Pierre-Marie Boccard
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Pierre-Marie Boccard

Sa vie en chœur.

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Pierre-Marie Boccard, délégué général, lance la 37e édition des Nuits de Champagne. (Crédit : MBP)

« Enfant, je pouvais écouter une chanson 18 fois par jour si elle me touchait, c’est incroyable. Mes parents m’enfermaient dans le salon et je me repassais cette chanson toute la journée ». Né à Bourguignon, dans l’Aube, Pierre-Marie Boccard aime chanter et a construit sa vie autour de la chorale. Le festival des Nuits de Champagne, qu’il créé en 1988, fête son 37e anniversaire du 20 au 26 octobre prochain à Troyes. Passionné, admirateur de Charles Aznavour, « un monsieur simple qui arrive à installer la chanson francophone au niveau de la planète. Les plus grands sont les plus simples », Pierre-Marie Boccard est intarissable sur le sujet et ses yeux pétillent quand il évoque les grands moments qui ont marqué sa vie.

Quand il s’inscrit à la chorale de Bar-sur-Seine, la Barsanel, dans les années 70, le jeune homme prend son premier choc polyphonique. Plus tard, il découvre les Choralies de Vaison-la-Romaine. « Tous les soirs, les 6 000 choristes se retrouvent dans le théâtre antique, là, c’est le choc du grand nombre. Je fais la connaissance d’un duo québécois et je deviens leur interlocuteur français en matière de logistique pour organiser un atelier auquel s’inscrivent 600 choristes sur 6 000 tous les trois ans. Démontrant ainsi que le répertoire de la chanson était une attente très forte du monde choral ».

Il est alors invité pendant une semaine. C’est parti. Plus personne n’arrêtera Pierre-Marie dans sa quête de chœur. À cette époque, la chanson était le vecteur d’identité culturelle numéro un. « Gilles Vigneault, Félix Leclerc, Robert Charlebois… Je découvre l’efficacité de l’harmonisation québécoise sur la chanson francophone. Je découvre aussi la proximité entre les artistes et ces gens qui chantent. Le peuple québécois fait 10 % de la population française, mais il vit sur un territoire qui est six fois plus grand. Il y a un besoin de vivre ensemble incroyable ». Lors de la semaine chantante au Québec, il voit Gilles Vigneault qui vient saluer les choristes qui apprennent ses chansons. « Il n’y a pas de concert, rien, il passe juste comme cela, pour les rencontrer ». C’est le déclic. Il revient en France avec l’idée de développer le répertoire de la chanson chorale, dans le cadre de cette pratique en amateur. « Il y a 4,5 millions de Français qui chantent dans une chorale, il faut absolument le faire en collaboration, en rencontre, en échange avec les artistes professionnels, auteurs, compositeurs ».

De Québec à Argence

De retour de Québec, en 1982, Pierre-Marie Boccard organise à Troyes le concert de Serge Lama avec 1 000 choristes, retransmis en direct sur RTL. Il rencontre alors le manager du chanteur, Eddy Marouani, qui lui dit : « Vous savez, ce que vous proposez à Serge, c’est quelque chose d’extraordinaire. C’est une peinture de ses chansons en fait ». « Imaginez comment je sors du rendez-vous ! »

Puis, Robert Galley, alors maire de Troyes, lui demande de rejoindre le service culturel de la ville et il crée la direction de la communication tout en participant à la vie culturelle. Nous avons animé une communication culturelle basée sur la vie ensemble des Troyens. Il développe le slogan « Troyes avance en créant ». « Le futur d’une ville, ça s’invente, et ce sont les gens de la ville qui l’inventent. Tout au long de mon parcours, il y a passion et ensemble ».

« Tout au long de mon parcours, il y a passion et ensemble. »

« C’est incroyable, quand j’entends une chanson qui me touche, je peux ressentir la même émotion qu’à 7 ou 10 ans. Moi, l’enfance, elle est toujours là ! ». Puis se succèdent les années avec Fabienne Thibeault, Michel Fugain, Hervé Cristiani entre 1983 et 1988, passant au constat inquiétant de la baisse de fréquentation des choristes de 900 à 250. Un chef de chœur suisse interpelle Pierre-Marie Boccard et lui fait passer le message qu’un choriste s’investit pour être l’interprète principal du concert et non l’accessoire de l’artiste.

Il teste le concept au théâtre de Champagne avec Pierre Delanoë qui finit les larmes aux yeux disant « Il n’y a pas de plus grande émotion pour un auteur compositeur que d’entendre ses pairs lui restituer son œuvre ». Le Festival des Nuits de Champagne prend forme, soutenu par la Ville de Troyes, le Département et la Région. Le Grand Choral prend place à l’espace Argence et l’association chorale Chanson contemporaine y fait chanter un chœur qui interprète le répertoire d’auteurs-compositeurs. « Il a fallu 15 ans pour gagner la reconnaissance du métier avec un gros travail d’écriture, d’harmonisation. On part de la chanson pour la transcender avec les quatre voix, mettre en place un laboratoire de chefs de chœur et donner des outils aux choristes en amont ». Maintenant, ils sont 900 choristes sur scène.

Bernard Lavilliers, une rencontre fusionnelle

Le plus beau souvenir de ses 37 ans de Nuits de Champagne le ramène en 2000. Il pressent Alain Souchon ou Francis Cabrel pour l’affiche des Nuits de Champagne. « Leurs managers m’ont tous les deux répondu favorablement. J’ai eu deux nuits d’insomnie pour savoir comment j’allais faire pour les départager ». Finalement, ce sera un duo inédit, Souchon et Cabrel décident de se partager l’affiche des Nuits de Champagne. « Un sacré signal pour la profession ! ». Un an avant, il a vécu son plus grand stress avec Julien Clerc qui lui dit qu’il ne pourra finalement pas rester pour le Grand Choral. « Il a fallu 48 h pour le convaincre de rester avec sa manager, car il avait un a priori sur la Chorale. La rencontre organisée avec les choristes l’a fait craquer, séquence émotion ! Il m’a confié qu’il ne regrettait pas d’être là et qu’il allait vivre un grand moment ».

À 70 ans, Pierre-Marie Boccard fait ses dernières Nuits de Champagne en « solo ». Il aurait aimé programmer Michel Polnareff pour la dimension intemporelle de son répertoire ou Jean-Jacques Goldman. Cette 37e édition remet à l’honneur Bernard Lavilliers qui se produira accompagné par l’orchestre symphonique de l’Aube. Un artiste convaincu depuis sa venue en 2008. « La rencontre est fusionnelle. Depuis on ne se quitte plus ». Même pendant la covid, 50 chœurs ont fait le Grand Choral buissonnier et repris « Les mains d’or » sur les réseaux sociaux, qui totalisent aujourd’hui 3,5 millions de vues.

L’année prochaine, Pierre-Marie Boccard sera en binôme avec son successeur pour un passage de relais en douceur. « C’est un cap. J’ai eu la chance de partager avec tellement de responsables, qu’ils soient politiques, économiques, culturels, artistiques… C’est l’énergie de la confiance. Quand on est passionné et qu’on chemine ensemble, franchement, c’est l’énergie de la confiance qui fait le reste. Et, c’est une énergie fantastique ».

Festival des Nuits de Champagne du 20 au 26 octobre. « Bal tropical » Bernard Lavilliers – Tiken Jah Fakoly et Bonbon Vodou et de nombreux artistes en concert à Troyes.

https://nuitsdechampagne.com/programmation/