

D’une expression qui balance entre surprise, admiration ou dépit - rayer la mention inutile -, Nicolas Petit a fait sa raison sociale, son nom commercial et son enseigne. À l’heure d’ouvrir boutique, rue Courmeaux, à Reims, elle s’est imposée au terme d’un brain storming débridé entre amis. Eh quoi ! boucherie, vache, c’est l’évidence même, non ? D’autant que Nicolas Petit a vite créé une certaine surprise, voire un brin d’admiration - on supprimera donc « dépit » - avec une offre novatrice de viandes maturées et affinées qui n’existait pas à Reims, et assez peu en France il y a dix ans. Souhaitons au passage un excellent dixième anniversaire, justement ce dimanche, à Oh La Vache !
La beauté du geste
Pourtant, rien ne prédisposait particulièrement le petit Nicolas à devenir boucher. Viticulteur, peut-être, pour suivre la voie familiale, à Trépail ? Même pas : « Je n’étais pas intéressé par la viticulture, mais par l’art. » De fait, dessin, peinture, sculpture accompagneront sa jeunesse. Un Bac littéraire avec spécialité artistique semblait alors une option d’études toute trouvée. Sauf qu’à tout travail préparatoire Nicolas substituera vite d’autres recherches, propres à l’adolescence. Réorientation vers un Bac Pro transformation des matières plastiques, en alternance. Moins glamour mais plus efficace pour entrer dans la vie active. Quelques années dans une entreprise de fabrication de tuyaux, dans la Meuse, sans enthousiasme excessif. Retour à Reims, chez Freinrail (aujourd’hui Knorr-Bremse Systèmes Ferroviaires France), en qualité de monteur sur plan. « Il s’agissait de mécanique industrielle consistant à assembler les freins des navettes d’Eurotunnel. » Il y rencontre Elise, qui deviendra sa compagne et sera à l’origine de sa reconversion professionnelle en comprenant que les freins n’accéléreront pas sa carrière. Car, hors travail, Nicolas Petit passe le plus clair de son temps à cuisiner. « J’ai toujours été passionné de cuisine. Je tiens ça de ma mère. » Fine mouche, Elise lui suggère de s’orienter vers cette filière et de joindre ainsi l’utile à l’agréable.
Direction le CFA interprofessionnel de Châlons-en-Champagne où il souhaite effectuer un CAP de charcuterie, parce qu’il a un faible pour… la charcuterie. Mais on lui explique qu’il n’y a guère de débouchés du côté de la charcuterie, tandis que dans la boucherie, pas de problème. Alors, va pour la boucherie. « Et puis, la beauté du geste m’a toujours séduit ». L’art pour l’art ou le désossage version parnassienne.
CAP en poche, Nicolas Petit se forme dans quelques boucheries de Reims et des alentours. « Je me suis aperçu qu’il n’y avait pas, à Reims, de boucherie proposant des viandes haut de gamme, particulièrement goûteuses, comme celles que recherchent les amateurs. Avec Oh La Vache, j’ai visé ce créneau. » Tout en rappelant que, si l’on y trouve des viandes d’exception, il s’agit en premier lieu d’une boucherie traditionnelle et approvisionnée comme telle, « parce qu’il n’y a pas que des côtes de boeuf dans la vache ! »
Sur Youtube
Dans la boucherie de Nicolas Petit, on parle blonde de Galice, Aubrac, Simmental, Angus, Wagyu, noir de Bigorre, pata negra bellota… Langage qui peut sembler ésotérique de prime abord aux non-initiés, mais que l’on comprend vite dès qu’on le met en bouche.
Ses fournisseurs sont triés sur le volet - « selon le goût du produit et les méthodes d’élevage ». Il les rencontre régulièrement dans leurs exploitations - et, dans ses rêves les plus fous, il s’imagine un jour à la tête d’un petit élevage. Certains sont devenus ses amis. Mais Nicolas Petit reste intransigeant sur la qualité. Il faut bien cela lorsque l’on sert les meilleures tables de Reims, qui exigent le nanan.
Pédagogue, il est intarissable sur ce que contiennent ses vitrines réfrigérées ou ce qui repose sur son comptoir. Il réalise même des vidéos diffusées sur YouTube. Le reportage sur sa visite chez son producteur de pata negra, en Espagne, et sa présentation d’une tranche de saucisson bellota (entre autres) fait tout de suite saliver !
« Je me suis aperçu qu’il n’y avait pas à Reims de boucherie proposant des viandes haut de gamme, particulièrement goûteuses, comme celles que recherchent les amateurs. Avec Oh La Vache, j’ai visé ce créneau. »
Mais il est aussi capable de démontrer qu’un steak haché acheté chez un boucher de proximité - lui, ou un de ses confrères - est, à poids identique, de meilleure qualité (moins de gras, plus de viande), plus goûteux et généralement moins cher (oui m’sieurs-dames, moins cher) qu’à l’hyper marché sans proximité. L’exposé vaut également pour des tranches de jambon blanc…
Il est accompagné dans ces exercices, comme dans son activité, par François Coulon, qu’il a naguère formé alors que celui-ci était également engagé dans sa reconversion professionnelle (!), et qui est devenu aujourd’hui son complice - ces deux-là se sont bien trouvés !
Photo, musique, potager…
Nicolas Petit ne s’en tiendrait-il qu’à son métier, ses semaines seraient déjà bien remplies. Mais ce touche-à-tout a aussi des passions sans limite, qu’il glisse dans des journées ne dépassant pourtant pas les 24 heures - « par chance, je ne suis pas un passionné du sommeil… ». Comme la photo. « Je suis attiré par ce qui est beau. » Offrant un jour un appareil photo à Elise, il a juste voulu savoir comment l’engin fonctionnait. Depuis, c’est devenu un mordu de photo animalière, dont on sait qu’elle requiert temps et patience. « La recherche du sujet, c’est 80 % du temps. Après, il faut être bien placé et savoir attendre. » Attendre que le renard ou la belette pointe le bout du museau. Il expose parfois dans les manifestations du genre, et a notamment participé au Festival International Namur Nature…
Quand il n’est pas photographe il devient musicien et donne le rythme - « je prends des leçons de batterie, deux heures par semaine » -, rock et jazz, à un petit groupe de copains. Pour faire bonne mesure, il trouve encore le moyen de cultiver son potager.
Vitesse de croisière
Pour en revenir à la boucherie, le chef d’entreprise Nicolas Petit a connu quelques sueurs froides à la lecture de son compte de résultat au terme de la crise sanitaire du Covid. Car l’engouement de la clientèle particulière qui s’essayait alors aux joies du boeuf bourguignon ou du veau marengo ne compensait pas la perte des restaurants tenus de baisser le rideau. Il lui a fallu jouer du couperet et de la feuille pour trancher autrement que sur son billot. Laisser la biche au bois. Mettre la batterie en sourdine. Un vrai job de patron. Mené avec rigueur et succès.
Aujourd’hui, Nicolas Petit a retrouvé avec bonheur ses passions. Et sa vitesse de croisière à 200 %.