Ses clients lui disent qu’il ne ressemble pas à un opticien (mais à quoi un opticien ressemble-t-il ?) et qu’ils n’ont pas l’impression de se trouver dans un magasin d’optique. Il est vrai que dans l’appartement qu’il a aménagé, au n°17 de la rue Voltaire à Reims, Thomas Colson les reçoit comme s’il s’agissait d’amis venus lui rendre visite, café, thé, petits biscuits secs et ambiance ‘‘cosy’’ à l’appui. Prendre son temps est la meilleure façon d’y voir clair à l’heure de s’équiper d’une paire de lunettes. C’est le premier étage de la fusée Lunère, le concept d’une nouvelle vision de l’optique - et, en tout cas, la sienne ! - que Thomas Colson a patiemment mûri. Un premier étage qui vise l’innovation dans la prise en charge du client.
Parce que ce qu’il a connu aux prémices de sa pratique professionnelle ne correspondait pas à ce qu’il imaginait de… son propre rôle : « Une politique de volume n’est pas conforme à la satisfaction attendue du client et à la qualité que j’estime lui devoir. C’est subjectif, bien sûr, mais c’est ainsi que le vois les choses. » Une étude de marché lui a confirmé ‘‘l’angoisse’’ qu’il peut y avoir à changer de lunettes, alors qu’à ses yeux cela devrait être un plaisir. « Bien entendu, les lunettes sont un ‘‘dispositif médical’’, et l’opticien suit la prescription de l’ophtalmologiste en ce qui concerne le degré de correction des verres. Mais les montures, elles, représentent l’identité, la signature, la carte de visite de celui qui les porte, et c’est là que j’exprime ma différence. »
Rêveur audacieux
Thomas Colson avoue qu’il n’avait pas forcément une vocation d’opticien ! Il envisageait plutôt la kinésithérapie. Commence donc médecine, puis se réoriente vers une formation d’opticien lunetier en cohérence avec son choix initial d’une voie paramédicale. « J’ai vite compris que j’allais m’y ‘‘éclater’’. » Dès le début de ses études, il décroche un contrat en formation continue. « J’ai tout de suite allié la théorie et la pratique. J’ai découvert le contact avec la clientèle, apprécié le sentiment altruiste de répondre à un besoin. » À 23 ans, il est responsable d’un ‘‘corner optique’’ en officine, à Reims, et apprend seul et sur le tas, la gestion et le management.
« On pourrait croire à un concept qui vient d’ailleurs, une idée de doux rêveur. Rêveur, pourquoi pas ? Mais alors, audacieux. Et avec les pieds sur terre ! »
Puis il devient directeur de magasin pour une chaîne dans un centre commercial. Nouvelle expérience, avec une mission clairement orientée chiffre d’affaires, durant 3 ans, avant de rejoindre Montpellier et de prendre la responsabilité commerciale d’une dizaine de magasins pour une chaîne d’optique leader. Mais déjà, dans un coin de sa tête, grandissait le projet Lunère. Lunère, comme contraction de ‘‘lunettes’’ et ‘‘nouvelle ère’’. « Ca sonne comme ‘‘lunaire’’, et l’on pourrait croire à un concept qui vient d’ailleurs, une idée de doux rêveur. Rêveur, pourquoi pas ? Mais alors, audacieux. Et avec les pieds sur terre ! »
Montures en ardoise !
Opticien lunetier, Thomas Colson vend donc des verres et des montures. Jusque-là, rien de très original. Sauf que les verres viennent de Château-Thierry, à 60 km de Reims, et pas d’Asie. « Ils sont fabriqués par Novacel, le troisième verrier français, partenaire d’Essilor. » Quant aux montures, les marques qu’il distribue sont françaises à 98 % - et allemandes pour 2 %. À ce titre, il estime être l’opticien au plus faible impact carbone - et il se promet de le vérifier. Mais la véritable audace dont fait preuve Thomas Colson réside dans la matière même des montures qu’il expose (et dont il a, pour certaines, l’exclusivité pour le quart nord-est de la France), qui ne laisse pas de surprendre : cuir de vache, ardoise, schiste, galuchat (cuir de poisson cartilagineux, en l’occurrence de la raie), bois massif (chêne morta, en cours de fossilisation, provenant de tourbières et âgé de 4 000 ans)… L’un de ses fournisseurs - Thomas parle de partenaires -, qui lui propose des montures en cuir ou en acier chirurgical, se nomme Lucas de Staël, designer parmi les plus talentueux de sa génération, et petit-fils du peintre Nicolas de Staël.
« À l’image de Lucas de Staël, mes partenaires font… ce que les autres ne font pas. Avec ce type de montures, on est véritablement dans la création, pour une clientèle qui recherche ce qui s’apparente à des œuvres d’art. » On trouvera, chez Thomas Colson, des montures originales, françaises, à partir de 150 €. Les montures plus ‘‘audacieuses’’, plus personnelles et plus nobles sont évidemment… plus chères, avec un positionnement haut de gamme clairement revendiqué. Mais n’oublions pas que dans le cadre du dispositif 100 % Santé, tout opticien est légalement tenu d’avoir des montures à 30 €, et Thomas Colson est en mesure de répondre à cette demande, même si ce n’est pas particulièrement celle de sa clientèle.
Le temps de la réflexion
Dans l’appartement/magasin de la rue Voltaire, partie intégrante du projet de Thomas Colson, le concept Lunère est donc à l’œuvre. Si l’on évoquait plus haut le ‘‘premier étage de la fusée’’, c’est bien parce que d’autres sont prévus, et que Lunère est appelé à évoluer. D’abord avec une réflexion qui portera sur l’aspect commercial, pour répondre, là encore, aux idées de son promoteur dans l’approche exigeante qu’il a de son métier. Ce ‘‘deuxième étage’’ est prévu pour le premier semestre 2023. Le ‘‘troisième étage’’, envisagé d’ici 5 ans, consistera à savoir si le service construit autour de Lunère peut être transposé et implanté au-delà de Reims. Sur ces étages-là, Thomas Colson reste discret. Cet audacieux aux pieds sur terre a bien compris que prendre son temps est la meilleure façon d’y voir clair.