Rien ne semblait prédestiner Inès Saadallah à un tel parcours. Quelques années après être passée par un collège en ZEP, elle a suivi des études supérieures de gestion et de commerce. C’est ensuite après avoir fait ses armes dans le monde du conseil qu’elle a décidé de voler de ses propres ailes en créant Cygnes, une marque de collants très résistants et made In France.
Avec en poche un Bac ES, la Rémoise commence par suivre des études supérieures d’économie et de gestion à l’université de Reims. Pendant la Fac, elle adhère au programme Erasmus et passe un semestre en Écosse, tout en préparant des concours d’entrée dans les écoles de commerce en admission parallèle. Puis elle profite de l’été 2016 pour aller travailler aux États Unis.
« Pendant trois mois, j’ai fait partie d’une équipe de cuisine dans un camp d’été pour enfants, au Merriwood Camp, à Orford, dans le New Hampshire », relate Inès. En septembre 2016, elle entre à l’École supérieure de commerce de Marseille.
Avant d’intégrer la Junior-entreprise Marketing Méditerranée : « C’est une association professionnalisante dans laquelle on réalise du conseil pour des entreprises de la région PACA et les grands groupes. Dans ce cadre, j’ai été amenée à me rendre régulièrement à Paris pour des études marketing. C’est là que j’ai découvert le monde du conseil ».
Pendant une année de césure entre les masters 1 et 2, Inès Saadallah entre chez Vertone - un cabinet de management et stratégie -, d’abord comme stagiaire puis sous CDD. Elle y restera finalement trois ans. « Puis, grâce à un compromis avec l’école, j’ai pu démarrer un CDI en même temps que mon master 2, à distance. Je travaillais mes cours le soir et le week-end », explique-t-elle.
De juillet 2018 à juin 2021, elle sera ainsi consultante dans ce cabinet de conseil, spécialiste des problématiques marketing, expérience client, développement commercial et fidélisation.
« Vertone a participé à la construction des programmes de fidélité des grands groupes comme La Poste, Printemps… Pour ma part, j’ai notamment développé des programmes de fidélité pour le pôle banque de Groupama. J’ai également mené d’autres missions, comme la réorganisation d’une mutuelle », fait valoir la dynamique jeune femme.
Elle sera également en charge du développement d’un programme de fidélité pour une foncière en Europe : « J’ai voyagé dans quelques pays pour préparer le déploiement et former les équipes pour le programme de fidélité qu’on avait mis en place ».
Création d’entreprise
En février 2020, c’est lors d’une soirée familiale que germe l’idée des collants Cygnes. Tout est parti d’un constat partagé par toutes les femmes de son entourage : « il y a un problème avec ce produit, qui est devenu un produit jetable, aucune marque ne se différencie ». Et en rentrant à Paris, Inès, elle-même, s’aperçoit que son collant est « bon à jeter ».
Souvent jugés en outre inconfortables, fragiles et pas jolis, les collants ont un autre défaut. « Ils coûtent cher à la fois à l’unité et en cumulé car on en achète plusieurs pour tenir sur la saison d’hiver », résume la jeune femme.
De retour à Paris, Inès Saadallah décide d’évoquer le sujet avec Axel Delannoy, son conjoint, qui est aujourd’hui également son associé – et qui a depuis un moment le souhait d’entreprendre. « Je me souviens des heures de discussions que nous avons eues autour du problème des collants », explique-t-elle.
Le premier confinement, en mars, marquera pour Inès une baisse de son activité de consultante. L’occasion aussi pour elle et son compagnon de se lancer dans un nouveau projet : « Nous avons profité de cette période pour faire du benchmark et une étude de marché ».
De mars 2020 à juin 2021, ils se consacrent à la recherche de l’atelier avec lequel s’associer pour développer le produit, fabriquer le prototype et faire des test en laboratoire. Avec en tête, au début du projet, l’objectif d’innover et de produire en Europe, ils commencent à prospecter en Italie, là où est concentrée cette activité.
« On nous a ri au nez », déplore Inès, consciente de déranger avec son objectif de ralentir, en quelque sorte, une production industrielle en œuvrant pour lutter contre l’obsolescence programmée des collants.
« Cela ne marchera jamais », entend-elle également. C’est finalement en France, qu’elle trouvera une entreprise familiale prête à relever le défi de fabriquer des collants plus résistants et respectueux de la planète.
« Nous avons développé une vraie relation avec le responsable de cette entreprise. Il possède le savoir-faire. Et il a vu que nous étions allés loin dans le processus d’innovation. Ça l’a intéressé. On a pu faire de la R&D avec lui car on a pu tester dans son atelier nos choix de matières premières et nos recherches. Cela a pris du temps avant de pouvoir se dire qu’on pouvait industrialiser », reconnaît-t-elle.
Financement participatif
« J’ai préparé mon départ du cabinet Vertone quand nous avons eu les résultats du prototype. Et de juin à novembre 2021, j’ai travaillé la partie marketing, réseaux sociaux et R&D, Recherche et Développement », relate-t-elle.
« On envoie des Hommes sur la lune mais nous n’avons pas de collants qui résistent à nos styles de vie… Alors on a travaillé sur un collant qui dure pour protéger vos jambes et notre planète » : tel est le message transmis lors de la campagne de financement participatif lancée le 8 novembre 2021 par les créateurs de Cygnes.
« Nous avons fait quatre semaines de campagne qui nous ont permis de gagner nos 500 premiers clients, deux semaines avant Noël, soit 32 000 euros de chiffre d’affaires ». Le succès est tel qu’il les conduit à une première rupture de stock, dès janvier 2022.
Succès au Salon du Made In France
« Dès la fin de la campagne de financement participatif, notre site internet a généré beaucoup de flux. Et nous avons eu des commandes dès son lancement », fait valoir la créatrice rémoise. En juin 2022, Cygnes reçoit le troisième prix de Plug and Start, le concours de start-up de la Technopole de l’Aube.
Lors du salon à Paris, en novembre 2022, l’engouement pour les collants Cygnes est tel qu’Inès fait des allers-retours pour recharger le stock.
« Il y a eu vraiment un avant et un après Salon du Made In France. Nous avons dû recruter en force ».
« La réalité du Made In France, c’est qu’on a délocalisé un savoir-faire et aujourd’hui, on doit essayer justement de conserver, de développer et de faire en sorte qu’on puisse agrandir les lignes de production ».