ses ambitions champenoises pour recevoir et organiser des masterclass.

Quand elle découvre l’existence du Château de Challerange il y a deux ans, elle est immédiatement séduite par ce lieu chargé d’histoire, l’achète en mai 2021.

« C’est un château qui n’était pas habité depuis 8 ans mais qui est en très bon état aujourd’hui ». Érigé en 1633 par Jean Colbert (l’oncle de Jean-Baptiste) dans le pur style XVIIe siècle, il a en effet été détruit lors de la Première Guerre mondiale mais restauré et remeublé à l’identique dans la foulée. Ce qui fait dire à sa propriétaire :

« Le savoir-faire champenois ne se perd pas, il intègre en continu de la compétence ». Une transition toute trouvée pour aborder son parcours champenois, elle qui jusqu’en 2007 n’avait jamais imaginé, être amenée à créer de toutes pièces sa propre marque.

Fille de Claude Taittinger et de Catherine de Suarez d’Aulan (dont la famille a été propriétaire de Piper-Heidsieck jusque la fin des années 80), Virginie Taittinger a forcément baigné dans le champagne dès sa plus tendre enfance.

Elle suit des études de Droit et à Sup de Co Reims. Après une expérience de 3 ans en marketing à la Seita, elle intègre la Maison familiale dirigée par son père en tant qu’attachée de direction en 1986.

« J’y ai passé 21 années extraordinaires », souligne-t-elle, inspirée par ce père qui a dirigé le groupe familial pendant plus de 45 ans. En 2005, la société américaine Starwood rachète le groupe et revend le champagne Taittinger à son cousin Pierre-Emmanuel, 18 mois plus tard.

N’étant pas intégrée au nouveau projet, Virginie Taittinger quitte alors l’entreprise. Forte de l’expérience acquise pendant plus de 20 ans auprès de son père, elle décide assez rapidement de fonder sa maison de champagne.

Le credo de la Transmission

« C’est grâce à cet épisode de ma vie que j’ai retrouvé ma place en Champagne », estime-t-elle aujourd’hui. « J’étais une descendante, je deviens une actrice et je crée mon histoire avec mon fils ». En repartant de zéro à l’âge de 47 ans Virginie Taittinger était mue par une double motivation. « J’ai reçu de mon père, j’estimais que je devais transmettre à mon tour. Mon fils est passionné de vin, je voulais aussi lui donner l’opportunité de travailler dans cet univers ».

Photo de Virginie Taittinger
Virginie Taittinger. (Crédit : DR)

Elle se rapproche de Manuel Janisson, un viticulteur de Verzenay avec qui elle réalise ses premiers assemblages dès 2008. « Il a cru en mon projet et a accepté de m’aider, j’ai eu la chance de débuter par l’année 2008, qui est mythique en Champagne ».

En 2014, elle obtient sa carte de négociant et fait construire un bâtiment de 1000 m2 à Sillery pour y installer sa cuverie et son centre de production. Elle y élève des champagnes forts en pinots noirs issus des grands crus de la montagne de Reims.

« J’ai dû apprendre pas mal de choses pour débuter, j’ai fait quelques erreurs aussi, mais au final j’ai obtenu quelque chose de correct », sourit-elle.

Virginie Taittinger débute sa commercialisation par la France et la Belgique, marchés qu’elle connaît bien, où l’accueil est positif. Son fils Ferdinand la rejoint dans la foulée dans l’entreprise et dès 2016 tous deux se mettent en quête de distributeurs.

La nouvelle marque séduit le marché suisse et décroche quelques clients de prestige comme le wine club du Wall Street Journal. « Nous avons des distributeurs à Singapour, en Italie et nous démarrons le Japon », souligne-t-elle.


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Toujours en quête de nouveaux marchés, elle profite de la période Covid pour se rapprocher de distributeurs en Allemagne et aux Etats-Unis. « Nous travaillons avec Total Wine, qui est le premier vendeur de champagne aux Etats-Unis. Nous les avons rencontrés entre deux confinements et nous construisons un vrai parcours avec eux, on se rend dans les magasins pour faire déguster notre gamme et on organise des masterclass ».

Un véritable engagement pour faire la promotion de la gamme de ses champagnes, tous différents et édités en petites séries limitées de quelques milliers de bouteilles seulement. « Nous commercialisons une gamme de 9 champagnes mais nous en avons 21 différents en cave », précise celle qui privilégie les vieillissements longs.

Si elle attache une grande importance à la qualité de ses approvisionnements, dans le cadre de son développement, Virginie T. possède déjà cinq parcelles de vignes sur le secteur de Verzy et espère continuer à acquérir du foncier.

« Je postule régulièrement aux acquisitions dans la Montagne de Reims et j’espère ainsi pouvoir enrichir mon laboratoire. L’idéal serait de pouvoir racheter un clos ou une parcelle suffisamment grande pour passer en bio, par exemple ».

Un artisanat revendiqué

Côté marketing, pour lancer sa marque, Virginie Taittinger choisit de conserver son prénom et seulement la première lettre de son nom de famille. Outre le jeu de mot, la marque Virginie T. est une ode à la féminité.

« En Champagne, il y a 15 ans, il n’y avait pas de prénom féminin sur les étiquettes. Désormais je trouve important de dire qui je suis et de revendiquer que je suis la fille qui a travaillé toutes ces années auprès de Claude Taittinger qui est derrière ce champagne. J’ai voulu faire une force de cette expérience et de caractéristique. Cela m’est apparu comme une évidence ».

Une singularité qui se retrouve dans le choix de sa gamme. En plus des cuvées blancs de blancs, blancs de noirs, brut classique, rosé, brut nature... Virgine T. propose par exemple une série limitée de blancs de noirs bio des Riceys, vendange 2017 avec vins de réserve à 2 500 exemplaires. Un travail d’orfèvre assumé.

« Nous sommes des artisans. Nous avons cette taille de Maison et cette volonté de rester des artisans, avec un credo : tous mes champagnes doivent posséder une forte personnalité ».

Assumant pleinement son héritage familial, Virginie Taittinger revendique également sa volonté de construire une maison solide à destination de son fils qui travaille à ses côtés dans toutes les étapes de la création, de la vigne à la coupe de champagne.

« Notre maison n’est pas conventionnelle, mais le suis-je, au regard de mon histoire et de mon parcours ? Non ! Je crois que je suis en quelque sorte condamnée à rester unique avec ma personnalité, ma façon de faire. Au final, je crée ma propre histoire ». Et cela lui va plutôt bien.