Née de père inconnu et élevée comme ses deux sœurs par sa mère qui « a toujours fait des petits boulots pour subvenir à nos besoins », Ophélie Florin a connu une jeunesse peu ordinaire. Porteuse de troubles multi dys et TDAH, soit une combinaison de troubles cognitifs spécifiques différenciés, la jeune femme a été obligée de s’adapter durant sa période scolaire à Sedan.
« Je ne connais pas l’alphabet, je suis dyslexique, confrontée à des difficultés d’attention en raison de mon hyperactivité, et j’ai une déformation auditive. Si j’entends bien, mon cerveau n’entend pas les sons correctement. Du coup, j’ai une sensibilité et une perception des choses qui ne sont pas ordinaires. Ce qui m’a d’ailleurs valu une reconnaissance handicapée car je suis née avec ce handicap et je mourrai avec. Mais, aujourd’hui, mon parcours montre que j’ai réussi à apprivoiser ce handicap invisible pour en faire une véritable force. »
En 2004, Ophélie choisit de passer par correspondance et par le biais du CNED un CAP petite enfance puis quelques années plus tard un diplôme d’éducateurs de jeunes enfants durant ses premières années professionnelles par la voie de la validation des acquis. Hyperactive, la Sedanaise entre alors dans le monde du travail en obtenant un poste d’employée polyvalente au Mc Donald’s de Sedan qu’elle occupera jusqu’à l’âge de 20 ans. « À la suite de cela, j’ai passé une formation pour devenir aide à domicile avec option garde d’enfants. Ce titre professionnel obtenu dans un centre de réinsertion m’a permis d’obtenir un poste de contrat aidé de 18 mois dans deux écoles privées. Ce qui m’a conforté dans l’idée de travailler auprès des enfants. »
Suite à cette expérience, Ophélie a intégré en CDI et durant cinq ans la micro-crèche « Les aventures de grooky » à Charleville-Mézières, dirigée par Yohann Dedian. « Une aventure qui m’a donné l’idée de créer ma propre entreprise. Je me sentais capable d’asseoir mes compétences en gérant à mon tour ce type de structure. Et de gagner encore en confiance en encadrant une équipe et en étant proche de mes salariés. »
Une structure tous les six mois
Après avoir démissionné, Ophélie Florin se lance donc dans le grand bain, en janvier 2016, en fondant sa propre entreprise. Il s’agit de la micro crèche « Le royaume des tous petits ». « Après avoir consacré six mois à ficeler mon dossier et m’être entourée de partenaires (Cités Lab, la Protection Maternelle Infantile, la CAF) m’ayant servi de tremplin pour le développement de mon affaire, tout s’est passé au mieux. » L’équipement ouvre ses portes en septembre 2016 à Floing avec une capacité d’accueil simultanée de douze enfants et un projet pédagogique basé sur l’éveil des sens avec les animaux. À partir de là, ce concept qui connait d’emblée un fort succès auprès des familles travaillant à deux ou de mamans ayant besoin de temps pour elles va se déployer à un rythme semestriel à d’autres endroits du département. Avec l’émergence de… quatre nouveaux établissements et sous le même nom à Charleville-Mézières sur la zone de la Croisette (2017) puis à la Ronde-Couture (2020), et aussi à Sedan, rue Labauche et boulevard Chanzy (2018 et 2021).
« J’ai commencé avec trois salariés et aujourd’hui, au sein de cet ensemble il y a trente postes d’animatrices petite enfance et de référents techniques. » Sur chacun de ses sites, la gérante prend soin de son personnel en lui proposant des temps bien-être (massage et sophrologie) et de détente durant le temps de travail et en faisant appel à des nutritionnistes pour les sensibiliser à la bonne alimentation. « Une bonne façon de lâcher prise. »
Bientôt un vaste complexe dédié à l’enfance et à la parentalité
L’histoire ne s’arrête pas là pour autant. « À partir de là, je me suis retrouvée confrontée à des difficultés de recrutement. Les postulants que nous étions prêts à embaucher avaient des formations qui ne correspondaient pas aux attentes d’un gérant de micro crèche. Il leur manquait dans leurs bagages de la polyvalence, de l’autonomie et de la créativité. Du coup, j’ai ajouté une corde à mon arc en créant en 2021 un centre de formation dans l’apprentissage de la petite enfance à Charleville-Mézières où on recense quatre formateurs pour trente apprenants et où on proposera, en 2024, une nouvelle filière d’auxiliaires de puériculture jusqu’alors uniquement possible sur Reims et Lille. »
« Aujourd’hui, mon parcours montre que j’ai réussi à apprivoiser ce handicap invisible pour en faire une véritable force »
Se heurtant aussi à des obstacles dans le domaine de la restauration pour fournir des repas à ses cinq établissements, Ophélie a aussi créé « O gusto », un traiteur pour petits enfants qui s’adressera aux micro crèches et aux particuliers et verra le jour en septembre à l’arrière du centre de réadaptation fonctionnelle carolomécérien. Là où l’Ardennaise, décidément insatiable, a révélé un autre projet. « En juin 2023, on a fait l’acquisition d’un bâtiment qui s’appellera « O pays des merveilles » où, outre les deux équipements préalablement cités, seront regroupées une sixième micro crèche, une ferme pédagogique, un espace paramédical et une école maternelle à pédagogie alternative avec une éducatrice jeunes enfants spécialisée dans les troubles dys. Je vais ainsi fonder l’école qui m’a cruellement manqué durant ma jeunesse. Le tout au prix d’un investissement de deux millions d’euros. L’ensemble sera installé sur une superficie de 1 600 m² auparavant utilisé par l’UGECAM et située sur une envergure globale de 10 000 m² qui permettra aux enfants de profiter de la nature ».
« Finalement je n’étais pas si nulle que ça »
Une belle revanche pour Ophélie qui dit « avoir toujours voulu prouver à moi-même et aux autres » que ce tracé exceptionnel était possible. « Mon parcours d’entrepreneur montre que j’ai réussi à apprivoiser ce handicap invisible au point d’en avoir fait une véritable force. 10% de la population est atteinte de ces troubles et mon exemple peut aider à les accompagner. Il ne faut pas qu’ils se disent qu’ils sont incapables car au final, c’est un super pouvoir. Pour ma part, je suis très créative, à l’aise à l’oral, vais à 100 à l’heure et j’ai une perception de la vie différente. Ce qui m’a permis, alors que j’ai arrêté l’école à 15 ans parce qu’on n’acceptait pas ma différence, d’avoir l’audace de créer tous ces établissements. J’ai rebondi pour aboutir à un résultat génial et un bonheur au quotidien qui me fait lever chaque jour avec plaisir. » À terme, ce complexe aboutira à la création de trente emplois supplémentaires. Ophélie envisage ensuite de créer un réseau de franchises à travers la France pour développer de plus belle son concept.