Jean-Christophe Viot
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Jean-Christophe Viot

La brasserie envers et contre tout.

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Photo de Jean-Christophe Viot
À 48 ans, Jean-Christophe Viot a déjà passé 17 ans dans la brasserie. (Crédit : PR)

Élève au lycée Saint-Jean-Baptiste de la Salle de Reims, ce fils d’employés de banque se destinait au départ à une activité industrielle, en passant un BEP-CAP d’opérateur-régleur en système d’usinage, « une formation qui m’a bien plu au point de m’inciter à poursuivre dans cette voie et de passer un bac technologique ». Jean-Christophe Viot obtient ainsi un BTS plasturgie et un diplôme universitaire technicien de qualité au lycée Bazin de Charleville-Mézières.

Après quelques petits boulots en intérim, il effectue son service militaire au centre commando de Givet avant de débuter son parcours professionnel, en 2000, à l’âge de 24 ans, chez l’équipementier automobile Visteon à Charleville-Mézières.

« Lors de cette première expérience, j’étais chargé, en tant que technicien qualité, de la mise en place des procédures avant le départ de systèmes de refroidissements chez Volvo, Ford et Jaguar. » Parallèlement à ce travail quotidien, Jean-Christophe Viot, passionné par tout ce qui touche à la bière, effectue ses premiers brassins à domicile. « Cette passion m’a amené à visiter des salons, à échanger avec des brasseurs et à parfaire mes connaissances en lisant des magazines et en étant formé au musée de St-Nicolas-de-Port. Ensuite, j’ai acquis du matériel sur des sites spécialisés et préparer ainsi ma reconversion. »

Gérant d’une brasserie et d’un restaurant

En 2007, alors que l’entreprise Visteon annonce une suppression d’une partie de ses effectifs en incitant des salariés volontaires à partir, l’Ardennais saute sur cette opportunité pour changer d’orientation. Il investit sa prime de départ dans le rachat de la brasserie artisanale du château-fort de Sedan, située sur la promenade des remparts. « Ce négoce comprenait un restaurant et une brasserie, me permettant ainsi d’exercer ma passion », confie-t-il. Cette période qui s’étalera sur huit ans lui permet de créer la Sedane et la Cuvée d’Arthur, qui s’affirmera vite comme un produit phare en boostant son activité. L’affaire l’obligeant « à gérer deux fonctions et faire des journées démentielles en perdant au passage dix kgs », Jean-Christophe Viot stoppe son activité en vendant les deux commerces.

La brasserie d’Arthur à Warcq

En 2015, il déménage à Warcq pour y créer sa propre micro-brasserie dans un local de 275 m² à l’abandon, déniché grâce à ses réseaux. Là, malgré un outil de brassage modeste, il passe une étape supplémentaire et augmente ses volumes tout en étant contraint à cause d’une installation inadaptée de sous-traiter 90% de sa production en bouteilles et en fûts dans deux brasseries partenaires : la Saint-Germain à Aix-Noulette et celle de MilleVertus en Belgique.

Plébiscitée par les consommateurs, la Cuvée d’Arthur, créée dès 2013, est écoulée grâce aux entrepositaires et distributeurs dans 95% des cafés, hôtels et restaurants des Ardennes ainsi que dans les grandes surfaces et chez les cavistes. Mais aussi dans des manifestations comme le Cabaret Vert, le Festival mondial des Marionnettes, la Fête de la bière, le Festival des confréries ou les Médiévales de Sedan. Elle est aussi présente à la table des Crayères à Reims. Bref, sa boisson s’impose dans le paysage gastronomique et, en raison de l’explosion de ses ventes, comme une bière de référence l’obligeant rapidement à réfléchir à une expansion. D’autant qu’il ajoute à sa gamme, en 2020, la cuvée du Kil, issue d’un partenariat avec le pub rémois « Le Kilberry ».

« En assumant ainsi ma passion, j’ai retrouvé ma liberté. »

Pour bonifier ce potentiel, Jean-Christophe Viot cherche alors un lieu d’implantation pouvant abriter une brasserie moderne aux capacités de production élevées, le site warquin étant devenu trop étroit pour accompagner le développement d’une PME vendant plus de 4 200 hectolitres de bières par an.

Après avoir pensé s’installer sur la zone de la Louvière à Villers-Semeuse, sur celle de Lumes, au pôle technologique du Moulin Leblanc ou reprendre un bâtiment au centre de Charleville-Mézières, le porteur de projet autodidacte finit par trouver le bâtiment idéal. Au Val-de-Vence à Charleville-Mézières à proximité immédiate de l’autoroute.

L’avenir dans les ex-locaux de Rinck

« Comme un clin d’oeil au temps qui passe, l’histoire a voulu que je repasse dans une pépite que j’avais visitée avec convoitise dix ans plus tôt mais sans pouvoir y prendre mes quartiers car la manufacture de meubles parisienne, Rinck, était déjà sur le coup. » L’enseigne ayant quitté les lieux en catimini, le fondateur de la Brasserie d’Arthur est devenu, en juin 2024, l’heureux propriétaire d’un ensemble immobilier de caractère de 1 550 m² sur deux niveaux, doté d’une trentaine de places de parking et d’une cour attenante de 700 m².

« C’était là ou jamais. L’endroit convient parfaitement à la future salle à brasser avec ses cuves de 30 hectolitres, aux espaces de fermentation et de vente directe, à une ligne de conditionnement de bouteilles et à un lieu convivial pour la réception du public et de touristes pour des dégustations et évènements festifs. Un endroit de 320 m² servant aussi de boutique et qui sera pourvu d’un brewpub proposant une vue sur les cuves de 30 hectolitres. À plus long terme, j’envisage de créer un lieu de détente privatif avec canapés, tables basses et chaises chinés et upcyclés et un large portrait d’Arthur Rimbaud en toile de fond. »

Jean-Christophe Viot aménagera le site dès le premier semestre 2025 et compte embaucher deux nouvelles personnes. « Notre objectif est de maîtriser 100% de la chaîne de production pour cibler les 5 000 hectolitres (3 000 en fûts et 2 000 en bouteilles), d’augmenter notre chiffre d’affaires (1,3 million d’euros) tout en gagnant en confort de travail. Nous souhaitons aussi accentuer la présence de bières éphémères sur le territoire et rayonner au-delà de nos limites géographiques comme c’est d’ailleurs déjà le cas avec le pub « L’impasse » au Touquet que nous gérons en association avec le Kilberry. Voire même étendre notre influence en explorant l’univers hyper craft, branché et beer geek qui représente un axe fort de ventes. »

Cet investissement proche de 1,5 million d’euros soutenu par la Région et le Feder (360 000€) et Ardenne Métropole nécessitera une nouvelle méthode de management. Avec ce déménagement, la brasserie rapatriera en effet la production de 4 000 hectolitres jusqu’alors sous-traitée chez deux partenaires historiques, condition sine qua non pour continuer la succès story de ce nectar houblonné qui, sur place, s’appuiera bien sûr sur la Cuvée d’Arthur (850 000 euros de chiffre d’affaires) et la Cuvée du Kil (120 000 euros).

« En assumant ainsi ma passion, j’ai retrouvé ma liberté, même si c’est beaucoup de boulot car dans une journée je peux faire cinq métiers différents : brasseur, livreur, chargé de la gestion des achats et de la comptabilité, commercial et chargé de la logistique et de la planification des sous-traitants. Il n’y a pas de train-train. Les journées sont pleines et variées. »