« J’ai toujours été ambitieux. » Que les choses soient claires : Julien Fauquenoy annonce de but en blanc la couleur. Tout en modérant aussitôt l’assertion comme si elle révélait, à son corps défendant, un vilain défaut : « Jusqu’au Bac, j’étais un élève moyen ». Et bien plus passionné de sport qu’autre chose - on en a connu un certain nombre qui jouaient dans la même catégorie ! Mordu de tennis, par exemple - qu’il pratique toujours avec un classement à 15/2 - ou de natation - il sera champion de France minime du 50 m nage libre… Mais une saine ambition a ceci de positif qu’elle conduit celui qui la nourrit à vouloir réussir dans ce qu’il entreprend, quoi qu’il entreprenne, d’ailleurs.
« Je me suis mis à bosser à la fac, en Deug d’histoire et sciences politiques, suivi d’une licence en droit et administration publique. » Bref, la voie idéale pour passer les concours administratifs. Mais comme Julien Fauquenoy ne se rêvait pas fonctionnaire, il s’oriente vers ceux des écoles de commerce et décroche l’ESC Rouen. Il fera donc dans le business.
Séduit par le Brésil
À sa sortie, avec l’embarras du choix dans les propositions qui lui sont faites, il est vite plongé dans le grand bain en devenant acheteur, puis adjoint au directeur des achats, puis directeur des achats chez Technip (construction pour l’industrie de l’énergie : pétrole, gaz, éolien). Il y apprendra, lui le littéraire, les métiers de l’ingénierie.
Après Paris et Luanda (Angola), il est envoyé à Rio de Janeiro, au Brésil, où il gérera jusqu’à 500 millions de dollars d’achats, « dans un environnement et des contraintes sévères ». N’empêche ! Le pays séduira Julien et son épouse, puisqu’ils y resteront 12 ans et que leurs trois enfants y naîtront. « Les Brésiliens sont un peuple accueillant et le Brésil est l’école de l’empathie : on n’y dit jamais non, il n’y a jamais de conflit ouvert… On peut y mener une vie simple et sans prétention, entre le luxe d’Ipanema et Leblon, les quartiers les plus chics d’Amérique du Sud, et la misère de Rocinha, la plus grande favela d’Amérique du Sud, qui se jouxtent. Mais le Brésil est aussi un pays « dur » où, pour vivre à l’européenne, il faut un salaire européen multiplié par trois, où, lorsque vous voyez le jour dans une favela, vous n’avez quasiment aucune chance d’en sortir. En France, on ne mesure pas bien cette chance d’avoir un système social tel que le nôtre… »
Faillite et humilité
C’est toujours à Rio que Trelleborg AB, compagnie internationale suédoise de production de caoutchouc et de polymères industriels, lui offre la direction de sa filiale locale, à charge pour lui de la monter de A à Z. « C’est comme ça que je suis arrivé en hélicoptère sur le terrain de 300 hectares où devait être édifiée l’usine, au nord de Rio, et que j’en ai fait le tour du propriétaire… à cheval ! »
Fort de l’expérience acquise, et parce qu’il a toujours voulu créer sa propre entreprise, Julien Fauquenoy quitte Trelleborg en 2013 pour fonder Mundo Novo Conseil, cabinet innovant spécialiste du développement des entreprises à l’international et notamment au Brésil. Mundo Novo Conseil sera bientôt pris dans la tourmente des « affaires » (scandale Petrobras) qui entraîneront la destitution de la présidente Dilma Rousseff, l’incarcération de l’ancien président Lula da Silva, etc. La confiance en l’économie brésilienne s’effondre, le cabinet perd 80 % de ses clients.
« J’applique dans le cadre associatif ce que je sais faire en entreprise, parce qu’il y a un parallèle évident dans le fonctionnement et la gestion de ces structures pourtant complètement différentes. »
« Faire faillite est une vraie expérience d’entrepreneur, qui apprend notamment l’humilité », assure Julien Fauquenoy. Il s’en sort plutôt bien, en s’associant avec un groupe familial spécialisé dans le transport de fret international et le dédouanement au Brésil, qui lui confie la présidence de l’entreprise.
La famille Fauquenoy quitte cependant le Brésil en 2019 pour un retour en France, d’abord à Lyon puis, rapidement à Reims, où Julien prend la direction générale de l’usine axonaise du groupe franco-néerlandais CoreDux (650 salariés au Pays-bas, en France et aux Etats-Unis, 150 M€ de CA), à Château-Thierry. « Nous concevons et réalisons des systèmes artériels de pointe relatifs au transfert de différents fluides et gaz pour l’aéronautique, l’aérospatiale, l’hydrogène et la fabrication de semi-conducteurs. » Ariane, Thales, Volkswagen, Siemens, ASML… sont quelques-uns des clients de CoreDux.
Investissement au Tennis Club de Reims
À Reims, ce n’est pas tout à fait par hasard que la famille s’installe à proximité du Tennis Club de Reims. À 46 ans, en dépit de responsabilités professionnelles où l’on ne s’inquiète de l’heure que pour ne pas manquer un rendez-vous d’importance, Julien Fauquenoy n’a jamais arrêté la pratique du tennis - « à Rio, j’ai fondé le premier club de tennis pour les expatriés français » -, qui lui vaut sans doute sa sveltesse. « Je considère qu’un chef d’entreprise est un athlète de haut niveau et qu’il doit se préparer en conséquence, physiquement et mentalement. C’est lui qui fédère et entraîne ses équipes, et c’est très gratifiant lorsque l’on y arrive pleinement et que les gens se révèlent. Je l’ai dit, j’ai toujours été ambitieux, mais avec la volonté que cette ambition serve à quelque chose. Entreprendre, créer, développer des projets ; aujourd’hui faire rayonner CoreDux depuis Château-Thierry pour que les 160 collaborateurs aient eux-mêmes ce sentiment de l’utilité... C’est pareil pour le Tennis Club de Reims. »
Parce qu’il faut dire que Julien Fauquenoy a été élu à la présidence du TCR au début de l’année dernière, avec… l’ambition, de refaire du club un pilier de l’attractivité du territoire et de la notoriété de la ville. Son programme ? Un restaurant restauré (Le Court 1920) ; la réfection de la piscine, fleuron de l’Art Déco local ; l’aménagement du parc et des terrains extérieurs de tennis ; celui des courts intérieurs et du bâtiment principal ; deux grands tournois, des manifestations autour du tennis ; et 4 millions d’euros d’investissement pour mettre tout ça en musique.
« J’applique dans le cadre associatif ce que je sais faire en entreprise, parce qu’il y a un parallèle évident dans le fonctionnement et la gestion de ces structures pourtant complètement différentes. Au TCR, en remettant de la joie, du plaisir, bref, de la vie, on a déjà enregistré l’arrivée de nouveaux adhérents ! »
Accord mets/vins
Accessoirement, il trouve le temps d’œuvrer à l’attractivité de la France et à son influence à l’étranger, en sa qualité de Conseiller du Commerce Extérieur : « Les conseillers favorisent par exemple l’intégration des jeunes dans le monde actif, notamment à travers le volontariat international en entreprise, font remonter des « informations terrain » auprès des ministères des Affaires étrangères et de l’Economie, etc… ».
Accessoirement encore, s’il soigne sa ligne et sa condition physique, il sacrifie cependant volontiers aux plaisirs de la gastronomie, ayant été initié aux accords mets/vins lorsqu’il était étudiant. Pour Julien Fauquenoy, une compétence doit servir à quelque chose. Louable ambition.