Opinions

La Champagne doit innover !

Champagne. Assurément, la Champagne a du talent. De la viti-viniculture à la logistique, du tertiaire marchand au savoir-faire artisanal, de la qualité des soins et de l’enseignement à l’ESS, du Devoir de Mémoire à la mise en valeur de nos paysages, les qualités champenoises se reconnaissent et sont reconnues.

Lecture 4 min

Si le monde était stable et prévisible, nous pourrions en rester là, et clairement tirer notre épingle du jeu par la valorisation de nos différentes authenticités et de notre modernité. Nous aurions presque plus à gagner à ne pas prendre de risques, et optimiser notre position géographique, au carrefour cardinal des grands axes : de la capitale de France au coeur de l’Europe, de la Mer du Nord à la Méditerranée. Mais autour de nous, tout à côté comme très loin, tout remue dans tous les sens.

Aucun musicien ne joue au même rythme, à la cadence des accélérations technologiques propulsées par le numérique, des progrès scientifiques avec intelligences artificielles, des nouveaux enjeux thalassocratiques ou encore des prévisions climatiques irréversibles pour la Nature. Désormais, le monde peut s’arrêter complètement pour ralentir une épidémie galopante juste avant de voir un pays grand comme la France envahi en quelques jours… Dans ce bruit général, la Champagne subit.

Loin d’être isolés, nous peinons à inventer notre siècle. Si des pistes existent, de la bioéconomie à l’oenotourisme par exemple, elles ne retentissent que trop faiblement aux oreilles des champenois, malgré les efforts des collectivités et des investisseurs. Hélas, nous retiendrons davantage de cette année la provocation russe sur les vins effervescents que les 20 000 emplois soutenus chaque année dans le monde par l’URCA, dont plus de la moitié en France ! Soyons confiants devant nos potentiels d’avenir, avec pragmatisme, sans excès tout de même, tant la poésie nous rappelle combien « rendre la lumière suppose d’ombre une morne moitié » (Paul Valéry).

« Nous avons de réelles prédispositions pour développer chez nous le secteur quaternaire »

Si nos bassins de vie regorgent d’initiatives et de créativité, nous connaissons aussi le vecteur atténuant de nos rayons : cette tendance au fonctionnement en silos, avec trop souvent de gaspillage d’énergies. Notre histoire économique locale nous montre pourtant à quel point nous sommes à l’aise et agiles avec les schémas coopératifs ! Toutes nos marges de progrès ont un point commun : le besoin d’innover. Plus exactement, si les idées innovantes existent, nous devons mieux les identifier pour éviter qu’elles stagnent en vapeurs d’esprit, et aider leurs auteurs à les formaliser, les expérimenter et les connecter aux autres bouillonnements.

Nous devons faciliter la fusion des intelligences, tant les assemblages de solutions et les grappes d’innovations peuvent mieux performer en phase de lancement, de constituer des brevets de haute valeur technologique ajoutée, des titres de propriété industrielle durables, voire extra-nationaux. Nous devons davantage investir dans la valorisation de notre recherche locale et étendre nos perspectives de transferts de savoir-faire. Nous devons ouvrir les portes de cette effervescence inventive à notre impressionnant tissu de TPE-PME, tant pour apporter que pour bénéficier de nouvelles dynamiques.

Nous pouvons aussi explorer de nouvelles pistes de réussite : nous avons de réelles prédispositions pour développer chez nous le secteur quaternaire, notre craie de Champagne peut dépolluer les eaux douces, nous sommes équipés pour créer de nouveaux matériaux biosourcés, des spécialistes voient notre position géographique comme idéale pour le proof of concept (POC), et nous pouvons inventer, à l’ère du data, des procédés moins énergivores pour le stockage des méga-données. Les années 2020 et 2021 nous auront apporté leur lot de pages blanches à remplir. Comme ailleurs, la France entame la rédaction de nouveaux chapitres. La Champagne y a toute sa place. Ensemble, choisissons d’avancer !