
Du plus loin qu’il se souvienne, Thierry Bussy a toujours voulu être éleveur. Quant à en connaitre la raison fondamentale, c’est simple, il n’en aucune idée ! « Mes parents n’étaient pas agriculteurs mais, enfant, je passais mes vacances dans la ferme de mes grands-parents paternels, à Passavant-en-Argonne. » Naissance inconsciente d’une vocation ? Peu importe : éleveur il voulait être, éleveur il est devenu. Encore qu’une carrière de basketteur professionnel aurait pu s’offrir à lui. En effet, du haut de son mètre quatre-vingt-onze, il taquinait les paniers sur le plancher de la Gauloise de Vitry, à Vitry-le-François. Avec un certain bonheur puisqu’il sera appelé dans les pré-sélections de l’équipe de France junior et disputera même quelques matches amicaux sous les couleurs tricolores. Ce qui lui vaudra évidemment d’être repéré par les pros du Reims Champagne Basket dont il rejoindra les rangs avec un statut ‘d’espoir’ pour la saison 82-83, avant de se diriger vers l’ESPE Châlons. Las, un grave accident de voiture le privera de ballon pendant plus de deux ans. Il retrouvera pourtant le basket à La Gauloise, avec laquelle il franchira quatre divisions en quatre ans, jusqu’en Nationale 1 - c’est-à-dire aux portes de l’échelon professionnel. « J’ai arrêté le basket à 30 ans, au soir d’une finale de coupe de France amateurs perdue contre Angers. » Il faut dire, aussi, que concilier le basket à un bon niveau et l’élevage de vaches laitières devenait franchement compliqué.
Une question d’organisation
Aujourd’hui, Thierry Bussy est à la tête de deux exploitations. Sur l’une, il pratique la polyculture (blé, orge d’hiver et de printemps, pois, luzerne, tournesols…), sur l’autre, il surveille un cheptel de 65 mères allaitantes de race limousine. De quoi remplir sans difficulté les journées. Aussi l’observateur non averti se demande-t-il comment fait Thierry Bussy pour mener de front les travaux agricoles… et les différents mandats dont il a la charge. Car il est aussi : maire de Maffrécourt (commune d’une soixantaine d’âmes entre Valmy et Sainte-Ménehould), vice-président de la Communauté de communes de l’Argonne Champenoise, conseiller départemental de la Marne (canton Argonne, Suippe et Vesle), président de la Safer Grand Est… Lui répond que c’est surtout une question d’organisation. Thierry Bussy sait déléguer et s’entoure pour cela d’équipes sur lesquelles il peut compter, en toute confiance.
Sollicité…
Pour autant, Thierry Bussy n’a jamais rien sollicité. En revanche, il a toujours été sollicité. Pour remplacer le maire sortant de Maffrécourt, « alors même que j’ignorais tout de la fonction » ; pour intégrer la Communauté de communes ; pour mettre un pied dans le syndicalisme agricole via la FDSEA (ce qui le conduira à la Safer*) ; ou encore pour devenir conseiller départemental à l’heure du redécoupage des cantons. Le cheminement n’est sans doute pas complètement le fruit du hasard - auquel l’intéressé ne se réfère guère -, « plutôt de rencontres ».
Il convient de préciser que Thierry Bussy a une réputation d’homme de caractère, passionné par ce qu’il entreprend, apprécié pour son engagement et la vision humaniste qu’il lui donne. « J’aime bien avancer et, pour avancer, il faut savoir trancher, défendre des positions, généralement collectives, et s’y tenir. Et quand on est un élu local de proximité, on est là pour défendre la proximité. » Ce qui lui paraît le sens même de ses mandats. Alors, Thierry Bussy serait-il l’homme providentiel ? Il s’en défend énergiquement, ayant toujours eu la liberté de refuser - ce qu’il n’a d’ailleurs pas hésité à faire en certaines circonstances. Il y voit surtout une façon de « défendre l’intérêt général » qui répond à ses valeurs, et de « rendre ce qu’il vit », puisqu’il aurait « été malade de ne pas devenir agriculteur ».
Fidèle à ses convictions
Au début des années 2010, il s’occupe du secteur foncier à la FDSEA lorsqu’on le… sollicite pour prendre la présidence du Comité technique marnais de la Safer (alors Champagne-Ardenne), lieu où s’effectue le ‘travail de terrain’. « Là encore, je ne savais pas vraiment de quoi il s’agissait. Mais j’ai… un peu appris depuis une quinzaine d’années ! » Il faut croire d’ailleurs que l’apprentissage fut rapide puisque, moins d’un an plus tard, il devient président de la Safer Champagne-Ardenne avant de présider la Safer Grand Est en 2021 et d’être reconduit à cette fonction le 5 juin dernier. Sa ligne de conduite à la tête de l’opérateur foncier a toujours été nettement définie : « Le renouvellement des générations, la possibilité d’orienter le foncier et d’attribuer des terres à ceux qui n’y accèderaient pas, c’est pour cela que je me suis engagé à la Safer. » Ce renouvellement des générations agricoles est à ses yeux une priorité absolue. Or, « il n’est aujourd’hui que d’une installation pour trois départs. Il faudrait que l’on arrive progressivement à deux installations pour trois départs ». Des installations qui peuvent être soutenues, même hors cadre familial, grâce notamment aux nouveaux outils de portage foncier mis à la disposition des Safer**. « Nous devons être proactifs pour défendre et conserver notre modèle agricole qui, quoi qu’on en dise, produit la meilleure alimentation au monde. Nous devons continuer à faire de la qualité, plutôt que d’importer du standard industrialisé et de mauvaise qualité. »
Des idées que Thierry Bussy pourrait (on notera ici l’emploi essentiel du conditionnel !) porter au plus haut niveau. En effet, suite à la récente éviction d’Emmanuel Hyest de la présidence de la Fédération nationale des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer), l’élection d’un nouveau président de l’instance devrait intervenir dans les prochains jours. Thierry Bussy, toujours discret sur ses ambitions, reste néanmoins clair sur l’essentiel : défendre l’agriculture française, le renouvellement des générations, la préservation et la vitalité des territoires. Si la question de sa candidature se pose, il assure qu’il restera fidèle à ses engagements et ses convictions pour l’intérêt général.
À suivre, donc…
* La Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (Safer) a été créée en 1960. Si ses missions ont été élargies depuis sa création, elles se structurent autour de 4 objectifs principaux : dynamiser l’agriculture et la forêt (notamment en favorisant l’installation de jeunes agriculteurs et la transmission d’exploitations) ; accompagner le développement local ; participer à la protection de l’environnement ; assurer la transparence du marché foncier. La Safer contribue à un aménagement durable de l’espace rural et apporte son expertise aux collectivités territoriales dans leurs projets fonciers.
** Notamment grâce au dispositif national d’intérêt général ELAN, outil de portage de long terme du foncier des exploitations au service du renouvellement des générations en agriculture et des transitions ; ainsi qu’à un dispositif de même nature, mais de court terme, cette fois, propre à la Région Grand Est.