Pour la Rémoise d’origine, désormais Axonaise d’adoption, la géographie mène à tout, et notamment à la création d’entreprise. Dans le prolongement de ses études, elle en a apporté la preuve en fondant Fabrication Rochet, spécialisée dans la fabrication de savons saponifiés à froid.
Aujourd’hui, Léa Roche Faget ne souffre plus d’eczéma. L’entrée en matière peut surprendre mais le lecteur aurait tort de s’en laver les mains. Parce que c’est bien cette désagréable affection qui a décidé de l’orientation entrepreneuriale de Léa Roche Faget et de la fondation de Fabrication Rochet, savonnerie artisanale installée à Saint-Erme-Outre-et-Ramecourt, dans l’Aisne.
C’est à l’heure de passer son baccalauréat, à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis) où son père, militaire, était en poste, que Léa déclare un eczéma aux mains. « J’ai longtemps cherché comment m’en débarrasser. J’ai consulté un milliard de médecins, j’ai arrêté de manger certains aliments... Jusqu’à ce qu’un de ces praticiens suggère que c’était plutôt l’utili- sation de produits chimiques du quotidien qui était la cause de cet eczéma. J’ai pris conscience de l’importance de la composition des produits que j’utilisais, et des bactéries que pouvaient contenir ceux à base de liquide. La peau absorbe ce qu’on lui met dessus. Il faut donc faire attention à ne pas fragiliser le film hydrolipidique qui la protège. »
Bac en poche, Léa revient en France et à Reims pour effectuer une prépa littéraire (hypokhâgne). Elle tombe alors doublement amoureuse : de la géographie et de son futur mari. Justin (le futur mari), plutôt scientifique (il est aujourd’hui ingénieur matériaux et mécanique), est sensible à ce qu’endure Léa. Comme elle doit éviter les produits nettoyants à base de liquide, il a l’idée de fabriquer du savon, plus “solide”. Les deux jeunes gens, curieux de nature, s’initient à la saponification, cette réaction chimique permettant la synthèse du savon. Nous sommes en 2017, début de l’aventure...
Ma priorité c’est la santé de la peau. Mes savons ne contiennent ni fragrance, ni parfum, ni huiles essentielles. Ils sont adaptés à tous les types de peau.
Le pied à l’étrier
« Mon entourage appréciait le savon que nous fabriquions, dans une optique zéro déchet et développement durable (le développement durable étant par ailleurs au cœur des études de Léa). J’ai créé une page Facebook et rencontré de nombreuses personnes ayant des problèmes de peau. J’étais en mesure de les aider. » À l’URCA où, après une licence de géographie, elle est en Master 1 - Urbanisme, aménagement du territoire et développement durable, Léa rejoint le dispositif Pépite, émanation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui a pour mission de sensibiliser les étudiants à la création d’entreprise et de les accompagner dans leur démarche.
Son projet de fabrication de savons saponifiés à froid, confectionnés avec des ingrédients locaux et bio, lui permet d’intégrer l’incubateur CREATIV’LABZ de l’URCA, et d’être lauréate de la catégorie Emergence du Défi étudiants entrepreneurs 2020. « Cela m’a mis le pied à l’étrier. J’ai pu lever des fonds pour créer mon entreprise. »
Fabrication Rochet voit le jour en septembre 2020. « Depuis 2017, je m’étais fait connaître sur les marchés, dans les collèges. J’avais noué des partenariats avec des créateurs. Je disposais d’un bon listing de clients potentiels... » Léa crée la marque Savons des Sacres, plus particulièrement dédiée aux professionnels de l’hôtellerie, de l’hébergement et de l’évènementiel, avec un savon sur-mesure, produit haut de gamme fait main, avec des ingrédients locaux et issus de l’agriculture biologique.
Elle décroche un partenariat avec La Caserne Chanzy, hôtel cinq étoiles à Reims, où elle livre 1 500 savons de chambre chaque mois. Depuis peu, les Offices de Tourisme de Reims et de Laon lui font également confiance, ainsi que de grands magasins (Galeries Lafayette, Monoprix...) auprès desquels elle diffuse sa production.
Joli mois de juin
Si elle a choisi de s’installer à Saint-Erme, c’est parce qu’elle est tombée amoureuse (troisième fois !) de ce coin de l’Aisne où s’est installée sa famille. « C’est un endroit stratégique, entre Reims et Laon, pas loin de Paris, idéal pour développer l’entreprise à la campagne, avec des circuits courts. La mise en valeur du territoire, c’est aussi de la... géographie. »
Développer Fabrication Rochet passe par l’optimisation du procédé de fabrication pour augmenter les volumes. « Je peux fabriquer par 40 kg, soit 400 savons de 100 g. » Si Léa est actuellement seule, elle envisage de faire appel à l’alternance pour être épaulée sur le plan de la communication et du commercial.
En juin, près de son atelier de production et en association avec Stéphanie Nanquette, couturière créatrice, elle ouvert l’atelier Cocotte et Popote, avec l’idée de faire découvrir son activité et d’accueillir d’autres créateurs. En juin encore, elle est devenue lauréate du Prix Pépites des Pépite 2023, qui entend mettre en valeur 10 belles histoires entrepreneuriales innovantes et inspirantes issues du réseau Pépite France.
« Ma priorité, explique Léa, c’est la santé de la peau. Mes savons ne contiennent ni fragrance, ni parfum, ni huiles essentielles, ils sont adaptés à tous les types de peau. Ils sont confectionnés avec des ingrédients locaux (60 %) et biologiques (85 %) dans le but de préserver le bien-être du corps et de l’environnement. » Ce n’est sans doute pas par hasard que les maternités de Laon et de la Polyclinique de Bezannes intègrent des savons Fabrication Rochet dans les échantillons de produits remis aux jeunes mamans qui veulent prendre soin de la peau de leurs nouveau-nés.
Aujourd’hui, donc, Léa Roche Faget ne souffre plus d’eczéma. À peine a-t-elle parfois quelques boutons quand elle envisage l’avenir de son entreprise, pourtant lancée sur de bons rails. Mais ça, c’est le lot de tout entrepreneur, quel que soit le savon qu’il utilise...