Naît-on jamais impunément dans une voiture- ? Plutôt que d’y voir un accident de parcours, Marie Mascré a très tôt décidé de poursuivre sur cette voie toute tracée et de passer autant que possible sa vie sur les routes, version baroudeuse devant l’Eternel. Il faut dire qu’en son jeune âge la Rémoise n’appréciait pas franchement Reims et ne se rêvait qu’ailleurs, c’est-à-dire loin. Après une prépa littéraire - à Reims tout de même - elle est admise à l’Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication, plus connue sous le nom de Celsa. Pourquoi le Celsa ?
« Pourquoi pas ? Je ne savais pas trop vers quoi m’orienter. Le Celsa est ce qui se fait de mieux en France dans ce domaine, et c’était aussi une formation beaucoup moins onéreuse qu’une école de commerce. » Marie décroche un job au service visites et relations publiques de la Maison Mumm, « un contrat à mi-temps dont les périodes de travail me permettaient de suivre les cours du Celsa, et le salaire de financer mes études. Je parlais anglais et allemand. J’ai adoré. »
L’après Celsa sera l’occasion de donner toute sa mesure à son goût du voyage : « Diverses missions d’études, de marketing et de communication menées dans les univers du luxe, des vins et des spiritueux pour des entreprises et institutions françaises et étrangères, me conduiront en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Japon et en Amérique Latine. » Elle ajoutera ainsi l’espagnol et le japonais à son bagage linguistique.
Tour du monde et SOWINE
De retour en France mais ne souhaitant pas revenir à Reims (sic !), elle est néanmoins engagée chez Veuve Clicquot (re-sic !), où elle devient bientôt responsable de la communication et de la publicité internationales. « J’ai redécouvert le monde du champagne et des marques. » Au passage, cette expérience professionnelle la réconcilie avec sa ville et sa région natales. Ce qui ne l’empêche pas de les quitter encore, en 2005, pour un tour du monde avec son conjoint, Sylvain Dadé. Si les voyages forment la jeunesse, ils forment aussi le goût des autres, des cultures, des modes de vie différents et, partant, des cuisines et vins d’ailleurs pour qui est curieux et aime partager.
« Ce sont les voyages - les amis, aussi - qui m’ont permis de développer mon goût pour le vin et la gastronomie. Durant notre périple, nous avons visité plus de 500 vignobles et dégusté plus de 3 000 vins. » Étudié, également, le marketing des vins et spiritueux des pays producteurs et des principaux marchés, histoire de joindre l’utile à l’agréable. Marie Mascré prend alors conscience que les agences de pub avec lesquelles elle travaillait lorsqu’elle était chez Veuve Clicquot ne connaissaient pas le produit, encore moins l’univers du vin. D’où l’idée de fonder avec Sylvain leur propre structure, qui accompagnerait les marques dans le développement stratégique de leur notoriété, de leurs outils de communication et de leurs ventes. D’où SOWINE.
Un projet chaque année
18 ans plus tard, SOWINE, installée à Paris, 35 salariés, affiche une croissante constante, a ouvert des bureaux à Lyon et Bordeaux en 2015, une filiale à Londres en 2020 et une autre à New York en 2021. Les champagnes Philipponnat et Boizel, les vignobles Gérard Bertrand, le château Cos d’Estournel, le groupe Pernod Ricard, Jack Daniel’s, la Cité du vin de Bordeaux - exemples qui ne sont en rien exhaustifs de sa clientèle - font appel à ses services.
« Quand vous avez construit quelque chose, et pas trop mal réussi, on vous écoute, vous pouvez alors transmettre, et c’est très gratifiant. »
Chaque année, Marie et Sylvain définissent un projet professionnel (et un projet personnel, mais ça c’est… personnel). « En 2010 nous avons souhaité lancer le baromètre SOWINE/DYNATA, première étude sur le comportement des consommateurs de vin et spiritueux en France. Le millésime 2024 vient de paraître. Cela permet de mesurer l’évolution de ce comportement d’une année sur l’autre, et contribue au développement du business de la filière. Cette étude n’est pas vendue, mais mise à disposition sur notre site et les réseaux sociaux. Elle participe ainsi à notre propre notoriété. » Le projet 2024 consiste à dénicher de nouveaux bureaux dans Paris, plus spacieux, pour accompagner la croissance de l’entreprise…
Un fief dans la Marne
En 2012, avec l’aide de ce hasard qui fait bien les choses, Marie a retrouvé et acquis une ancienne ferme que louaient autrefois ses parents pour y passer des vacances, près d’Aÿ, afin de s’installer à mi-temps dans la Marne avec son conjoint et leurs deux enfants. « Ce n’est pas Saint-Tropez ou Deauville, le silence et l’espace offerts y sont un véritable luxe. » Tenez, un petit crachin bien champenois n’est même pas pour lui déplaire !
Dans son fief, où la taille des framboisiers n’a plus de secrets pour elle, les amis sont toujours les bienvenus - quelques clients étrangers, sensibles aux charmes de la Montagne de Reims ou de la Côte des Blancs, également -, la table est de qualité grâce aux talents de cuisinier de Sylvain, les vins… n’en parlons même pas ! Si Marie Mascré se ressource dans la Marne, les vacances restent l’occasion de voyages familiaux, « vers des destinations lointaines et désertes comme l’Alaska, le Yukon, la Mongolie, le Kirghizistan, pour « couper » professionnellement, cavaler, marcher… », bref, parcourir encore et toujours le vaste monde.
Cinquantenaire heureuse
Elle aura bientôt 50 ans. Elle s’en réjouit. « Je suis fière et heureuse de ce que j’ai réalisé - avec Sylvain - sur le plan professionnel et personnel. Ne venant pas d’une famille d’entrepreneurs, j’en ignorais tout avant de découvrir que l’entreprise c’est la liberté ! Il faut sans cesse avancer, créer, rester en alerte, assumer les conséquences de chaque décision. Mais à 50 ans, il y a moins d’incertitude, moins de stress. Quand vous avez construit quelque chose, et pas trop mal réussi, on vous écoute, vous pouvez alors transmettre, et c’est très gratifiant. »
À ce titre, Marie Mascré a longtemps enseigné le marketing international auprès des étudiants de Master 2 au Celsa ; elle publie régulièrement des articles d’analyse sur le marketing international du vin, du champagne et des spiritueux dans la presse spécialisée ; elle se verrait bien écrire un livre sur ce thème. À travers le Club des Ambassadeurs, elle s’est rapprochée de la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne à laquelle elle apporte son expertise dans le cadre du mécénat de compétence, « échange gagnant-gagnant qui me rend fière de contribuer à l’action de la Mission ». Parce qu’elle peut bien l’avouer aujourd’hui : « Finalement, j’adore la Champagne ! »