Sophie Barbier
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Sophie Barbier

Zip & Clip et housse de couette

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Photo de Sophie Barbier
Sophie Barbier porte un regard lucide sur la création d’entreprise : "C’est une idée complexe à réaliser". (Crédits : JR)

« Comme on fait son lit, on se couche. » Pour surprenant qu’il soit de commencer un portrait par un proverbe, celui-là semble le fil rouge idéal pour évoquer le parcours de Sophie Barbier. En effet, dans son acception la plus littérale, il laisse entendre que l’on risque de passer une mauvaise nuit dans un lit que l’on n’aurait pas soigneusement préparé avant de se coucher. À condition, évidemment, d’être physiquement en mesure de ‘‘faire son lit’’, toute personne éprouvant ou ayant éprouvé cette difficulté comprenant aisément ce qu’il en coûte. Or, justement, au regard de ce cas de figure – et d’une épaule immobilisée à la suite d’une chute de cheval ! – Sophie Barbier a conçu un dispositif d’une grande simplicité pour changer une housse de couette : une fermeture éclair ouvre trois côtés de ladite housse dans laquelle on dépose la couette, maintenue aux coins par des pinces, avant de refermer le tout. Bonne idée, bien sûr… qu’il suffisait d’avoir ! Baptisé Zip & Clip et dûment breveté, le procédé a obtenu une médaille de bronze au Concours Lépine de la Foire de Paris 2024. Mais, pour en revenir à notre proverbe, son sens figuratif signifie qu’il faut assumer les conséquences de ses actes. Le parcours de Sophie Barbier témoigne également de cette métaphore. 3

Problème, solution

Native de Reims, Sophie Barbier a grandi à Orainville, dans l’Aisne. Après le lycée, attirée par les métiers du spectacle, elle n’ose franchir le pas et enchaîne des petits boulots avant de devenir technicienne de fabrication chez Boehringer Ingelheim et de découvrir la filière qualité/sécurité/environnement, à laquelle elle se forme. Mais, comme elle s’ennuie lorsqu’elle a fait le tour d’un sujet, elle se dirige vers le diagnostic immobilier, alors en plein essor. Jusqu’à ce que quelques vicissitudes personnelles l’amènent à changer de nouveau d’orientation. Direction Paris, le spectacle vivant – enfin ! – comme chargée de diffusion et de production. Puis retour à Reims et dans le diagnostic immobilier, version industrielle cette fois.

« La difficulté, c’est de se faire connaître. Et la conjoncture politico-économique actuelle ne facilite pas les choses… »

Jusqu’à l’épidémie de la Covid-19 et son confinement. « Ce fut pour moi l’occasion d’une nouvelle remise en question. J’avais envie d’entreprendre, pour commercialiser un produit susceptible de résoudre un problème du quotidien en facilitant la vie de ses utilisateurs. » Installée à Aubérive, un accident d’équitation – et une épaule momentanément inutilisable – va l’amener à… toucher du doigt le problème (faire son lit) et à imaginer sa solution (Zip & Clip). Restait à matérialiser le tout.

Une idée complexe à réaliser

Rien ne prédisposait Sophie Barbier à créer une entreprise. « Je ne m’arrête pas à la difficulté et je suis mes envies. Vous connaissez la formule ‘‘ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait’’ ; cela a été mon cas, et aujourd’hui encore j’avance au fur et à mesure. » Elle regarde ce qui se fait sur le marché dans le domaine des housses de couette ; s’aperçoit qu’il existe déjà quelques produits de la même veine que le sien, mais très peu connus ; se convainc qu’il y a une place à prendre lorsqu’elle parle de son projet et enregistre des retours enthousiastes. « Je me suis auto-formée au monde du textile pour en comprendre l’écosystème. » Trouve les bons fournisseurs en tissu et mercerie, et les bons ateliers de confection pour réaliser le produit. Fonde sa société, Elle et Fils (fils, comme le pluriel de fil), pour commercialiser Zip & Clip sous la marque Houz’Bed. Cible les particuliers (« notamment les personnes de plus de 50 ans ou en situation de handicap ») via son site Internet, www.houzbed.fr, procède à des campagnes d’e-mailings vers les secteurs hôtelier et touristique, participe à de nombreux salons. Cherche des distributeurs et des revendeurs. Porte aussi un regard lucide sur la création d’entreprise : « C’est une idée complexe à réaliser. Malgré les réseaux, malgré un prêt d’honneur obtenu auprès d’Initiative Marne Pays Rémois, on est seul pour faire face aux problèmes rencontrés, et les résoudre… »

L’hôtellerie en ligne de mire

La marque Houz’Bed va petit à petit faire son chemin, et Sophie Barbier continue de chercher des partenaires financiers. « La difficulté, c’est de se faire connaître. Et la conjoncture politico-économique actuelle ne facilite pas les choses… » Elle et Fils étant encore une start-up (comprendre qu’elle n’a pas atteint son seuil de rentabilité), sa fondatrice s’appuie sur une autre structure, Trooba’tour, spécialisée dans la conciergerie autour des spectacles vivants, pour faire bouillir la marmite du quotidien. Le prix reçu au Concours Lépine, l’an dernier, dans la catégorie ‘‘Santé et inclusivité’’ « qui correspond à mes valeurs et à celles de mon entreprise, en permettant notamment aux personnes en difficulté de conserver ou de gagner de l’autonomie », ce prix, donc, lui a valu une certaine notoriété et l’intérêt des médias (télé, radio, presse écrite généraliste et spécialisée), tant régionaux que nationaux. Des coups de projecteurs suivis d’effets : « À chaque fois, j’ai constaté une augmentation des ventes. » Pour l’heure, Sophie Barbier prospecte des fabricants à même de réaliser des housses de couette à des coûts moins élevés – « la fabrication française est trop compliquée et revient trop cher ». Elle imagine aussi des produits complémentaires, comme les draps housse et les taies d’oreillers, afin de proposer des parures complètes, en faisant des professionnels de l’hôtellerie son principal objectif de développement.