Invités / Entretiens

Omür Kaçan

La restauration turque en référence

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Photo de Omür Kaçan
Les changements apportés par Omür Kaçan lui ont permis de doubler le chiffre d’affaires. (Crédits : PR)

C’est à l’âge de 18 ans qu’ Omür Kaçan entre par la force des choses dans la vie active. Il intègre une société dans le bâtiment en couverture-bardage et oeuvre durant toute la semaine sur des chantiers extérieurs en région parisienne, à Lyon, Lille et Soissons. « J’étais célibataire et cela me convenait bien. Au bout du compte, cela a été une expérience enrichissante. J’avais des capacités manuelles et j’ai bien évolué dans cette profession d’autant que le patron m’a vite confié des responsabilités : gestion d’une équipe de dix personnes et du camion et règlement du personnel. J’ai aussi approfondi mes connaissances en discutant beaucoup avec le conducteur des travaux. Pour moi, cela s’est avéré un bon compromis, car au départ, mon père, restaurateur, n’était pas forcément favorable pour que je me dirige dans ce secteur compliqué... »

De retour dans les Ardennes en 2006 à un moment où ses parents avaient besoin d’aide, l’ancien licencié du club de basket de l’Etoile, va faire ses armes dans l’affaire familiale, le restaurant Efes (*). « Cela s’est fait naturellement. J’ai commencé par remplir les petites tâches. Je coupais la viande et je faisais les courses pour le réapprovisionnement. Cela allégeait le travail de mes parents qui pouvaient ainsi se concentrer sur autre chose ». Ces derniers, qui allaient prendre leur retraite en 2014, commençaient déjà à éprouver un peu de fatigue après une vie commerciale très bien remplie. Omür raconte. « En 1985, ils avaient créé dans la partie haute de la rue Bourbon « Le Constantinople », qui a été le premier restaurant turc à Charleville-Mézières. Puis, ils ont transféré cette activité, au début des années 1990, dans le quartier des Forges Saint-Charles qui comptait alors pas mal d’entreprises. Et puis « La Corne d’Or » était aussi proche du stade du Petit-Bois là où l’Olympique de Charleville évoluait en Ligue 2. La clientèle était donc importante. Malheureusement, ce fonds de commerce, situé en zone inondable, a été victime coup sur coup d’inondations en 1993 et 1995 ».

Privés de rentrée d’argent durant de longs mois, les Kaçan traversent alors une période difficile et se résolvent à la fermeture. « Mon père est parvenu à ouvrir le 14 février 1997 le Kebab Efes qui s’est vite taillé une belle réputation en se spécialisant dans les kebabs, les spécialités turques, les grillades et les mezzés. Cela a tout de suite marché très fort au rythme de sept jours sur sept, midi et soir. J’apportais déjà mon écot par de menus services et avec mes trois soeurs, on n’hésitait pas à mettre la main à la pâte ». C’était nécessaire car son père, au début des années 2000 a eu l’opportunité d’exploiter durant quatre ans un restaurant Place Ducale qui reprendra le nom… « La Corne d’Or ». « L’objectif étant de faire venir au centre-ville les anciens habitués des Forges Saint-Charles ».

Il devient gérant d’Efes

À partir de 2010, Ömür assure la gestion du restaurant de la rue du Petit-Bois. Il reprend le flambeau en apportant tout de suite sa touche personnelle afin de donner plus d’attractivité à l’établissement. « J’ai fait évoluer la carte des menus et repensé le lieu en effectuant des travaux d’amélioration et des ajouts : changement de comptoir, agrandissement de l’espace restauration, achat de nouvelles broches à kebabs et commercialisation de falafels et plats végétariens. Puis, j’ai commencé à faire de la communication sur les réseaux sociaux. »

« Ici, nous proposons à nos convives un voyage gustatif dans le Bassin méditerranéen en fusionnant les cuisines turque, libanaise et grecque mais aussi une petite touche maghrébine. »

Mieux encore, en 2019, il acquiert l’ancien commerce mitoyen d’un tatoueur pour imaginer un nouveau concept appelé « Efes street food Gourmet » et dédié à la vente à emporter. Cela afin de bien différencier deux lieux et d’éviter les allées et venues dans un même endroit pendant que les gens mangent. Ce projet qui a émergé en 2021 coïncide avec l’irruption du Covid. « Obligé d’arrêter le restaurant, j’ai alors décidé de remettre tout à neuf en trois mois. En pleine période de confinement, beaucoup m’ont pris pour un fou d’entreprendre cette extension. Mais le fait de pouvoir assurer durant la crise sanitaire la vente à emporter nous a fait bénéficier d’un gros capital-sympathie des médecins, infirmiers, ambulanciers, policiers et pompiers. Et lorsque les restaurants ont eu le droit de rouvrir, nous avons pu accueillir les gens dans tout un établissement new look avec deux enseignes différentes au prix d’un investissement de 200 000 euros ».

Aujourd’hui, grâce à de meilleures conditions de travail et d’accueil et à d’autres nouveautés - ouverture durant six mois de deux terrasses en bois démontables de 40 places assises à l’extérieur et vente de sandwiches signatures, de bowls et de Berliners - les deux secteurs font travailler une dizaine d’employés et génèrent un chiffre d’affaires passé de 300 000 à 850 000 euros en faisant une centaine de couverts par jour. Le lieu ne désemplit pas.

Un autre lieu culinaire

Aimant les challenges et ravi d’avoir fait d’Efes une adresse de référence en matière de cuisine turque, Omür se lance « avec le même état d’esprit » un autre défi en fin d’année 2024 en ouvrant un nouveau commerce à une centaine de mètres du précédent. Il s’agit cette fois d’une cantine méditerranéenne baptisée « Mimoza ». « Ici, nous proposons à nos convives un voyage gustatif dans le Bassin méditerranéen en fusionnant les cuisines turque, libanaise et grecque mais aussi une petite touche maghrébine. Nous mettons à la carte des sandwiches à base d’émincés de boeuf mariné, du poulet façon shawarma et des morceaux de fromage halloumi ainsi que de la soupe aux lentilles et des crêpes farcies ».

Du fait de la notoriété croissante de ses enseignes, Omür Kaçan, après avoir toujours fait travailler des producteurs locaux, contribue aussi au succès des deux grandes manifestations culturelles ardennaises. Lors de la dernière édition du Cabaret vert, Efes a érigé sur la plaine de la Macérienne trois pagodes de 25 m² et un linéaire de 15 m de façade lui ayant permis de vendre en quatre jours 4,5 tonnes de viande (falafel et kebabs) servis par 25 employés.

Il contente aussi les papilles de nombreux spectateurs, artistes et professionnels du festival mondial des troupes de marionnettes. « Au fil des éditions, Efes, qui est situé à proximité de l’Institut international et de l’ESNAM est devenu leur QG et nous avons lié beaucoup d’amitiés dans ce milieu artistique très sympa. Il est vrai qu’on reste à leur disposition durant neuf jours midi et soir en élargissant nos horaires pour assurer quotidiennement environ 200 couverts ». Le nom Kaçan est ainsi présent dans le commerce carolomacérien depuis plus de 40 ans…

(*) Ce nom est lié à la ville de la Grèce antique Ephèse qui est aussi l’actuel site archéologique de la province d’Izmir (Turquie) et qui abrite le temple d’Artémis, désigné comme l’une des sept merveilles du monde antique.