L’AVC pense à l’avenir durable de la vigne
Champagne. L’Association Viticole Champenoise prépare un vignoble exemplaire en matière de développement durable.
On ne s’ennuie jamais durant une assemblée générale de l’AVC, Association Viticole Champenoise. C’est l’humour qui est le quasi-fil rouge des séquences vidéo qui ont par tradition le mérite de nous donner des images magnifiques du vignoble et le ressenti cash des vignerons, année après année.
Arnaud Descôtes, aura été, il prend sa retraite, un Directeur dans la lignée de Dominique Moncomble, son prédécesseur, aussi professionnel que pince sans-rire. Faire sourire peut rendre heureux, d’un côté à l’autre du micro. Les deux Directeurs ont eu cette qualité exigée pour tout orateur : ne pas ennuyer la salle, même lorsque le propos est sérieux.
De quoi a-t-il était question ? Tout d’abord le constat, unanimement partagé par les vignerons, d’une Champagne heureuse en 2022, succédant à l’épouvantable séquence 2021 : « Une vendange merveilleuse, un parcours idéal, beau, chaud, facile, exceptionnel, merci au soleil et merci aux pluies de juin. Des raisins de rêve. Un degré alcoolique record. Un très beau millésime à venir. On est entré dans un climat tempéré chaud… ».
Mais dans vingt ans, qu’en sera-t-il ? « Se remettre toujours en question. Trouver des cépages plus résistants. Adopter le bio dans les contrôles. Une Champagne plus verte avec l’aide de polycultures au bord des vignes. Un meilleur environnement naturel, mais pas au détriment de la qualité des raisins ». Des ruches dans les vignes ? Il faudra y penser plus tard « On fait du vin ou du miel ? Moi, je préfère les abeilles solitaires, c’est mieux, non ? ».
UNE FEUILLE DE ROUTE, FACE AU VIEILLISSEMENT DE LA VIGNE
Le défi de la production marque bien une certaine inquiétude face à l’avenir. Les rendements ont baissé de 25% dans les dix dernières années. Les pieds de vignes sont âgés de 35 ans. Les aléas climatiques et sanitaires forcent la vigilance. L’innovation occupe largement la feuille de route de l’AVC. Ont été ainsi évoqués par les experts à la tribune, les travaux de l’Institut Français de la Vigne et du Vin, et l’expérimentation sur dix ans de l’arrivée d’un nouveau cépage.
Celui-ci, le Voltis, résistant au mildiou et à l’oïdium, ne devra occuper que 5% des surfaces et n’entrait que dans 10% maximum des assemblages. L’idée d’adopter des vignes semi-larges (4 000 pieds à l’hectare au lieu de 8 000 en haute densité) fait son chemin depuis l’autorisation, l’été dernier, par le Syndicat Général des Vignerons. « Le taillage de la vigne sans lumbago » risque bien de faire des adeptes. Enfin, les robots et les drones arrivent au service des travaux moins pénibles.
Le Plan Carbone, avec un Net Zéro Carbone en Champagne, a suscité quelques remarques dubitatives : « Diminuer l’impact, c’est possible. Zéro, c’est compliqué ». Et comme l’humour persiste, parfois jusqu’à déborder, sans citer son auteur, il y eut ce mot : « Se limiter à compenser, c’est penser comme un c… ».
Bref, on ira en Champagne vers un objectif -75% d’émission carbone à l’horizon 2050 et d’ici à cette date, l’idée d’un Fonds Carbone Champagne se précisera. Ne nous trompons cependant pas, l’accélération de la politique de développement durable et la responsabilité environnementale et sociétale sont les défis d’avenir de l’AVC, au même titre que la production et la pérennité du vignoble ou la garantie d’excellence du Champagne.
LE CAUCHEMAR DE LA FLAVESCENCE DORÉE
Dans la catégorie alerte pour l’avenir, l’Assemblée de l’AVC a évoqué ses craintes quant à l’extension de la flavescence dorée. Il s’agit d’une maladie épidémique, provoquée par des bactéries transmises à la vigne par des insectes vecteurs et qui peut aboutir en quelques années à la mort du vignoble. Cette maladie est incurable et conduit à l’arrachage des pieds contaminés. Repérée dans plusieurs vignobles français et européens, elle est détectée en Champagne depuis 2018.
>LIRE AUSSI : La transmission, préoccupation majeure en Champagne
Depuis cette date, la surveillance s’est accrue, avec notamment des prospections « jaunisses » qui ont permis cette année de couvrir 7 500 hectares : 14 100 ceps prélevés et 4 000 diagnostics réalisés. Cette flavescence dorée est en progression en Champagne et la majorité des cas révèle la présence d’un variant M54, le plus épidémique, identifié lui en 2021. Cette campagne 2022 met en avant des cas isolés sur les territoires de Chouilly, Oiry, Montgueux et Nanteuil-sur-Marne, avec la présence du variant M54 à Courthiezy, Dormans, Passy-sur-Marne Trélou sur-Marne et Vert-Toulon.
MISSION ACCOMPLIE POUR FRANÇOIS PIERSON
Avec François Pierson, on est dans la vigne, au cœur « des changements climatiques nouveaux, des saisons dérangées, des températures extrêmes, des pluies incontrôlables, des vents de tempête et des ravageurs anciens ou nouveaux, en ayant à l’esprit la topographie de chaque parcelle, de chaque coteau… ».
Le Président sortant de l’AVC, à la tribune, tonne, se fâche et sourit. Le financement c’est le nerf de la guerre. Le financement ? C’est fait. Comme un legs aux futurs combats de l’AVC, François Pierson explique : « Je l’avais demandé, rêvé, répété, rabâché… Le financement de nos recherches et du fonctionnement de nos services a été voté ».
Un grand merci aux deux Présidents du CIVC avant cette justification : « C’est l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants qui est en jeu, c’est la sauvegarde de notre viticulture champenoise et de ses merveilleux projets ambitieux ».
Un vignoble d’aujourd’hui qui ne ressemble pas à celui d’hier et encore moins à celui de demain, la Champagne sait faire, insiste le Président Pierson qui en termine avec cet hommage à ses équipes : « L’AVC a toujours eu de l’audace, a toujours été force de création pour assurer la pérennité et la productivité de notre vignoble, en l’insérant dans une dynamique environnementale forte et ambitieuse ».
En prélude, David Chatillon et Maxime Toubart, les deux Présidents du CIVC, avaient déminé le terrain en annonçant un plan ambitieux de développement durable de la filière, avec un objectif central d’accompagner la Champagne vers le « Net Zéro Carbone » d’ici à 2050. Au final, la fête fut belle.