

Son franc-parler est celui des commerçants. Un mot est un mot. Pas besoin de fioritures, Sébastien Bocahu est direct, franc, carré. Il faut dire que ce fils de traiteur a lui-même démarré dès le plus jeune âge dans le monde de la restauration où l’on appelle son supérieur « chef » et où une erreur peut coûter une réputation. L’exigence a ainsi toujours été son moteur. Après le lycée hôtelier de Soissons et un apprentissage à Laon, c’est toujours dans l’Aisne qu’il fait ses premières « armes », au Parc de l’Ailette, qui deviendra plus tard le Center Parcs. À la soirée de fin de saison, on lui propose de monter son restaurant.
Comme il n’est pas homme à perdre son temps, aussitôt dit, aussitôt fait. Le 1er avril 2000, naît le restaurant de la mairie, à Berry-au-Bac. L’établissement, bien placé, accueille les touristes aussi bien que les commerciaux et les habitants alentours. « Nous avons cartonné », se remémore Sébastien Bocahu. « À l’époque, nous faisions le menu du jour à 56 francs, vin compris ! Soit 8 ou 9 euros… Ça marchait très bien, le chiffre d’affaires atteignait le million ! Mais comme on dit toujours, il faut vendre quand ça va bien. Et comme je m’étais toujours dit qu’à 40 ans je ferai autre chose, nous avons cédé le restaurant, ma femme et moi, en février 2011. » Entre-temps, le restaurateur a acquis un motel en face du restaurant, « qui tourne également pas mal ». Lui, reste dans le giron familial quelque temps, jusqu’au covid…
Un Nouvel Univers
Mais retour en 2011. À la recherche d’un nouveau projet, Sébastien Bocahu se voit proposer une association par un ami d’enfance pour ouvrir un cabaret… « Cela faisait plusieurs années qu’il me parlait de ce projet et puis à ce moment-là, j’étais prêt pour un nouveau défit. » L’association se fait avec l’acquisition de la majorité des parts. Démarre alors un projet fou, dans une zone industrielle encore en chantier, avec quatre murs en tôle et beaucoup, beaucoup de travaux pour faire de l’ancien magasin de meubles, l’espace de fête qu’il est voué à devenir. Le 1er octobre ouvre ainsi le Kabaret, avec un K. « Nous avons tout créé, de A à Z. C’était un véritable pari, monter un cabaret à Reims, dans une ville de province, avec une troupe, des spectacles, des soirées… » Mais le concept plaît. De restaurateur et hôtelier, Sébastien Bocahu devient directeur de salle de spectacles, côtoyant les comédiens, les musiciens, les magiciens… Son secret ? « Savoir s’entourer de gens compétents. » Ainsi, la chorégraphe et la costumière sont là depuis les débuts, fidèles au poste, accordant à la troupe de 12 artistes la plus grande des attentions. Le Directeur artistique arrive, lui, peu de temps après, l’associé qui occupait ce poste s’étant retiré de l’affaire après deux ans.
« Nous avons tout créer de A à Z. C’était un véritable pari, monter un cabaret à Reims, dans une ville de province, avec une troupe, des spectacles, des soirées… »
Chaque année, environ 75 000 € de travaux sont entrepris afin de moderniser et entretenir l’établissement. Ainsi, en quelques chiffres, le K c’est 550 places en formule repas dansant, 750 places assises en formule repas music-hall, 1 200 places assises en format théâtre et 1 450 places debout en concert. Des chiffres conséquents qui demandent une organisation « au cordeau ». « Notre métier, c’est prévoir et s’organiser. C’est pourquoi pour les repas, nous devons plaire au plus grand nombre tout en étant dans la qualité et le festif. » Saint-Jacques, foie gras, volaille fermière et dessert au chocolat sont donc des incontournables. Si sur scène, la place est au french cancan, en salle, les serveurs s’adonnent, eux, au ballet. « Imaginez : servir chaud 750 couverts, débarrasser, revenir sans temps mort… Il faut savoir ce que l’on fait. »
L’occasion pour Sébastien Bocahu de parler de la crise des recrutements dans le secteur de la restauration. « La clé est de respecter ses employés. Leur donner envie de venir travailler et de bien les payer. » Pour celui qui travaille depuis l’âge de 16 ans, aucun tabou. « On ne peut pas demander à quelqu’un de venir faire le service, de suivre un rythme d’enfer pendant le coup de feu, d’avoir un planning à trous et le payer au smic. Ce n’est pas possible. » Une problématique encore plus d’actualité depuis le covid où les salariés de la restauration souhaitent conjuguer vie professionnelle et familiale. Le covid justement, une période que Sébastien Bocahu aimerait bien oublier… Car en 2020, il est non seulement à la tête du K, mais également de la location des Salons Degermann, de la crêperie Super crêpes qui se situe Place d’Erlon à Reims ainsi de l’hôtel des Nations de Berry-au-Bac qui compte à ce moment-là, 19 chambres.
« Nous avons été à l’arrêt sur toutes nos activités. Nous n’avions aucune visibilité et il a fallu prendre des décisions. La première a été de fermer l’hôtel, mais sans le vendre. Nous l’avons transformé en quatre appartements de 100 m2. En y investissant donc plus de 250 000 euros ! Ensuite, nous avons eu recours au PGE, qui au K, nous a vraiment sauvés car nous avons choisi de continuer à payer tout le monde à 100 %. » Et alors que nombre d’établissements de nuit fermaient définitivement leurs portes, il a fallu retrouver la clientèle et les spectateurs.
Retour En Haut De L’affiche
Pour cela, Sébastien Bocahu décide de créer un événement en invitant « une guest » dans la revue. Et pas n’importe laquelle… puisque c’est Clara Morgane qui répond présente, emballée par le projet. « Alors qu’elle ne devait intervenir que ponctuellement, sa présence sur une vingtaine de dates du show a duré deux ans ! Ça nous a permis de redémarrer tambour battant. » Mais la belle a d’autres engagements et la troupe doit renouveler aussi son spectacle. « Depuis l’année dernière, nous avons monté Femmes Mythik, un hommage aux femmes avec de nombreux tableaux qui est vraiment top qualité », affirme celui qui est toujours d’une grande fierté lorsqu’il parle de ses équipes et du travail qu’elles accomplissent, n’hésitant pas à montrer vidéos et commentaires des spectateurs.
Au-delà de la qualité des propositions présentées, le quinquagénaire a à coeur que les spectateurs soient heureux, aient le sourire et repartent galvanisés d’une soirée au K. Et c’est empreint de la légendaire superstition des artistes qu’il a imaginé le déménagement du Kabaret d’ici la fin de l’année : « J’ai pour habitude de dire que tout va augmenter : le nombre de places, la surface, le nombre d’artistes qui va venir… sauf les prix ! Pour le reste, rien ne change. On garde tout : les tables, les chaises, la vaisselle, même les palmiers ! » De 2 000 m2, le nouvel espace va atteindre les 3 400 m2 afin d’accueillir une salle dédiée au restaurant et au music-hall de 800 places, un espace VIP ainsi qu’une autre salle entièrement dédiée au spectacle de 1 500 places faisant du K, le plus grand cabaret de France ! Ce début d’année 2025, où l’établissement a franchi la barre des 1,5 million de spectateurs a donc démarré sous les meilleurs auspices.
Et c’est accompagné de toute sa famille (son père, sa femme et sa fille travaillent à ses côtés… et son fils n’attend plus que la même chose) que Sébastien Bocahu compte poursuivre sur sa lancée, pour encore faire briller les paillettes, aussi bien sur scène que dans les yeux de celles et ceux qui franchissent les portes du K…