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
« J’ai le collectif dans mon ADN. » Voilà plus de vingt-cinq ans que Peggy Donck évolue dans la production et la direction de projets d’arts du cirque. Une vie professionnelle à l’opposé de celle à laquelle elle était destinée, après un DESS en Droit des entreprises. Après sa formation, elle s’aperçoit qu’une carrière d’avocate ne lui conviendrait pas et s’engage alors dans un Tour du monde d’une année. En revenant, elle travaille à la Fédération internationale des Droits de l’Homme au bureau Afrique, mais alors qu’on lui propose un poste en Mauritanie, elle tombe enceinte de son premier enfant. Son conjoint sort du CNACet elle s’engage alors dans le monde du cirque à travers la fondation d’une compagnie de cirque contemporain, le collectif AOC. La compagnie, composée de 11 acrobates, est conventionnée dès 2003 avec l’acquisition d’un chapiteau. Elle produit trois spectacles par an et programme 80 dates en France et à l’étranger. « En 2000, le ministère de la Culture la proclame « Année des Arts du cirque ». Je suis donc arrivée à un moment formidable où le cirque était reconnu, bénéficiait de moyens et où tout était possible… »
Émergence Du Cirque Contemporain
Le cirque contemporain, à ce moment-là, est « à 80% français » et Peggy Donck contribue à l’internationaliser en devenant, en 2005, Secrétaire générale de l’Association Hors les murs (devenue ARTCENA) dont la mission est d’accompagner les artistes et les professionnels pour mener à bien leurs projets en France et à l’international afin de construire « l’avenir des arts du cirque, de la rue et du théâtre et pour promouvoir la création contemporaine auprès du public ». Puis Directrice de production de « Rouge », une structure associative d’accompagnement de projets culturels, de formation, d’audits et de conseils.
« Je suis arrivée dans le monde du cirque à un moment formidable où il était reconnu, bénéficiait de moyens et où tout était possible… »
Elle y effectue la production déléguée de plusieurs compagnies étrangères appartenant au cirque de Tunis, de Mandigue (Guinée) et la compagnie Sisters en Suède. « J’ai pu, lors de cette période, aider à la structuration du secteur », explique-t-elle, animée par « les valeurs véhiculées par le cirque : la solidarité et le collectif ». « Dans le monde du cirque, tout le monde met la main à la pâte. Il n’y a pas d’ego mal placé, l’artiste va être aussi bien en coulisses à préparer son matériel que sur la scène face au public. »
À La Tête D’une Institution Historique
Après 20 ans à admirer les spectacles circassiens, aussi bien des coulisses que d’un siège spectateur, Peggy Donck ne se lasse jamais de la magie dégagée. D’ailleurs, depuis qu’elle a pris la tête du CNAC en 2022 – en étant la première femme à être nommée responsable de cette structure historique – elle estime ne plus avoir assez de temps pour voir des représentations à travers la France et à l’international. Ayant toujours oeuvré pour le monde du cirque, parcouru la planète avec des centaines de représentations à l’étranger avec sa compagnie XY « compagnie composée de 42 acrobates avec un chiffre d’affaires moyen d’1,2 million d’euros en moyenne grâce à plus de 400 diffusions par spectacle dans plus de 25 pays », elle répond à un appel à candidature lancé par le Ministère de la Culture pour diriger le Centre National des Arts du Cirque, avec la volonté de s’impliquer plus encore dans la formation et de reprendre les rênes d’une institution fragilisée avec le mouvement #BalanceTonCirque. Travailleuse et passionnée, elle a élaboré 30 pages de projet comprenant une véritable refondation. « On dit souvent : « J’ai fait Châlons », quand on a réalisé la formation au CNAC », souligne-t-elle, évoquant son ambition non seulement pour l’école mais aussi pour la ville. Pour cela, il lui a fallu embarquer toute une équipe, en s’entourant de personnes regardant dans la même direction, pour les postes clés. « En arrivant, j’ai demandé une observation de six mois, afin de tenir mon contrat d’objectifs et de performance », lance celle qui n’est pas là pour faire de la figuration. « Les deux premières années ont été très intenses. »
Arrivée dans un contexte compliqué, Peggy Donck a restructuré l’école pour apporter un cadre mais surtout une écoute aux élèves. « La porte de mon bureau est littéralement toujours ouverte, j’y ai fait installer des poufs pour que les élèves puissent venir se poser, ils ont mon numéro de téléphone et j’ai l’avantage d’habiter moi-même à Châlons. La communication est la base d’un bon fonctionnement », souligne-t-elle. « Cela me permet d’être légitime pour dire les choses et je considère que nous sommes aussi des ambassadeurs du territoire », livre celle qui est née à Reims et qui rejette toute notion d’élitisme. Bien au contraire, un de ses axes stratégiques est d’ouvrir le CNAC au public, aussi bien aux Châlonnais qu’aux Marnais ainsi qu’à ceux qui viennent de plus loin. Les entreprises aussi sont désormais les bienvenues. La FFB de la Marne y a ainsi tenu son assemblée générale en 2024 tout comme l’école de la Deuxième Chance. Avec de nouveaux travaux permettant d’ouvrir les espaces, des team building et afterwork sont également envisagés.
Structuration Et Échappées...
Mais ce sont bien les élèves qui restent au centre du CNAC avec un cursus ambitieux de trois ans, qui, à la fin, débouche sur les « Échappées » puis en apothéose avec la création d’un spectacle de fin d’études sous la houlette d’un créateur reconnu qui tourne ensuite dans tout le pays. « L’objectif est qu’ils aient acquis, à la fin de leur formation, toute une palette créative : le théâtre, la chorégraphie, la musique et les arts plastiques, pour intégrer une compagnie ou même pour certains, plus rarement, pour en fonder une. » Le CNAC doit donc devenir plus qu’il ne l’était un véritable « lieu de vie » et pousser aussi bien à l’autonomie qu’à la singularité... en témoignent les phrases inspirantes apposées un peu partout sur les murs de l’école.
Sous la houlette de Peggy Donck, outre les travaux engagés, le CNAC a également revu toute sa communication et son identité visuelle. Et celle qui a été décorée Chevalier de la Légion d’Honneur en 2023 ne compte pas s’arrêter là puisqu’elle a porté auprès de la Ville un projet visant à créer une rue piétonne pour accéder au deuxième site du Centre et ainsi, le connecter avec le chapiteau historique. Convaincante, elle peut se féliciter de voir les premiers travaux débuter en février. L’objectif ? Que tout soit fini l’année prochaine pour les 40 ans du CNAC. À ce moment-là, Peggy Donck aura apporté sa marque à l’institution qui accueille, chaque année, une quinzaine de nouveaux artistes en devenir. Et l’avenir ? Pour celle qui a parcouru des dizaines de pays, il s’écrit forcément avec le cirque. Peut-être avec un retour à la production dans les prochaines années. Surtout, la relève créative est là puisque sa fille se destine à la magie des chapiteaux. Côté scène cette fois.