Directeur de la bibliothèque départementale de prêts d’ouvrages depuis 2016, Jean-Rémi François a décroché, à la fin de l’année 2023, le prix mis en place par la revue « Livre Hebdo », spécialiste de la chaîne de tous les acteurs des métiers du livre.
« Ce magazine professionnel relie le monde des éditeurs, des libraires, des auteurs et des bibliothécaires. Ce prix a constitué pour moi une mise avant, une belle promotion. C’est aussi une reconnaissance du travail et des initiatives intéressantes menées dans les Ardennes. Cela m’a permis de faire connaître dans différents médias un métier pas souvent mis à l’honneur », souligne ce solide gaillard de 1,95 m, chaleureux, actif et passionné. Le trophée devait lui être remis sous la coupole de la bibliothèque Richelieu à Paris mais il n’a pu se rendre à ce rendez-vous.
Né à Châlons-sur-Marne mais ayant grandi à Montigny-le-Roi (Haute-Marne), aux sources de la Meuse « où vivaient les trois-quarts de ma famille », ce fils d’institutrice et de clerc de notaire, après avoir obtenu un bac économique et social a effectué deux ans de droit avant de se tourner vers les sciences humaines, sociales et juridiques.
« Cela m’a permis d’obtenir un Master en administration, développement local et culturel à Dijon et au sein de l’Académie de Reims. » Après avoir découvert le milieu professionnel par le biais de petits stages en classe de troisième et seconde au 403e Régiment d’infanterie (Haute-Marne), à la Poste en faisant des tournées avec un facteur et à des guichets bancaires, Jean-Rémi qui « éprouvait déjà le goût pour la lecture et la culture », a trouvé divers emplois de vacation dans des théâtres. Distribution de flyers, contrôle de billets et ouverture de salles. « Des petites immersions qui m’ont permis de prendre le pouls du monde du travail. »
Apprenti libraire à la procure à Reims
Par la suite, après avoir encadré des ados à Reims durant l’été à des ateliers pratiques artistiques, le Châlonnais a suivi à partir de 2004 un contrat d’apprentissage à la librairie La Procure à Reims durant un an et demi. « Me rendant compte que l’évolution en librairie n’était pas évidente avec en plus la tension à négocier les marges économiques, cela m’a incité à passer, en 2004, les concours de la fonction publique. » Muni du statut d’assistant bibliothécaire, il est alors embauché dans les bibliothèques de Montreuil (Seine-Saint-Denis).
« Durant cinq ans, j’y ai été chargé de l’offre culturelle à destination des adolescents tout en gérant les fonds de livres en sciences humaines et sociales. J’ai alors perçu l’importance du travail d‘accompagnement dans la réussite scolaire des jeunes et du temps partagé avec les adultes. » Désirant revenir en Champagne-Ardenne, Jean-Rémi François trouve en 2010 un emploi dans les bibliothèques de Châlons-en-Champagne « comme responsable d’achats de livres et chargé de la gestion de la collection. »
Une centaine de points lecture dans les Ardennes
« C’est en 2016 après avoir passé en interne le concours pour devenir conservateur de bibliothèque que j’ai bénéficié d’une formation de 18 mois à l’institut national des études territoriales, basé à Strasbourg, où j’ai alterné des missions dans des collectivités locales et des formations techniques sur place. » À la suite de ce cursus, Jean-Rémi a postulé à un poste qui se libérait dans les Ardennes. Il devient, en 2016, directeur de la bibliothèque de prêts des Ardennes, succédant à Agnès Plainchamps à la tête d’un service comptant 17 employés.
« J’avais envie de travailler dans des territoires ruraux où les enjeux sont colossaux. » Sa mission comporte trois priorités. D’abord, le développement de la lecture publique en fournissant un complément de collection et la totalité des 250 000 ouvrages à la centaine de points lectures et bibliothèques gérés par les communes ou communautés de communes. Ensuite, la formation des 200 bibliothécaires bénévoles et de 250 salariés. Enfin, un rôle de conseil et d’aide aux élus lors d’ouvertures, de transformations ou de développement d’équipements tout en les accompagnant pour trouver des subventions.
« J’avais envie de travailler dans des territoires ruraux où les enjeux sont colossaux. »
« Ici, il existe une dynamique positive autour des grosses médiathèques de Charleville-Mézières, Sedan, Rethel, Givet, Vouziers et Donchery. Une commune sur quatre dispose d’une bibliothèque, ce qui nous permet d’être le premier service culturel de proximité avec un maillage de 96 lieux de lecture sur une superficie globale de 20 000 m². La loi Robert du 21 décembre 2021 encadre ce schéma en expliquant nos missions de développement de la lecture, de positionnement sur les questions de l’illettrisme et de maîtrise de la langue et de l’appropriation des outils numériques. C’est très ouvert. »
À la faveur d’une réorganisation, le conservateur territorial s’est aussi vu confier la politique culturelle avec le financement des associations et un gros volet sur les interventions en milieu scolaire. Jean-Rémi François s’investit enfin dans l’association « Quand les livres relient » ou « un adulte, un enfant et l’imaginaire se rencontrent autour d’un album » dans des bibliothèques, des maternités, des halls d’immeubles ou des prisons.
Membre de l’ABF
Outre son travail quotidien, le « bibliothécaire de l’année 2023 », avide de savoir ce qui se passe au niveau national dans son métier, a intégré l’association des bibliothécaires de France dont il est membre du bureau depuis 2015. « J’ai des responsabilités sur les questions liées à l’illettrisme et aux problématiques de la maîtrise de la langue. » Ce qui lui permet de bénéficier d’une certaine visibilité auprès de certains ministères, d’éditeurs ou autres collègues.
Satisfait de faire évoluer son métier, Jean-Rémi François se félicite du bon fonctionnement du commerce des librairies ardennaises. « À Sedan et Rethel, il vient par exemple d’y avoir plusieurs ouvertures de pas de portes. » Et notre interlocuteur de pousser un cri du cœur : « Allez en librairie ! » Durant ses moments de loisirs, le châlonnais aime se détendre en écoutant de la musique (jazz et musique baroque), randonner en forêt — « pas assez à mon goût »— jouer au badminton tous les dimanches à Reims et… lire.
Son auteur préféré ? « André Dhôtel. C’est un écrivain local qui a une manière de parler des espaces, du paysage et de la nature qui m’intéresse et qui pose aussi la question de la place et du regard de l’homme vis-à-vis de la nature. Il sait aussi très bien décrire les relations entre les personnes dans les villages en nous embarquant dans des aventures assez rigolotes par des chemins de traverse forestiers. C’est un raconteur d’histoires et un bon poète qui a écrit des nouvelles magnifiques sur les Ardennes. »