

« Je veux montrer qu’on peut être une femme et travailler dans l’industrie ». Mariée avec trois grands enfants, Isabelle Dumange est alignée avec elle-même. « Je fais ce que j’ai envie de faire et tout le monde ne peut pas le faire. J’ai de la chance ! » Ingénieure Arts et Métiers, celle qui est aussi aujourd’hui présidente du Medef de l’Aube a un parcours professionnel qui suit les mutations de la carrière de son conjoint, ingénieur de production dans l’industrie puis directeur d’usine. Elle travaillera ainsi à Florange pour ArcelorMittal ou dans le Jura comme directrice technique chez un lunetier pour la conception de verres solaires. Aujourd’hui, c’est lui qui suit son épouse dans sa vie de cheffe d’entreprise. Avec trois entités dont deux sites industriels, Isabelle Dumange emploie 32 salariés et réalise 4 millions d’euros de chiffre d’affaires. Quand elle décide de franchir le pas, elle rachète la Société de mécanique champenoise de Romilly-sur-Seine.
L’entreprise intervient dans la production de pièces pour l’aéronautique de défense pour équiper les Rafale, les machines spéciales, l’électroménager, l’agroalimentaire comme les sucreries et les travaux publics pour le forage du métro parisien par exemple. « J’avais créé une société de conseil en organisation d’entreprise et j’ai fait une mission en entreprise. J’ai appris que c’était une entreprise à vendre et là, je me suis dit que c’était ça que je voulais faire, que c’était ma place. L’affaire n’a pas abouti avec cette entreprise, mais la graine a germé et je suis mise en quête d’une entreprise à reprendre ».
Alors, Isabelle Dumange se fait accompagner par la chambre de commerce et d’industrie de Paris. « J’ai envoyé 200 courriers à des entreprises industrielles en B to B dans un rayon d’une heure de Troyes et in bonis parce que je ne voulais pas redresser une entreprise en difficulté, mais accompagner une entreprise qui marchait bien à marcher mieux. Nous en avons retenu 20 selon des critères que j’avais fixés. J’en ai contacté dix et visité cinq. Quand je suis arrivée dans l’atelier de SMC à Romilly, je me suis sentie bien ! »
Avec un large panel de clients et plus de la moitié du chiffre d’affaires réalisé par cinq clients différents, le profil de SMC avec ses 13 salariés rassure l’entrepreneuse et les banques. Elle se fait accompagner par le CLENAM, le club Arts et Métiers animé par d’anciens chefs d’entreprises qui conseillent les porteurs de projets de reprise. « L’accompagnement, c’est important. La recherche a duré trois ans et j’ai signé pour prendre la tête de SMC ».
Une stabilité liée à la diversité
Rapidement, elle recrute un apprenti en soudure pour anticiper la difficulté de recruter dans ce métier. Puis les effectifs augmentent en même temps que le chiffre d’affaires. « Nous suivions la croissance de nos clients ». De 2026 à 2019, l’entreprise passe de 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires à 2 millions. Pendant la crise covid, l’activité continue sur la base du volontariat pour un client de l’agroalimentaire qui devait avoir une solution en cas de panne de ses machines. L’activité se replie, mais la diversité des clients permet de maintenir un bon niveau. « Tous les secteurs ont été affectés, mais pas en même temps. Puis, nous travaillons avec l’aéronautique défense avec des pièces pour le Rafale et il y a eu des commandes de l’Armée.
« J’ai envoyé 200 lettres pour trouver une entreprise à reprendre ! »
Nous avons sauvé les meubles, cependant nous avons accusé la hausse de la matière, de l’énergie, la démotivation du personnel avec les arrêts maladie. Nous étions une dizaine dans un atelier de 2 000 m², ça allait pour les gestes barrières ! On se débrouillait, je faisais les livraisons en camion ». La crise passée, en 2021, Isabelle Dumange qui sous-traitait des pièces à la Société d’applications mécaniques, engage une croissance externe avec son dirigeant qui part en retraite. Son conjoint, Vincent Dumange, la rejoint alors dans l’aventure à Rosières-près-Troyes. « Je travaillais aussi avec un bureau d’études qui fait des pièces d’outillage pour l’aéronautique et le patron m’a appelé pour me demander de m’associer ». Une stratégie qui lui permet de se positionner comme fabricant d’outillage de la conception à la réalisation avec une prestation complète. Si l’aéronautique défense reste toutefois un marché porteur qui représente 30 % de l’activité, la conjoncture reste plus compliquée qu’en 2024, où l’année était bonne. « Nous allons accueillir un alternant en septembre pour développer les marchés et diversifier l’activité pour SMC et également deux alternants au bureau d’études dans l’Yonne. La période est calme en ce moment, alors nous plaçons des pierres et cela portera ses fruits. Pour rentrer chez un client sur ce secteur, le temps est long, il faut plus de deux ans. Ma vision est de faire + 8 % par an avec l’effectif qui va avec ».
Femme de mandats à l’heure des choix
Entrée il y a trois ans au conseil d’administration du Medef via l’UIMM dont elle est administratrice au niveau Champagne-Ardenne depuis 5 ans, elle est largement élue à sa présidence à la fin du mois de juin. Conseillère municipale à la mairie de Saint-Parres-aux-Tertres, membre du réseau Entreprendre, elle accompagne les créateurs ou repreneurs d’entreprise. Isabelle Dumange fait aussi partie du conseil d’administration de l’Union patronale régionale de Romilly et Nogent. « Je vais devoir faire des choix pour me consacrer au Medef. J’ai postulé car le challenge me plait et que je veux apporter aux entreprises indépendantes, les services auxquels les adhérents des fédérations ont accès. L’objectif étant de défendre toutes les entreprises ».
Dans son programme, Isabelle Dumange veut donner la parole aux jeunes entrepreneurs avec la création d’un COMEX 40 dont elle a lancé la création dès le conseil d’administration du 10 juillet. Elle souhaite aussi créer un groupe Femmes du Medef. « 24 % des conseils d’administrations du Medef de France ont plus de 30 % de femmes dans leurs conseils. Moi, je suis toute seule ! » Adepte de la marche nordique et de plongée, « ma soupape, mon équilibre ! », elle prend donc son bâton de pèlerin pour changer les choses et se donne comme objectif d’augmenter la parité dans la fédération auboise. « Quand la préfète, Cécile Dindar, m’a décorée dans l’ordre national du Mérite l’an dernier, elle m’a dit : vous êtes une femme libre ! Elle m’a bien cernée. Il ne faut pas attendre la retraite pour prendre plaisir dans ce qu’on fait ! »