Au départ, c’est vers une carrière juridique que Thomas Talec se dirigeait. Mais les stages effectués en cabinet ne le convainquent pas du tout. Alors titulaire d’une Maîtrise en droit et d’un DESS « Droit de la concurrence et de la distribution », à partir de 2002, il opte finalement pour une nouvelle orientation. « Comme mon nom l’indique, je suis breton pur beurre. Étant natif de Pont-l’Abbé, j’ai passé presque toute ma jeunesse dans le Finistère, hormis quelques années, où, au gré des évolutions professionnelles de mes parents, j’ai déménagé en Auvergne notamment. Mon père étant… directeur d’hôpital, ma mère et ma sœur, infirmières, et plusieurs cousins dans le monde de la santé, beaucoup me voyaient suivre la filière médicale. »
Ainsi, pour avoir quelques certitudes quant à sa future profession, il passe des stages d’observation dans des hôpitaux et Ehpad avant de se lancer dans la préparation du très exigeant et sélectif concours de l’Ecole nationale de la Santé Publique à Rennes. « Durant huit mois, j’ai consacré toute mes journées à la maison à bûcher sur les écrits et oraux de ce concours qui ouvrait ensuite les portes à une dizaine de métiers. Dont ceux de directeur d’hôpital ou d’établissements médico-sociaux, médecin de santé publique, directeur de soins ou inspecteur des affaires sanitaires ».
Une fois muni du ticket d’entrée à la fonction de directeur d’hôpital, Thomas Talec suit un panel de cours théoriques sur les aspects techniques (ressources humaines, finances, les sujets logistiques) et des stages de découverte. « J’ai choisi une formation à l’hôpital de Landerneau ainsi que deux mois actifs dans des services comme ceux de la cuisine, où j’ai fait la plonge et la découpe, la blanchisserie, les urgences, la maternité et la gériatrie. J’ai pu ainsi me rendre compte de ce que représentait chacun de ces métiers dans un hôpital. »
Il s’envole ensuite trois mois pour le CHU de Montréal avant un retour de neuf mois à Landerneau pour gérer, cette fois, des dossiers. « Et là, parce que ma responsable de stage a eu un grave problème de santé, le chef d’établissement m’a demandé d’assumer son poste. Bien que stagiaire, je me suis alors retrouvé à occuper un rôle d’encadrement qu’on endosse généralement en sortie d’école. »
Au bout de ses deux ans et demi de formation, Thomas Talec, désormais diplômé, entame officiellement sa carrière de directeur d’hôpital. Après avoir démarré en 2005 en Auvergne en cumulant les postes de directeur des affaires médicales du CHU de Clermont-Ferrand et celui de directeur par intérim du Centre Hospitalier de Riom, le Breton œuvrera ensuite comme directeur des affaires financières de l’Assistance-Publique des Hôpitaux de Marseille, directeur du centre hospitalier Sud Essonne, de l’offre de soins de l’ARS de Champagne Ardenne et du Grand Est, du Centre de Lutte contre le Cancer d’Alsace et de directeur général adjoint du CHR de Metz-Thionville en 2017.
Arrivée dans les Ardennes en 2021
« J’ai ensuite candidaté pour devenir responsable du Groupement Hospitalier Nord Ardennes en février 2021, au pire de la crise Covid. Les équipes étaient très fatiguées car le vaccin ne protégeait pas encore alors que le matériel de protection et les médicaments étaient insuffisants. La situation était donc très tendue car sans précédent. Un seul établissement, celui de Manchester à Charleville-Mézières, était capable de prendre en charge les patients. On a dû déprogrammer la chirurgie et réduire d’autres activités pour mettre tous les moyens vers le secteur Covid. Cette période a laissé des traces fortes mais le personnel est allé au-delà de ses capacités ». Heureusement, par la suite, la situation s’améliore. Thomas Talec s’efforce alors d’insuffler une nouvelle dynamique à ce vaste ensemble en ouvrant plusieurs dossiers.
Défendre l’égalité entre les citoyens
« Notre stratégie, c’est de toujours mieux soigner les Ardennais sur place. Tout ce que l’on fait se résume dans cette phrase. Autour du principe de l’égalité entre les citoyens, nous nous sommes fixés l’objectif de permettre aux patients locaux de bénéficier des mêmes chances de se soigner qu’un patient se trouvant en région parisienne ou à Bayonne. Ce qui n’est pas le cas actuellement et il faut atteindre cet objectif mobilisateur. »
« Notre stratégie, c’est de toujours mieux soigner les Ardennais sur place. »
Depuis sa prise de poste, Thomas Talec n’a pas « hésité à oser » pour obtenir plus de moyens favorisant plusieurs projets. Comme la validation du schéma directeur hospitalier du CH Belair prévoyant sa reconstruction complète, le redémarrage en 2022 d’une activité coronographie, absente du territoire depuis 20 ans, et permettant la cardiologie opérationnelle de très haut niveau sept jours sur sept. Ainsi que le feu vert du Ministère de la Santé pour la réalisation d’un oncopole public-privé qui regroupera l’ensemble des activités liées à la cancérologie au sein d’un bâtiment à deux niveaux. Ce projet de 20 millions d’euros, pour lequel le permis de construire sera déposé début décembre, s’accompagnera de l’intégration d’un « TEP-scan », appareil indispensable pour le diagnostic et le dépistage précoce du cancer.
« En améliorant ainsi l’offre de proximité, ces deux actions vont diminuer les fuites de patients vers l’extérieur et permettre aux Ardennes de ne plus être un des départements les plus mal classés de France sur les indicateurs de cancérologie en gagnant en qualité de soins ».
Et aussi, la signature d’une convention recherche avec le CHU, l’obtention de trois postes hospitalo-universitaire des Ardennes et l’ouverture « après avoir travaillé d’arrache-pied durant deux ans sur ce sujet » d’une école de manipulateurs en radiologie adossée au lycée Sévigné de Charleville-Mézières qui a ouvert ses portes à 20 étudiants à la rentrée 2024 pour un cursus de trois ans et la création récente d’une activité ophtalmologique à Sedan. Enfin, une unité de soins palliatifs de dix lits verra le jour à Sedan lors du premier semestre 2025 avec le recrutement de médecins et soignants.
« Toutes ces réalisations structurelles qui vont être durables permettent de combattre l’inégalité existante face aux soins ». De quoi rendre Thomas Talec et l’équipe qui l’entoure confiants pour l’avenir. Rappelons que le Bigouden a en charge le centre hospitalier intercommunal Nord Ardennes qui comprend quatre sites à Sedan, Fumay, Nouzonville et Charleville-Mézières, lequel regroupe entre autres le siège social, un gros service d’urgences (55 000 passages), la seule maternité des Ardennes, la néonatalogie plus la pneumologie, la cardiologie, la réanimation, un important bloc opératoire, etc.). Avec près de 1 500 lits, 270 millions d’euros de budget et plus de 3 200 professionnels, le centre hospitalier de Charleville-Mézières se place parmi les 60 centres hospitaliers français les plus importants.
Thomas Talec dirige aussi Belair, le seul établissement public de santé mentale ardennais (800 agents, 400 lits, environ 60 millions d’euros de budget) qui compte un directeur délégué, l’EHPAD de Rocroi, le Groupement de Coopération sanitaire du territoire Ardennes Nord, (structure qui maintient une offre privée relocalisée en chirurgie à Manchester après l’arrêt des cliniques de Villers-Semeuse et Revin), et enfin le GCS logistique interhospitalier, chargé de la blanchisserie et de la restauration. Soit un mastodonte de 4 400 agents disposant d’un budget de 370 millions d’euros.