Le 11 décembre 2024, la SA « Les Ressorts Ardennais », entreprise plus que centenaire, a définitivement fermé ses portes à Fumay. Son fond, son parc machines, sa clientèle et son ultime employé ont été transférés en Normandie.
Un crève-coeur en même temps qu’un soulagement pour Martial Legrand qui a réussi la gageure, après… 45 ans passés dans cette TPE, d’assurer la pérennité de cette société mythique de la cité de l’ardoise avant une retraite bien méritée. Mais faute de soutien par les organismes bancaires pour maintenir l’activité sur place, Martial Legrand, non sans pincement au coeur, a dû se résoudre à cette échéance. Tout en étant conscient que son affaire, même si elle ne continuerait pas son parcours dans la Pointe des Ardennes, était placée dans de très bonnes mains. « MDP Ressorts, le repreneur, est une filiale du groupe industriel « Métalians », qui a été notre partenaire pendant 20 ans et présentait des garanties très solides. Les négociations ont abouti le 21 novembre au bout de six mois. Je pars donc avec l’esprit tranquille ».
L’atelier de 550 m², créé en 1920 par Louis Lorent, créateur un an plus tard de la clé à cliquet, repris par son fils Gontrand en 1948 et son petit-fils, Xavier en 1981 avant d’être dirigée depuis 2001, par Martial Legrand poursuivra donc son aventure dans le département de l’Orne. « Là où mon unique collaborateur, Quentin Di Pasquo, que j’ai formé durant quinze ans continuera ainsi son métier. C’est tombé du ciel pour lui. Par le biais de sa personne, la saga des Ressorts Ardennais pourra en quelque sorte survivre à quelques centaines de kilomètres de là », confie Martial Legrand qui, à 61 ans, va pouvoir se consacrer en toute quiétude à une nouvelle vie.
Il Intègre L’entreprise En 1979
Entré aux Ressorts Ardennais dès l’âge de 16 ans à sa sortie du Collège Les Aurains, ce fils d’employé communal aura passé toute son existence professionnelle dans cette SA artisanale, nichée derrière l’église Saint-Georges. Un bail de 45 années entamé en 1979.
« À l’époque, mon frère, Jean-Jacques, travaillait depuis un an et demi au sein de cette société. J’ai donc su que les Ressorts Ardennais recherchaient un manoeuvre. Après avoir obtenu mon brevet d’étude, j’ai postulé en août 1979 auprès de Xavier Lorent. J’ai été pris. Après avoir occupé ce poste une bonne dizaine d’années tout en me formant en interne aux métiers de tourneur et fraiseur, j’ai appris le métier de ressortier sur le tas. Ce qui m’a permis, par la suite, de fabriquer des outillages pour l’entreprise en améliorant le process de conception et en contribuant à l’augmentation de la production sur presse mécanique. Je suis ainsi devenu technicien d’atelier à partir de 1989, au sein d’une société qui comprenait alors une bonne dizaine de personnes dont certaines travaillaient à mi-temps après avoir oeuvré durant la journée à Cabeltel. »
« Entre la reprise en 2001 et la cession de l’entreprise en novembre 2024, on s’est mis au diapason de la concurrence tout en triplant notre chiffre d’affaires et en passant notre portefeuille clients de 185 à 900 au plus fort de notre activité. »
Ici, Martial Legrand aura connu toutes les évolutions de cette TPE reconnue pour son savoir-faire et sa réactivité dans la France entière mais aussi en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne, à la Réunion et en Martinique. « Dans notre niche, nous avions la chance de travailler pour différents secteurs d’activités en assurant la fabrication de ressorts industriels de compression, de torsion et de traction sur mesure et sous toutes les formes à des diamètres allant de 0,4 à 16 mm. Le tout était réalisé à partir de fil d’acier et conçu dans différents matériaux (acier, galva et inox) en fonction de la demande. La société a toujours bien tourné et n’aura connu qu’un seul moment de ralentissement. Durant la période du Covid ».
Devenu Patron En 2001
Après avoir été durant 22 ans l’ouvrier principal, Martial Legrand devient, à partir de 2001, le patron d’une TPE jusqu’alors gérée par trois générations de Lorent. « J’étais un peu la pièce rapportée mais avec 22 années d’expérience derrière moi, j’ai proposé au partant de reprendre le flambeau et de m’investir dans un nouveau challenge. J’avais l’avantage de connaître tous les rouages de l’entreprise. Voilà pourquoi, j’ai tout naturellement proposé à Xavier Lorent de prendre sa succession en acquérant l’entreprise et en louant les murs ».
Pas du genre à appréhender cette situation, cet employé modèle a été alors accompagné par sa femme, Nathalie, pour le secrétariat, la comptabilité et la gestion de l’entreprise. « C’est la partie que je maîtrisais le moins et elle m’a bien aidé ».
Pour consolider le savoir-faire des Ressorts Ardennais et lui permettre d’exister devant les gros fabricants de ressorts, Martial Legrand va alors s’attacher à moderniser régulièrement l’appareil de production en investissant dans six nouvelles machines : tours à commande numérique, presses et meuleuses. « Entre la reprise en 2001 et la cession de l’entreprise au 21 novembre 2024, on s’est mis au diapason de la concurrence tout en triplant notre chiffre d’affaires et en passant notre portefeuille clients de 185 à 900 au plus fort de notre activité. Avoir figuré de 16 à 61 ans, sans interruption, et avec le sourire dans une petite entreprise comme celle-ci, qui a aussi assuré la formation professionnelle en alternance de plusieurs jeunes sortant de l’école ou de niveau Bac pro comme ma fille, Elodie, aujourd’hui employée à la maintenance chez Cristalline, c’est une vraie fierté ». Elodie a alors cédé sa place à Quentin Di Pasquo qui aura passé quinze ans à Fumay.
Place Aux Road Trip En Moto
Après avoir fêté avec faste ses 100 ans en 2020, l’entreprise fumacienne a donc été absorbée quatre ans plus tard par le groupe Métalians. Fondée en 1972 et installée dans un bâtiment de 3000 m², La Maison du Décolletage et du Pivotage (MDP) dirigée depuis 2019 par Louis-Marie Duhamel va, avec l’ajout des Ressorts Ardennais, rester compétitive par rapport à ses concurrents. Comme ses consoeurs, SFAM et CFT, (80 salariés et 12 millions d’euros de chiffre d’affaires), elle est labellisée French Lab.
Quant à Martial, il prévoit, en dernier… ressort, de faire des road trip en moto sur sa Harley Davidson ou son Road King tout en continuant de s’adonner au tir de précision au « Plateau de Rocroi ».