

Ancienne danseuse, cette quinquagénaire a « cassé sa tirelire en vendant tous ses biens » et investi plus de 600 000 euros, en mai 2024, pour racheter l’ancienne salle de spectacles « Le scénario », à Bogny-sur-Meuse, fermée depuis 2018. Elle s’active depuis à transformer ce lieu en un cabaret capable d’accueillir 100 à 120 convives, le premier du genre dans les Ardennes. D’ores-et-déjà baptisé « Le dîner du Moulin », il ouvrira le 19 septembre et proposera une revue musicale de deux heures.
Un prix à l’âge de 6 ans
Très vite bercée dans ce milieu – son père Jean-Paul était accordéoniste professionnel dans le groupe « Les Commodores » et avait l’oreille absolue et sa grand-mère était violonniste – Lorine Burle participe à un radio-crochet à l’âge de 6 ans. Sous un chapiteau installé sur une place de Valenciennes et devant un public fourni, elle interprète sans complexe la chanson « Mille colombes » de Mireille Mathieu et remporte le premier prix. « À cette occasion, un voisin avait fait une quête et récolté 50 francs. Ce fut mon premier cachet », se remémore-t-elle, hilare. « J’avais déjà des bases parfaites car mon père me donnait des cours de solfège ». Une première totalement réussie pour une gamine qui ne chantait alors qu’au catéchisme. À onze ans après plusieurs concours de chant, un disc-jockey animateur de soirée sollicite son père pour l’autoriser à faire des galas. Elle signe alors son premier contrat en 1991 pour accompagner un orchestre philarmonique et participer à des bals populaires à Marly, Caudry, Cambrai et Condé-sur-Escaut et interprèter des chansons de Mireille Mathieu, Michèle Torr, Jane Manson et Madonna.
« J’étais présentée comme un futur espoir de la chanson et une petite voix en or. Je me suis tout de suite sentie à l’aise avec ces artistes amateurs ». À 17 ans, elle met ainsi un pied dans son futur métier. À cette période, elle découvre un spectacle offert par des danseuses munies de plumes, strass et paillettes. Elle est scotchée. « Ça a fait ‘‘tilt’’. Cela m’a décidé à prendre des cours au « Grenier de la danse » à Valenciennes. J’ai alors appris la danse classique, les pointes et les écarts car je rêvais de me produire sur scène ».
La tournée des discothèques belges
Après avoir écumé différentes salles des fêtes, elle intègre à sa majorité l’Apollon, un haut-lieu belge du milieu de la nuit à Pérulwez. Elle y effectue ses premières chorégraphies « en body, cuissardes et talons aiguilles » et en faisant du playback. « C’est là que j’ai apprivoisé le monde du cabaret pour vite devenir meneuse de revue ».
« J’ai développé ma fibre artistique en effectuant différents tableaux chorégraphiques, des numéros où j’étais mise en avant en mélangeant les genres : classique, music-hall, imitations... »
Lorine prend son envol dans la profession et son parcours va aller crescendo. Elle se perfectionne et se produit dans les plus grandes discothèques belges. De la populaire Cherry Moon à Lokeren à la mythique La Rocca en passant par l’After-Club Le Balmoral qui présentait la particularité d’ouvrir à cinq heures quand la concurrence fermait ses portes, le night-club At the Villa à Koeigem ou le méga-dancing « Le Boccacio », temple de la House Music et de la New Beat.
« The places to be »
L’oiseau de nuit acquiert une notoriété auprès des clubbers et des DJ dans une ambiance toujours festive. « J’étais une bombe à l’époque, j’avais un corps de dingue et je profitais de ces atouts pour exercer mon métier de danseuse en multipliant les expériences ».
Lorine Burle devient ensuite directrice artistique en France. À Valenciennes pour créer le spectacle « Le Roi Soldat » au Topaze, à Ajaccio au cabaret « Le Ricanto » et à Cannes pour assurer différentes missions en boites de nuit. Elle aura alors l’occasion de monter les marches du festival en 2003 avec une robe prêtée par le grand couturier Jean-Paul Gaultier. « Sur la côte d’Azur, j’ai côtoyé beaucoup d’artistes ».
En 2009, enfin, elle met le cap sur Toulouse pour oeuvrer dans le plus grand cabaret du Capitole : « Le Crazy Moon Palace » où, au milieu d’une troupe d’artistes professionnels, elle participe à des dîners-spectacles.
« Sous la direction de Zaza Baldi, j’ai encore développé ma fibre artistique en présentant différents tableaux chorégraphiques, des numéros où j’étais mise en avant en mélangeant les genres : classique, music-hall, imitations de Céline Dion, et transformisme. J’ai adoré cette expérience qui a duré quatre ans. C’est l’un des lieux où j’ai le mieux travaillé ».
Un grand vide de treize ans
Ce passage constituera sa dernière expérience car, en janvier 2013, son père décède d’un cancer généralisé foudroyant. « Un vrai coup de massue dont j’ai très longtemps eu du mal à me remettre », confie-t-elle, toujours très éprouvée en l’évoquant. Alors qu’elle avait atteint son Graal, elle fait une dépression et ses adieux au monde du spectacle. « J’ai pris 40 kg en mangeant tout et n’importe quoi et j’ai écopé en sus d’une maladie dégénérative très handicapante au niveau du dos, une discopathie ». Soit un processus d’usure d’un ou plusieurs disques au niveau de la colonne vertébrale, charge d’angoisses et de vertiges qui la contraindront à une opération.
Après un grand vide de treize ans, Lorine Burle sur les conseils de sa… chirurgienne décide de reprendre la scène. Et à l’aube de ses 50 ans, connaissant toutes les ficelles du métier, la Nordiste part en quête d’un local pour créer son propre cabaret et concrétiser « le rêve d’une vie ». Elle est transportée quand elle découvre « Le Scénario » suite à une petite annonce parue sur Le Bon Coin. C’est là qu’elle donnera un nouvel élan à sa vie. « J’ai fait quatre heures de route en novembre 2023 pour avoir un coup de coeur immédiat pour ce lieu ».
Pour que tout soit parfait le jour J, elle a entamé une course contre la montre et travaille sans relâche avant la première de son spectacle intitulé « Rêve ». « Il s’agira d’un parcours musical se rapprochant de mon parcours personnel. Pour ma part, je chanterai Tina Turner, Céline Dion, Liza Minnelli et Freddie Mercury ».
Elle achète des costumes, organise des castings, embauche un ancien danseur du Bolchoï comme chorégraphe, un directeur de salle (Grégory Bilquez, bien connu dans le milieu associatif local) et des danseurs. Elle déniche aussi un bottier, un plumassier, un commis de cuisine et du personnel au lycée hôtelier de Bazeilles. Le premier cabaret ardennais comprendra des loges dans les coulisses, un écran led dernière génération et un site internet.
Sur place, elle compte profiter d’un parking pour aussi développer d’autres activités : brocante, radio crochets sur une scène extérieure qui surplombe la Meuse environnante, fêtes de fin d’année scolaire, bals populaires et spectacles avec drag queen et transformistes. « On bénéficie ici d’un potentiel incroyable qu’on veut exploiter au maximum ».