« Je suis Troyen avec de la crème et du beurre », sourit Laurent Duparcq pour mentionner ses origines normandes. Mais depuis sa naissance en 1969, sa maison se situe au 5 avenue Pierre Brossolette à Troyes. Dans la pâtisserie familiale rachetée par ses parents. École puis apprentissage dans l’Aube, à 18 ans il part à Aix-en-Provence.
« Je me souviens y avoir travaillé 24 h d’affilée un 24 décembre ! » En parallèle, en 1990, il se présente au concours du Meilleur apprenti de France en pâtisserie au niveau régional et national où il termine premier. Vient alors le temps du service militaire. Laurent Duparcq part dans les Vosges pendant deux mois et rejoint très vite la Capitale. Son service, il le continuera dans les cuisines officielles de l’Élysée sous la présidence de François Mitterrand en tant que pâtissier.
« Alors, ça c’était beau ! C’était les fastes de la République à l’époque de Mitterrand, de Jacques Attali, son conseiller. De Charasse qui arrivait avec son gros cigare tous les matins. C’était magique. Je sentais bien que je faisais mon service militaire, mais il y avait quelque chose, ce n’était pas pour rien ! »
Un Saint-Honoré pour Mitterrand
Pour l’anniversaire de François Mitterrand, il lui est demandé de réaliser le gâteau d’anniversaire du Président pour sa réception privée. Il lui concocte alors une pâtisserie avec une crème Saint-Honoré, « un gâteau à base de crème Chiboust qu’il a apprécié. Il y a beaucoup de personnes qui redescendaient en cuisine pour demander ce qui se passait en pâtisserie. Pour savoir si quelque chose avait changé ! », s’amuse Laurent Duparcq. « J’ai aussi vu des repas traditionnels français réalisés avec de bons produits sains. Le foie gras arrivait « tout chaud » du Gers pour recevoir les politiques et les présidents. »
Laurent Duparcq se place alors sous la toque de Joël Lenormand, le chef qui a dirigé les cuisines de l’Élysée du Général de Gaulle à Jacques Chirac. « À l’Élysée, la rigueur et la perfection, je dois dire que j’ai compris ! Ce qui m’intéresse, c’est faire du bon travail. » Après son service militaire et quelques expériences parisiennes, Laurent Duparcq revient à Troyes.
« En 1993, j’ai décidé de travailler avec mon père. Pour une entreprise familiale, c’est motivant. Aujourd’hui que je suis père d’un petit garçon qui s’intéresse au métier, je me rends compte que cela devait réconforter mon père, même si à l’époque on ne parlait pas trop de tout cela. » D’ailleurs, avec son fils impliqué à ses côtés, Roland Duparcq entreprend des travaux et rénove la pâtisserie en 1995.
« Il avait confiance en moi et dans un premier temps, j’étais en location-gérance. Puis, en 2002, j’ai repris l’affaire avec 15 salariés en CDI. Je regrette juste que mon père n’ait pas transmis l’affaire officiellement. Cela s’est fait par la fiscalité, par le biais des comptables, mais rien de formalisé. C’est dommage parce que face à des personnes qui ont trente ou quarante ans de maison, tu es toujours le petit gamin. Ils me voyaient déjà à la pâtisserie quand j’avais 5 ans ! Cependant, ils me respectaient, ils m’ont vu travailler. Seulement, j’ai été leur apprenti avant d’être leur patron. »
Mixer tradition et évolution
Laurent Duparcq prend alors sa position de chef d’entreprise. Avec aujourd’hui onze salariés et quatre apprentis, il a augmenté son chiffre d’affaires de 25 %. « Je trouve qu’il est important d’évoluer. Si on reste dans ses habitudes, on recule. Je propose des formations même aux plus anciens pour leur ouvrir l’esprit. La consommation a changé, il faut s’adapter. J’ai décidé d’ouvrir le lundi pour capter une clientèle qui ne trouvait pas ce qu’elle cherchait. » Une évolution qui s’accompagne de communication. « À l’époque, quand mes parents sortaient une plaquette, c’était l’évènement ». Aujourd’hui, réseaux sociaux, recrutement de nouveaux clients, fidélisation de la clientèle ancienne et innovation avec de nouvelles saveurs, de nouvelles formes de gâteaux sont le quotidien de Laurent Duparcq. Il propose aussi des plateaux repas qu’il livre aux entreprises.
« L’avenir c’est la jeunesse. Il faut transmettre, c’est vital. Il faut prendre des apprentis et des stagiaires pour leur expliquer la profession. »
« J’ai gardé les éclairs et les religieuses. C’est la tradition. Tous les matins, on fait une crème pâtissière et on fait des éclairs et des religieuses. Le chocolat, le fruit et le praliné avec le Paris-Brest restent les incontournables. »
La maison Duparcq fabrique 6 000 viennoiseries par mois et écoule 100 kg de beurre et 100 kg de farine par semaine. La pâtisserie représente plus de 32 % du chiffre d’affaires, la partie traiteur 25 % et la viennoiserie 25 %, le reste étant sur les activités chocolat et glace. Élu à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat qu’il a rejoint en 2017, Laurent Duparcq est aussi administrateur chez Provaé parce qu’« il faut aussi défendre les Chambres consulaires qui sont parfois malmenées ».
« La nourriture, ça marchera toujours ! »
« Dans la pâtisserie, nous sommes souvent confinés dans notre laboratoire sans voir ce qui se passe ailleurs. J’ai subi une opération importante qui m’a fait réagir. Depuis, je veux faire quelque chose pour les autres. Alors je montre que la pâtisserie Duparcq peut se déplacer. Et j’apprécie la relation avec les gens. » Laurent Duparcq n’arrête pas. Au-delà de travailler 7 jours / 7, il donne de son temps, de son art et de sa gentillesse aux associations du territoire comme l’effet Aube, l’Outil en Main, Solidarité Femmes. Il participe aux salons, organise des ateliers. « J’aime montrer mon savoir-faire. Je me suis aussi investi pour l’Ukraine, j’ai fourni des pâtisseries aux réfugiés de l’auberge de jeunesse de Rosières. Ensuite j’ai emmené 800 kg de produits en Ukraine avec ma petite camionnette ! »
Laurent Duparcq régale les papilles, mais ce qu’il préfère, c’est transmettre, et peut-être que l’histoire familiale traverse une nouvelle génération. « J’ai un garçon de 14 ans qui veut être pâtissier. À Noël il m’a demandé une mallette à outils et il s’intéresse vraiment au métier. Mon rôle est de ne pas de le décevoir. L’avenir c’est la jeunesse, si on ne fait rien pour eux, on se tire une balle dans le pied. Il faut transmettre, c’est vital. Il faut prendre des apprentis, des stagiaires et leur expliquer la profession. Mon père me disait que la nourriture, ça marchera toujours ! Et la gourmandise est un art. »