Champagne / In Vino

Une rencontre qui tombe à Pic

Champagne. Une réputation procède souvent d’une sorte d’assemblage : l’excellence du produit… et un coup de pouce du destin. A Moussy, Didier Chevauchet assurait la qualité du champagne Pinot-Chevauchet lorsqu’il a croisé le chemin de la Maison Pic, à Valence. Bonne pioche !

Lecture 6 min
  • Didier Chevauchet
    « Nous vendons en bouteille tout ce que nous produisons. » (Crédit : JR)
  • Packaging
    Le packaging est un autre élément de la valorisation du produit. (Crédit : JR)

En 2012, Didier Chevauchet et son épouse, ayant agrandi leur exploitation depuis peu, décident de se lancer dans la prospection commerciale pour écouler et valoriser leur production. Issu d’une famille de restaurateurs, Didier Chevauchet connaît et apprécie ce milieu. En partenariat avec le SGV, il décide de s’inscrire à un salon réservé aux professionnels, à Lyon. Deux sommeliers de la Maison Pic, à Valence, le restaurant triplement étoilé de la cheffe Anne-Sophie Pic, s’arrêtent à son stand. C’est le début d’un partenariat qui va donner son essor au champagne Pinot-Chevauchet.

« Je me suis rendu à Valence pour présenter mes cuvées, devant l’équipe de sommellerie. Nous avons beaucoup appris réciproquement. En ce qui me concerne, sur la perception qu’ils avaient de mon vin, sur les accords possibles mets/vins que je ne connaissais pas. Pour leur part, sur le côté ‘‘terroir’’ d’un champagne de vigneron, plus prégnant chez un ‘petit’ producteur que pour une grande marque. En la matière, le sommelier ‘‘sent’’ les arômes, le vigneron les explique… »

Désinhibition

Le référencement dans un établissement trois étoiles est généralement gage de renommée, donc de développement commercial. Effet collatéral, il génère aussi une forme de désinhibition : « On s’est dit que si nous pouvions entrer là, nous pouvions entrer ailleurs ! »

Cela a encouragé Didier Chevauchet à poursuivre deux objectifs : travailler encore et toujours la qualité de ses champagnes, et prospecter largement. « Nous avons commencé logiquement par la France, avant de nous tourner vers l’export, forts des références acquises. C’est à l’export que l’on valorise nos produits. » À condition toutefois, quel que soit le marché, de se former. Le travail de la vigne est une chose, vendre en est une autre. Et savoir parler du vin aussi. « Dire ‘‘20 % de chardonnay et 80 % de meunier’’ n’est pas suffisant. Les professionnels veulent ‘‘apprendre’’ le vin qu’ils dégustent et qu’ils proposent à leurs clients. »


>LIRE AUSSI : L’AVC pense à l’avenir durable de la vigne


De la même façon, le packaging a désormais toute son importance. Le bon est encore meilleur quand il est dans du beau. Ainsi, le flacon blanc de noirs 100 % meunier vieilles vignes, à droite sur la photo ci-dessous, a un prix de revient (conception, fabrication, étiquette…) quatre fois supérieur à celui d’une bouteille champenoise traditionnelle. « Mais c’est un autre élément de la valorisation du produit », assure Didier Chevauchet.

70 % à l’export

Didier et Brigitte Chevauchet exploitent 4 hectares de vignes à Moussy et Pierry. 60 % meunier, 35 % chardonnay, 5 % pinot noir. Entre 30 et 35 000 bouteilles par an, pour un chiffre d’affaires d’environ 500 000 € les bonnes années. « Nous vendons en bouteille tout ce que nous produisons. » Dont 70 % à l’export ! Le champagne Pinot-Chevauchet dispose de 8 cuvées : un classique BSA (mais avec 5 ans de vieillissement sur lattes), deux rosés (brut et brut nature), un blanc de noirs nature, deux blanc de blancs (millésimé 2008 et extra brut), une cuvée ‘‘précieuse’’ 1er cru (50 % chardonnay, 50 % meunier), un parcellaire blanc de noirs 100 % meunier vieilles vignes.

La fermentation malolactique n’est pas systématique, et n’est envisagée qu’en fonction de l’acidité de la récolte - ce qui ne sera pas le cas en 2022 en raison d’une faible acidité, justement. Les prix s’échelonnent de 24,90 € à 39,90 €.

« Soyons exigeants sur la qualité »

Didier Chevauchet n’oublie pas cette soirée de 1989, où (au coin du feu ?) son beau-père a laissé entendre qu’il allait vendre son exploitation (champagne Claude Pinot). « J’étais comptable et mon épouse infirmière-puéricultrice. Mais il y a eu un déclic, et nous avons décidé de reprendre. La superficie était modeste. J’ai appris ‘‘sur le tas’’, auprès de mon beau-père. Nous avons travaillé pendant une vingtaine d’années en qualité de double-actifs. Jusqu’à ce que nous ayons l’opportunité de nous étendre, en 2010. Si mon épouse a conservé sa profession, je me suis alors entièrement consacré à la vigne et à la vinification. »

À proprement parler, Didier Chevauchet sait ‘‘d’où il vient’’ - et pas seulement de Cormontreuil dont il est originaire. Sans être du sérail, avec peu de vigne pour démarrer - et pas mal de courage, quand même -, on peut se lancer : il en est la preuve.

Aujourd’hui, ses objectifs à court terme passent par la conversion en bio d’une exploitation déjà certifiée HVE et VDC depuis 2018. « C’est sans doute un peu plus philosophique qu’autre chose, mais c’est surtout la poursuite logique d’une réflexion entreprise depuis longtemps. Je souhaite transmettre à mes enfants un domaine exemplaire sur le plan environnemental. Nous élaborons un produit unique au monde. On dit souvent qu’à l’étranger les gens ont les yeux qui brillent quand on leur parle de champagne, mais c’est une réalité et je le constate avec mes importateurs. Soyons exigeants sur la qualité, et nous vendrons bien notre champagne ! »