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« Le gouvernement a choisi de donner un « coup de rabot » de façon aveugle »

Gouvernement. Le courrier de Christine Mazy, maire d’Epernay, à Catherine Vautrin, Ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation.

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Graphiques d'une situation économique et pièces de monnaies
(Crédit : Freepik)

Madame la Ministre,

Le gouvernement vient de présenter ses pistes pour le budget de l’Etat en 2025. Il indique vouloir lutter contre la dérive des comptes publics, une nécessité que partagent tous les élus locaux.

Mais, pour rappel, en France, plus de 80 % de l’endettement public provient de l’Etat. Les collectivités territoriales (qui représentent 70 % de l’investissement public) ne sont à l’origine que de 8 % de cet endettement ; cette part est d’ailleurs en diminution par rapport au Produit Intérieur Brut de la France, c’est-à-dire par rapport à la richesse de notre pays. Rappelons aussi que les collectivités doivent présenter un budget équilibré et qu’à la différence de l’Etat, elles n’empruntent pas pour financer leur fonctionnement et, en particulier, pour payer leur personnel. Elles n’ont pas non plus attendu l’Etat pour faire des économies.

Pour autant, de façon parfaitement injuste, le gouvernement a décidé de faire encore les poches des collectivités locales.

Tout d’abord, il souhaite mettre à contribution les 450 plus « grosses » collectivités, en leur imposant un prélèvement allant jusqu’à 2 % de leurs recettes de fonctionnement (c’est-à-dire 920 000 € pour la Ville d’Epernay). Pourquoi concentrer l’effort sur les collectivités dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros ? C’est entretenir malhonnêtement la confusion entre plus « grosses » collectivités et plus riches. Rien d’ailleurs n’explique pourquoi ce seuil de 40 millions a été retenu.

Ce prélèvement prend, de plus, la forme hypocrite d’un fonds dit de réserve qui pourrait être reversé (à qui ?), sans que le moment et les conditions en soient aujourd’hui précisés. Outre le fait de constituer un véritable tour de passe-passe, ce dispositif remet clairement en cause le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales.

Comme les autres collectivités, la Ville d’Epernay va être également concernée par d’autres mesures envisagées par le gouvernement : une limitation de la dynamique de la part de la TVA qui revient à la commune, une réduction des remboursements de la TVA qu’elle- même a déjà payée, une baisse du Fonds vert et une hausse des cotisations employeur pour le régime de retraite des agents territoriaux.

Sous la présidence de François Hollande, la Ville d’Epernay a déjà connu une ponction au prétexte de contribuer au redressement des finances publiques. Ce prélèvement a été de 5,7 millions d’euros sur la période 2014-2017.

Le nouveau gouvernement reprend les mêmes vieux procédés. Il faut qu’il comprenne qu’il sera responsable de l’abandon d’un certain nombre d’actions quotidiennes des collectivités locales en faveur des Français en 2025, mais aussi vraisemblablement dans les années qui suivront.

De plus, les collectivités n’ayant plus les moyens de leurs politiques, l’investissement public va entrer dans une période de récession conduisant à de graves conséquences pour des entreprises françaises, en particulier dans le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics.

Du fait de l’urgence à agir au vu du dérapage des comptes de l’Etat, le gouvernement a choisi de donner un « coup de rabot » de façon aveugle.

Le retard dans la présentation par le gouvernement du Projet de Loi de Finances et ses dispositions dont nous ne savons pas ce qu’il en restera au terme du débat parlementaire rendent, aujourd’hui, particulièrement difficile la préparation des budgets de nos collectivités pour 2025. Or, celles-ci ont besoin de stabilité et de visibilité pour que soit enfin rétablie la confiance avec l’Etat, préalable nécessaire à un véritable partenariat. Après les avoir faussement accusées d’être responsables du dérapage des comptes publics, il ne faudrait pas que les collectivités locales soient maintenant mises en coupe réglée.

Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’assurance de ma très haute considération.