Olivier Kerrec a toujours cultivé un grand intérêt pour les sciences, et plus particulièrement la physique pour son aspect concret. En 1992, avec en poche un doctorat de physique-chimie, il est recruté comme ingénieur par EDF pour travailler sur le vieillissement des matériaux dans le domaine nucléaire. Avant d’occuper des postes de management au sein d’EDF R&D. En 2006, il cofonde l’Institut de Recherche et Développement sur l’Énergie Photovoltaïque avec Daniel Lincot, le directeur du CNRS et l’École Nationale de Chimie Paris : « Le précurseur de l’actuel IPVF (Institut photovoltaïque francilien) a été créé avec Yves Bamberger, le directeur de la recherche d’EDF, avec pour objectif d’associer le monde de la Recherche académique avec l’industrie et réfléchir à comment utiliser les compétences scientifiques dans le domaine nucléaire pour accompagner le développement des énergies renouvelables et en particulier l’énergie solaire ».
Cette recherche commune aboutit en 2009 à la mise au point d’une technologie de matériaux photovoltaïques, dits en couches minces, permettant de déposer des couches de matériaux photovoltaïques sur du vitrage. Cette innovation se traduit alors par la création de la société Nexcis avec EDF, IBM et SIIF comme actionnaires. Jusqu’à près de quatre-vingts personnes travailleront pendant cinq ans sur le projet. « Nous sommes cependant restés à l’échelle du pilote, car il se trouve qu’en 2015, on était en pleine crise chinoise. Nous n’avons jamais trouvé les fonds pour passer au stade industriel », regrette Olivier Kerrec.
« On conçoit et on fait fabriquer des pavillons pouvant intégrer de l’intelligence connectée et on livre des projets de micro-villages clés en main avec des services mutualisés »
La genèse de cette expérience se révélera être, malgré tout, un catalyseur pour d’autres projets : « En 2009, quand on a créé cette start-up, on avait besoin de bureaux évolutifs à l’échelle de trois ou six mois. Et on s’est naturellement tournés vers la construction modulaire. Car j’ai vu tout l’intérêt de ce que l’on appelle aujourd’hui la construction hors site (en préfabriqué) permettant de déployer très rapidement des bâtiments très confortables. Ces modules étaient auparavant sur un autre site, il y avait déjà en outre l’intention de recycler, d’être dans l’économie circulaire ».
Après une expérience de près de trois ans à l’international, en Chine et en Allemagne, Olivier Kerrec fonde une nouvelle start-up. « Je me suis associé avec deux architectes, Christian Bois et son fils Clément, pour créer en 2018, à Paris, Inergeen, comme étant une synergie entre le monde de l’architecture, de la construction et le monde de l’énergie. Avec une volonté de créer des espaces de vie à la fois conçus à partir de constructions modulaires, hyper fonctionnels et répondant aux exigences de la réglementation environnementale », résume-t-il. Dès 2019, le premier module de construction d’Inergeen, appelé « Cubeen », rencontre un véritable succès en remportant l’appel d’offres de la Fédération Française de Tennis pour le village partenaires du stade de Roland Garros. Au-delà de la vente, Inergeen assure un service clés en main, en assurant notamment chaque année la logistique de montage et de démontage des stands Cubeen.
ARRIVÉE DANS LA MARNE
En janvier 2022, Inergeen accélère son développement en lançant un nouveau modèle appelé Woodea. Tout en gardant le concept de modularité, Woodea est construit à 100 % avec des matériaux biosourcés et recyclés. En plus d’afficher une très haute performance énergétique, les constructions réalisées par Inergeen produisent de l’énergie grâce à leurs toitures photovoltaïques. Les bâtiments sont en outre construits en circuit court avec des matériaux produits localement.
La marque Woodea s’adresse autant à l’événementiel et aux espaces bureaux qu’à l’habitat résidentiel et aux projets de micro-crèches notamment. « Woodea permet également de construire en quelques mois des bâtiments, démontables et réutilisables - tout est réversible, y compris les fondations », explique le startuper marnais, qui cherche actuellement des entreprises pour créer des espaces de vie, de show-rooms et de bureaux. Pour accompagner cette évolution, la société est transférée dans la Marne : « Et nous avons installé nos bureaux à Bezannes avec la volonté de travailler avec l’écosystème de la région Grand Est ».
NOUVEAU CONCEPT
« On développe aujourd’hui un concept de pavillons qui répond à un double enjeu. Le premier est de concevoir des pavillons individuels avec services qui soient adaptés aux seniors (60 à 90 ans) – une demande très forte aujourd’hui - et les personnes à mobilité réduite. Le second enjeu est de construire des bâtiments écoresponsables répondant aux normes, dont la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) ».
Ce type d’habitat s’adresse aux personnes ne se sentant plus à l’aise dans leur logement, mais ne souhaitant pas s’installer dans des résidences seniors avec une organisation collective « On n’est pas un constructeur de pavillons - on conçoit et on fait fabriquer des pavillons pouvant intégrer de l’intelligence connectée -, mais on livre des projets d’éco-quartiers, de micro-villages clés en main avec des services mutualisés et à la carte, comme la télésurveillance par exemple, avec une conciergerie physique, pour créer du lien social », explique le dynamique chef d’entreprise.
Tout en étant complémentaire à l’offre du marché, Inergeen s’appuie sur ses valeurs écoresponsables et ses constructions sont sans empreinte durable sur le foncier, sur l’écosystème. « Notre offre est également inclusive au sens où tous les bâtiments sont construits de la même façon. Ils sont tous adaptés en amont pour les personnes en fauteuil roulant par exemple », insiste le président d’Inergeen. Ces spécificités font d’ailleurs partie des atouts qui ont permis à l’entreprise de recevoir le soutien de partenaires comme Bpifrance, dès 2018, ainsi que Léonard, l’entité d’innovation du groupe Vinci. Celle-ci fait d’ailleurs partie des quatre actionnaires d’Inergeen, avec trois réseaux de business Angels (Badge, ABA et BAMA). « Et nous avons été sélectionnés pour Scal’E-nov 2022 qui nous accompagne dans notre implantation en région Grand Est et accélère notre stratégie commerciale ».
Fin 2022, deux pavillons témoins seront implantés sur la zone d’activités de Bezannes, dont un pavillon adapté aux seniors et un espace de bureaux. Cette opération est réalisée en partenariat avec le bailleur social Plurial Novilia. L’originalité est qu’Inergeen s’installera dans ces bâtiments afin de consolider l’offre technologique d’IoT et pour lancer le concept de villages connectés avec services : « Nous allons utiliser ces bâtiments témoins pour qualifier et certifier à la fois la partie construction et la partie services pour développer cette offre en collaboration avec une collectivité locale. On cherche des partenaires pour nous accompagner dans cette expérimentation de villages seniors interconnectés, bien sûr en région Grand Est. Depuis l’initiative de la plateforme d’IRDEP, j’ai une très forte croyance dans le partenariat. J’ai une vraie passion dans le fait de créer des synergies. On souhaite accélérer Inergeen dans une phase de croissance forte qui s’adosse à des partenariats. Il y a une véritable réalité économique et sociale de s’intégrer dans un territoire et contribuer à son développement ».